L'ultime objectif de Kagame pour le TPIR: Où en-est-il dans sa réalisation?

Jacques Nizeyimana
19.12.02


Dans un article intitulé "Ce que Kagame prépare pour le TPIR" du 11 juillet 2002, j'ai mis en exergue les tenants et les aboutissants d'une crise en gestation au TPIR, une crise voulue et activement recherchée par le FPR de Kagame, une crise conçue pour être salutaire au régime du FPR, une crise qui devrait avoir le jour et réussir avant la fin de cette année 2002 ou, en d'autres termes, avant que la procureure générale du TPIR, Madame del Ponte, n'interpelle les militaires criminels du FPR qui ont trempé dans les massacres systématiques organisés sur des populations civiles au Rwanda en 1994. Dans une certaine mesure, cette crise a eu lieu. Toutefois, Kagame n'a pas encore réussit son plan de mettre le TPIR à genoux.

L'année 2002 touche à sa fin. Le général Kagame a comme prévu pris son temps pour poser des mines et construire un mur de défense argumentaire pour son refus catégorique de coopérer avec le TPIR. Le point culminant de cette bataille contre la justice internationale aura été la déclaration incendiaire du 22 Novembre 2002 où le gouvernement rwandais dénigre la procureure générale du TPIR et rejette totalement son action au TPIR. Cependant, à la suite de sa réunion 4674 tenue le 18 décembre 2002, le conseil de sécurité a demandé encore une fois au gouvernement rwandais de coopérer sans conditions avec le TPIR.

L'année 2002 touche à sa fin. La procureure générale Del Ponte n'a pas encore tenue sa parole d'inculper les plus imminents des criminels au sein de l'APR, des criminels qui contrôlent le FPR, des criminels qui ont fait de ce parti militaro-politique non seulement une véritable machine à tuer, mais aussi une entreprise qui prospère grâce à la machination et la couverture des massacres. Désormais, del Ponte semble avoir vu clair dans cette entreprise. Aura-t-elle encore une fois l'audace de tourner le dos à la justice et de reporter les premiers mandats d'arrêts contre les criminels de l'APR à une autre hypothétique échéance?

L'année 2002 touche à sa fin. Le Rwanda à la fois victime du génocide des interahamwe et des massacres systématiques qui ont été commis par le FPR vit toujours soumis à l'un des deux camps de bourreaux. Le Rwanda vit entre le silence et les fosses communes remplies par le FPR. Les espoirs de voir le TPIR lever la voile sur ce silence s'échauffent et se refroidissent au rythme du fonctionnement indécis de ce tribunal.

L'année 2002 touche à sa fin. Le FPR se prépare à organiser des élections générales l'année prochaine dans une société où, au jour le jour, il s'acharne lui même à tuer la liberté d'expression. Au moment où certains se refusent encore d'envisager toute considération de génocide à l'égard des massacres systématiques commis par le FPR, non pas parce que ces massacres n'ont pas  eu effectivement des allures d'un génocide, mais sur base des lignes diplomatiques et des limitations conceptuelles face au génocide rwandais mis dans le contexte des autres génocides dans l'histoire de l'humanité, d'aucuns reconnaissent de plus en plus le caractère liberticide de la politique du FPR. Ils reconnaissent que ces élections ne courent pas une seule chance sur mille de devenir des élections démocratiques.

L'année 2002 touche à sa fin. Le FPR s'oppose à l'action du TPIR parce qu'il sait notamment que le cynisme et la machination comme règle de massacres et de diplomatie de couverture des massacres qu'il a commis seront exposées quel que soit le membre de son armée qui sera jugé au TPIR. Il sait que les massacres commis sont graves, systématiques et faciles à prouver car ils ont eu lieu sur l'ensemble du territoire national. Il sait que à travers les procès des criminels de l'APR, l'opinion internationale sera convaincu de l'incompatibilité entre la nature du FPR et la démocratie et la justice dans la société rwandaise.

L'année 2002 touche à sa fin. Le TPIR semble avoir remarqué le piège. Avec retard. La présidente et la procureure générale ont toutes les deux dénoncé au conseil de sécurité de l'ONU à deux reprises chacune dans un espace de cinq mois la tactique du gouvernement du FPR d'empiéter sur le fonctionnement du tribunal et le refus de Kagame de coopérer sur les investigations du TPIR sur les crimes de guerre commis par les éléments de l'APR.

