Le Sénateur Stanley Safari à l'Université Libre de Kigali
Il n'y est pas allé pour une simple visite, mais plutôt pour animer une conférence
débat sur " Le rôle de la jeunesse dans la lutte contre l'idéologie génocidaire
".
Selon le Sénateur, le génocide de 1994 n'a pas été une fatalité. C'est le résultat
de toute une idéologie enseignée à la population du Rwanda depuis l'époque
coloniale et qui s'est perpétuée jusqu'aujourd'hui.
En 1959, cette idéologie de haine ethnique, de discrimination était tellement
ancrée dans les têtes des gens que les Hutu, par exemple, savaient que les
Tutsi n'avaient pas droit à la vie. L'Hon. Safari a évoqué le discours d'un
ex-dignitaire rwandais, M. Léon Mugesera qui appelait la population à
massacrer les Tutsi et jeter leurs corps dans la rivière " Nyabarongo
" qui était, pour lui, un raccourci sûr vers l'Ethiopie, "
terre d'origine des Tutsi ". Il a également évoqué la déclaration
de M. Théoneste Bagosora en 1993 à Arusha : " Je vais au Rwanda préparer
l'apocalypse ". Pour le Sénateur, l'idéologie génocidaire s'est
tellement installée que le Rwandais aime plus un étranger que son compatriote
avec qui il ne partage pas une même ethnie. " Imaginez-vous une idéologie
enseignée depuis plus de 40 ans, de la bouche d'un grand-père, d'un père,
d'une mère, d'un oncle, d'une tante, lue dans des livres et journaux, entendue
à la Radio,…quelles proportions a-t-elle atteint ? "
L'Hon. Safari a également ajouté que certains rwandais manifestent souvent une
indifférence pendant la période de deuil national sous-prétexte que ladite
commémoration serait la seule affaire des rescapés du génocide. Pour lui,
cela relève également de l'idéologie génocidaire et il faut, à tout prix,
la combattre.
Par ailleurs, il a épinglé le cas de graffitis (dessins et écritures muraux)
dans les toilettes à l'Université Nationale du Rwanda qui reflètent aussi,
d'une manière ou d'une autre, l'idéologie génocidaire. Dans cette pratique,
des étudiants échangent des propos malveillants et injures à caractère
ethnique sur les murs des toilettes. A titre d'exemple (expérience personnelle
vécue) : " Vous, Hutu, ne pensez pas que nous avons oublié tout ce
que vous nous avez fait pour nous taire ainsi. Nous préparons une vengeance
contre vous ! ". Tout juste en bas, la réponse suivante : "
Ha ha ! vous oubliez si vite ! Osez, et nous allons exterminer le peu de Tutsi
qui sont restés. " De tels propos relèvent également et perpétuent
l'idéologie génocidaire, a fait savoir le Sénateur. Heureusement, a ajouté
l'Hon. Safari, qu'à l'U.L.K, de tels graffitis n'existent pas. Pour terminer
son exposé, le Sénateur a demandé à la Communauté de l'U.L.K, de toujours
promouvoir avant tout ce qui unit les Rwandais plus que ce qui les divise car
les conséquences de l'idéologie génocidaire n'épargnent personne. On a vu
les bourreaux souffrir et mourir de choléra et autres épidémies dans leur
refuge et subir un grand calvaire de la longue marche à pied qu'ils ont effectuée.
Tous les humains sont les mêmes : le SIDA, les catastrophes naturelles, les
accidents,….lorsqu'ils surviennent, ne choisissent pas telle ou telle ethnie,
ni non plus, telle ou telle race, a conclu l'Hon. Sénateur Stanley Safari.
Un débat chaud
La communauté de l'U.L.K a demandé au Sénateur Safari quelle était sa part dans la lutte contre le génocide des Tutsi en tant qu'un des hauts dignitaires de l'Etat à cette époque ? Il a répondu qu'avant tout, il aurait éduqué ses enfants à la maison. Aucun de ses enfants (pourtant âgés) ne se serait trempé dans les massacres de 1994. Même lui-même, il a nié toute quelconque contribution physique, financière ou matérielle dans ce génocide malgré qu'il était dans l'appareil de l'Etat qui véhiculai l'idéologie génocidaire. Et avant 1991, année pendant laquelle il est entré en politique, il fut un simple fonctionnaire de l'Etat. En outre, il a déclaré n'avoir jamais utilisé un double langage dans ses propos, d'avoir toujours lutté contre l'idéologie génocidaire ( ce qui lui aurait valu un emprisonnement). Par ailleurs, il n'aurait jamais pillé le pays. Pour preuve, il ne disposerait que d'une seule maison dans laquelle il habite sise dans le district de Gikondo en ville de Kigali.
La Communauté de
l'U.L.K a constaté que la pauvreté et l'analphabétisme sont également pour
quelque chose. Elles créent beaucoup d'anti-valeurs contre lesquelles il faut
d'abord lutter. La Communauté de l'ULK a demandé au Sénateur s'il fallait
punir doublement les gens qui perpétuent encore le génocide, qui ne veulent
pas changer alors qu'ils ont été suffisamment sensibilisés, facilités dans
leur réintégration. A cette question, l'Hon. a répondu que ces gens sont
comme des chiens enragés. Le seul remède serait de les fusiller publiquement.
A la question de savoir quelles sont les mesures en vue à prendre contre ces
hautes autorités du pays qui escamotent les travaux des juridictions
participatives " Gacaca ", le Sénateur a répondu qu'il
y a une loi pour les punir d'autant plus qu'ils découragent la population.
Une étudiante a posé sa question sur l'histoire du Rwanda ancien écartée
dans l'enseignement primaire. Pourtant, la nouvelle n'a pas encore été
confectionnée. N'y aurait-il pas des gens capables de la reconstituer afin
d'enseigner à " nos enfants " une bonne histoire dépourvue
de discrimination ? L'Hon. Safari a répondu qu'il y aurait une commission y
relative. Il a promis de suivre là où elle en est avec les travaux. Dès
qu'elle sera finie, l'Assemblée Nationale devra la relire, la corriger afin de
la publier. Cependant, a reconnu le Sénateur, il n'est pas facile de la
reconstituer objectivement, en toute vérité, il y a une inquiétude à ce
niveau qu'elle pourrait subir une certaine tendance. Raison pour laquelle elle
doit être conçue lentement mais sûrement sous l'œil vigilant du Parlement.
Jean Claude Rubingisa