Pour la troisième fois, fin juin, le président rwandais, Paul
Kagame, s’est fâché contre les hauts responsables de son gouvernement qui
accaparent des terres dans l'est du pays au détriment des petits agriculteurs
qui se contentent de petits champs surexploités. Il s'est dit déterminé à en
finir une fois pour toutes avec ce problème. À Ndego, les grandes fermes des
Afandi, comme on appelle communément les militaires hauts gradés, ne sont pas
clôturées, mais aucun villageois n'oserait en franchir les limites pour étendre
son champ. "Tous ceux qui se sont accaparé nos propriétés ont toujours refusé de
les rendre ou de les partager. Les locaux préfèrent aller ailleurs pour ne pas
crever ici", témoigne un habitant de Gatsibo. Selon lui, nombre de ceux qui,
actuellement, cherchent asile en Ouganda ou ailleurs, ont fui des ministres et
des officiers de l'armée et de la police qui ont pris leurs terres.
Le président rwandais en colère
De nombreux dignitaires du parti au pouvoir occupent des collines entières. De
même, la plus grande partie des terres amputées au Parc national de l’Akagera,
domaine public de l'État, est devenue la propriété d’une minorité. A sa sortie
nord, les immenses fermes clôturées en témoignent. "Ceci est la propriété
d’untel ; cela c’est la ferme du général X ; ces vaches-là appartiennent au
ministre Y…", explique-t-on aux visiteurs de passage. De loin, les petits
troupeaux de vaches se confondent avec les buffles. Les villageois connaissent
bien leurs propriétaires. Ce sont eux qui ont chassé les anciens occupants pour
transformer leurs domaines en immenses fermes ou en pâturages pour le bétail. "À
vrai dire, je ne sais pas délimiter la ferme de mon patron ; c’est tellement
grand que les vaches ne peuvent arriver au bout", avoue un berger, kalachnikov
en bandoulière, fier que son troupeau ait de l’espace où s’épanouir.
Une situation qui met le président rwandais en colère. "Les dirigeants qui ne
veulent pas remettre les terres mal acquises, je vais les limoger, les mettre en
prison. Je suis prêt à le faire, a-t-il martelé en anglais, le 25 juin lors d'un
entretien avec les responsables politiques et militaires dans le district de
Nyagatare, province de l’Est. Personne n'a le droit d'écarter les pauvres pour
s'emparer à lui seul de la terre sous prétexte qu'il occupe un poste dans la
haute hiérarchie de l'État ". Pour lui, personne ne devrait disposer d’un
domaine foncier de 400 ou 800 ha, qu'il n'a pas acheté alors qu'au Rwanda,
l'exploitation moyenne est de 0,6 ha et de 0,2 ha dans la région nord, la plus
peuplée.
Ces grands domaines fonciers de l’Est se sont constitués en 1994 quand les
propriétaires des champs ont fui la guerre et le génocide. "Lors de notre retour
d’exil, nous avons retrouvé toute notre propriété familiale dans les mains d’un
grand militaire qui nous menaçait de mort. Nous avons jugé préférable de quitter
les lieux", témoigne un villageois du district de Nyagatare. Comme de nombreux
habitants du district, renchérit un responsable local.
Il y a deux ans, lorsque l’État a voulu installer les Rwandais refoulés de
Tanzanie cette main mise sur les terres, en particulier de l'Akagera, est
apparue au grand jour.
Les grands officiers ont déjà cédé
"Quand nous aurons restitué les terres, la population aura confiance en nous en
tant que dirigeants, estime le général Fred Ibingira qui dirige la commission
militaire, en place depuis un mois pour recenser tous les domaines des grands
fermiers. Pour le moment, elle ne voit pas en nous une autorité morale, car
nombre de ceux qui habitaient nos terres ont dû nous fuir et quitter le pays."
Lui-même se dit prêt à renoncer à ses 320 ha et est persuadé que tous vont
restituer leurs terres "puisque les grands officiers ont déjà cédé".
Le recensement des fiefs des dignitaires doit être fait d'ici septembre 2007.
Toutes les terres non ou mal exploitées seront restituées à l’État qui va se
charger de leur gestion ou de leur redistribution. Chacun des grands dignitaires
ne pourra plus garder que 25 ha. "Un paysan ordinaire n’en profitera pas, car
les terres récupérées seront entre les mains de l’État qui va les redistribuer
aux grands", craint un paysan de Gatsibo. Chose certaine, précise le gouverneur
de la province de l’Est, Théoneste Mutsindashyaka, l’État est à la recherche de
terres pour installer des investisseurs ou les Rwandais chassés de leurs pays
d’accueil.
Les responsables du titre foncier prévoient qu’un exploitant qui aurait besoin
de plus de 25 ha devra signer un contrat de bail avec les pouvoirs publics. Mais
seuls ceux qui exploitent intensivement leurs domaines y auront droit, ce qui
n'est le cas que d'un petit nombre pour l'instant. Comme ce grand officier,
souvent cité en exemple, qui fait pousser macadamia, maïs, ananas, et élève des
bovins sur ses 200 ha.
