Vers un protocole d’identification ethnique des Rwandais par leur ADN ?
Dans une interview à Jeune Afrique du 19 juin 2018, Paul Kagame a affirmé qu’il a fait faire un test ADN par « curiosité scientifique ». Ce test a révélé que son ADN est « Un mélange génétique complexe : africain, européen, asiatique, tutsi, hutu… » ![1]
La nouveauté
Comme nous le lisons, ce qui est dévoilé ce ne sont pas les prédispositions à telle ou telle maladie, mais l’identité raciale et ethnique de Paul Kagame. Et ce n’est pas un colon blanc qui le dit, c’est l’intéressé lui-même qui l’affirme.
Il est compréhensible de vouloir découvrir en lui une autre race que la race noire (la race africaine n’existe pas), puisqu’il croit qu’il n’a que comme race noire la peau, le reste en lui et sur lui est de race blanche et/ou asiatique ! Ceci justifie d’ailleurs ses prétentions actuelles, à s’illusionner d’être un président proactif et à montrer aux autres chef d’Etats africains, qu’il peut incarner la domination de son ethnie non seulement sur le Rwanda, mais également sur toute l’Afrique en lieu et place des colonisateurs de l’ancien temps.
Pour quel intérêt?
Ce qui est curieux et surprenant ce fut cette découverte en lui de gênes tutsi et hutu (apparemment il n’a pas trouvé de gènes twa en lui). Il prouve que les Tutsi et les Hutu sont génétiquement identifiables et donc génétiquement différenciables.
Jusqu’à présent, les critères de différenciation des Tutsi, Hutu et Twa étaient basés essentiellement sur trois éléments : la descendance patriarcale, la morphologie et l’affirmation personnelle ou populaire. Tout le monde s’accordait pour dire que ces trois critères étaient purement subjectifs. Des individus pouvaient changer d’ethnie d’un moment à l’autre et les traits physiques sont souvent trompeurs.
Quant aux colonisateurs, ils se sont appuyés sur des études d’anthropologues et des contes essentiellement de la cour royale de la monarchie nyiginya pour évoquer la possible différenciation entre les trois ethnies.
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Cette révélation, qui semble être la première dans l’histoire du Rwanda, n’est qu’une façon de confirmer et de formaliser qu’il y a une différence génétique entre les Tutsi, les Hutu et les Twa. Paul Kagame atteste qu’il est possible de savoir si on est, par la génétique, de telle ou de telle ethnie et si on a le mélange, de savoir quelle composante domine les autres.
Paul Kagame, adepte du divisionnisme?
L’incompréhension vient du fait qu’évoquer actuellement l’existence d’ethnies au Rwanda constitue un crime de divisionnisme. Plusieurs personnes ont été condamnées pour cela. La justice rwandaise le poursuivra-t-elle pour ce crime ? Peut-être, mais pas pour demain.
En tout cas l’évocation de ces différenciations génétiques ne plaide pas en faveur de l’unité nationale ni de la réconciliation nationale. Cela renforce plutôt les consciences et les sentiments d’appartenances ethniques.
Cependant, on peut craindre le pire : on pourra prochainement faire dire à la génétique qu’il y a des personnes qui naissent avec des qualités génétiques exceptionnelles qui leur permettent de dominer indéfiniment les autres qui n’en ont pas. Le mythe d’« ukuvukana imbuto » est en marche de nouveau.
Que ceux qui se moquent du CEO* du Rwanda, croyant qu’il enseigne toujours ce qu’il ne comprend pas, sachent que ce qu’il dit aujourd’hui, arrive le lendemain.
Gaspard Musabyimana