Des latifundias pour les Généraux (G. Musabyimana)
Depuis la prise de pouvoir par le FPR à Kigali, des terres des paysans ont été prises comme butin de guerre par des hauts officiers de l’armée et leurs proches.
L’exemple est venu d’en haut. Le Général Paul Kagame, actuellement Président du Rwanda, s’est octroyé 45 hectares au bord du Lac Muhazi. Il y a érigé une ferme : ‘‘Ntebe Farm’’. Dans ce ranch, il y élève notamment des vaches laitières. Ses officiers supérieurs lui ont emboîté le pas. Ils ont fait main basse sur les terres fertiles de la Province de l’Est, qui fait frontière avec l’Ouganda. Ils ne se sont pas contentés de quelques dizaines d’hectares mais des centaines.
Ainsi, le Général Ibingira Fred dispose de 320 hectares. Les Généraux Frank Rusagara et Charles Kayonga totalisent à eu seuls 700 hectares selon l’hebdomadaire « The Newsline » du 18 au 24 juillet 2007. Même les fonctionnaires civils proches du FPR se sont servis : le gouverneur de cette province Mutsindashyaka Théoneste a à lui seul 109 ha. Mary Baine, la Commissaire générale de l’Office rwandais des recettes et la Secrétaire d’Etat au ministère des affaires étrangères, Rosemary Museminari figurent également parmi les grands propriétaires terriens, selon le journal. La constatation des journalistes de cet hebdomadaire est qu’une petite minorité proche du pouvoir se partage les 9858 km² que couvre la Province de l’Est.
Cette situation est grave quand on sait que dans les régions les plus habitées du pays, l'exploitation moyenne oscille entre 0,6 ha et de 0,2 ha.
Des larmes de crocodiles
Les paysans sans terre ont alerté les autorités sur ce phénomène pendant toute la décennie qui vient de s’écouler depuis 1994. Le scandale ayant fait beaucoup de bruits, le Président Paul Kagame se décida enfin à aller sur le terrain. Calendrier électoral oblige : les élections de 2008 approchent à grands pas. Comme le rapporte l’agence Syfia du 20/07/2007, dans un entretien du Président Paul Kagame avec les responsables politiques et militaires dans le district de Nyagatare, province de l’Est, le 25 juin 2007, il a laissé entendre que personne ne devrait avoir un domaine foncier de 400 ou 800 ha, et de surcroît, qu'il n'a pas acheté. Il a menacé les autorités qui ne rendront pas leurs terres de les limoger et de les mettre en prison.
Après cette visite du Président, une commission a été mise sur pied pour recenser les domaines accaparés des dignitaires du régime. Elle doit déposer son rapport d'ici septembre 2007. Non seulement il est présidé par le Général Ibingira qui est trempé dans ce scandale foncier mais également qui s’est montré non tendre avec la population de cette province qu’il a fait massacrée en masse lors de l’avancée du FPR en 1994. Et pour cause, tout était programmé ainsi car le Major Furuma, dans sa lettre du 23/01/2001 à Paul Kagame, a révélé ce plan de réduire la population de cette province de l’Est. Il avait écrit-il, été, concocté par Kagame lui-même. Il fut appliqué par le Général Fred Ibingira, son homme de main. La Major Alphonse Furuma a écrit, textuellement : «From the time Arusha Peace Agreement was being negotiated up to as late as 1996, you carried out a deliberate policy of using all means possible to reduce the Hutu Population in the Umutara, Kibungo and Bugesera regions. These areas were deliberately resettled by old caseload returnees from Uganda, Tanzania and Burundi respectively ».
Ibingira est surtout connu pour avoir supervisé les massacres de 10000 personnes dans les camps de Kibeho en 1995.
Les paysans lésés ne sont pas au bout de leurs peines. Mise sur pied à des fins électoralistes, la commission fera le recensement de ces terres, mais elles ne seront pas rendus directement à leurs propriétaires. Selon l’agence de presse Syfia, ces terres seront restituées à l’Etat qui se chargera de leur gestion. Comment ? La réponse dévoilée par le gouverneur de la province de l’Est, Théoneste Mutsindashyaka, est précise sur les intentions de l’Etat : ces terres serviront notamment pour installer des investisseurs. Le paysan qui aura « besoin de plus de 25 ha devra signer un contrat de bail avec les pouvoirs publics. Mais seuls ceux qui exploitent intensivement leurs domaines y auront droit, ce qui n'est le cas que d'un petit nombre pour l'instant ». Le paysan ordinaire ne pourra donc pas en profiter car ne pouvant pas remplir les conditions exigées.
Le constat fait dans un rapport de l’ONU sur le développement humain et qui décortique la Vision 2020 tant vantée au Rwanda, va dans le même sens. Selon le rapport : « La croissance récente du Rwanda n’a pas profité aux populations pauvres des régions rurales; au contraire, elle a abouti à une concentration des richesses au sommet de l’échelle de répartition des revenus » (Agence IRIN du 1 août 2007).