L'année 2002 touche à sa fin. Le FPR quant à lui persévère à semer la confusion. Il y a eu un remaniement ministériel et une nouvelle distribution des postes dans le haut commandement de l'APR pour s'adapte à "la menace TPIR". Le ministère des affaires étrangères est finalement passé "officiellement" aux mains du secrétaire général du FPR. Dans l'armée le militaire dont le mandat d'arrêt serait prêt depuis la fin de l'année 2001 a retrouvé une place de grande influence dans l'APR. Au dessus de tout, le FPR poursuit tambour battant sa campagne de diabolisation du TPIR.

L'année 2002 touche à sa fin. Pourtant, l'ultime confusion gît ailleurs. Il été prévu une réunion le 11 décembre 2002 à Arusha entre les Monsieurs justice du FPR et les responsables du tribunal pénal international pour le Rwanda. A la dernière minute le FPR a boycotté la rencontre. Le FPR s'est arrangé pour que certains médias qui lui sont aveuglement favorables propagent le mensonge que cette réunion initialement prévue au début de novembre 2002 avait été encore une fois reportée! La raison avancée par le FPR était que l'ambassadeur itinérant pour des crimes de guerre du gouvernement américain Monsieur Pierre-Richard Prosper ne pouvait pas participer à cette rencontre. Tout simplement, le FPR chercherait ici à faire croire aux dirigeants du TPIR qu' il bénéficie du soutien américain dans son refus de coopérer avec le TPIR.

L'année 2002 touche à sa fin. Ce qui est évident est que le FPR cherche à éloigner le plus loin possible l'attention de l'opinion internationale de la véritable raison de la crise avec le TPIR qui est de traduire à Arusha les criminels au sein de l'APR. Également, il cherche à ridiculiser l'action du TPIR et à mettre la procureure générale dans la position où elle ne pourra pas facilement lancer les mandats d'arrêts contre les membres de l'APR avant la fin de cette année.

L'année 2002 touche à sa fin. Pourtant, le FPR n'aura prouvé au monde entier que un TPIR qui ne serait pas son potager diplomatique aux ingrédients de distraction de l'opinion internationale sur ses propres crimes de guerre et crimes contre l'humanité ne mérite que de disparaître purement et simplement. Espérons que la décision du conseil de sécurité du 14 décembre 2002 en rapport avec l'augmentation des juges au TPIR est une marque de la détermination de l'ONU à réussir le pari du TPIR.

L'année 2002 touche à sa fin. Clairement, l'ultime objectif de Kagame reste de rendre caduque la justice internationale exercée au TPIR. Il y a ici une épreuve sur la compréhension que Kagame et le FPR se font du génocide rwandais et de l'impunité dans la société rwandaise. Tout est cynique et mensonge. Depuis l'assassinat des présidents rwandais et burundais dans un attentat terroriste le 06 avril 1994, un attentat qui fortuitement présente quelques les similarités avec cet autre contre l'avion
de la compagnie Israélienne à Mombasa le mois passé aussi bien en rapport les moyens utilisés par les terroristes que probablement aussi et surtout dans les conditions d'acquisition des armes de crimes, jusqu'à la panoplie de machination et de diplomatie de couverture des massacres comme elle transparaît dans le discours de del Ponte aux parlementaires britanniques le 25 Novembre 2002.

L'année 2002 touche à sa fin. On sait bien que ce ne sera pas facile pour certains gouvernements occidentaux qui soutiennent les efforts de paix et stabilité dans la région des Grands Lacs Africains de reconnaître ouvertement que Kagame préside à la tête d'une organisation criminelle. Mais alors, y-a-t-il là une raison suffisante pour abandonner le TPIR qui cherche à prouver que l'éradication de l'impunité est possible au Rwanda? Le TPIR sera-t-il abandonné comme la MINUAR en avril 1994? La question est de savoir si Madame del Ponte va subir le même sort que le général Dallaire? A la fin de son mandat, recevra-t-elle elle aussi des médailles et récompenses franchement parlant en guise de l'échec du TPIR?

L'année 2002 touche à sa fin. Si les échecs du passée servaient à éclairer le conseil de sécurité dans ses décisions sur le Rwanda actuel, le soutien inébranlable à la réussite du TPIR dans sa mission devrait constituer une priorité inconditionnelle. Juste pour rappel, le Rwanda et l'ONU ce n'est pas une histoire de ces derniers dix ans. C'est quelques quarante ans de bonnes initiatives qui tournent immanquablement mal à la fin. Un petit rappel: les premières élections démocratiques au Rwanda étaient organisées par le conseil de sécurité de l'ONU le 25 septembre 1961. S'il faut sortir du cercle vicieux des violences et des alliances éphémères avec les régimes dictatoriales au Rwanda et en Afrique centrale, le TPIR représente un atout, non pas un autre simple gadget onusien.

L'année 2002 touche à sa fin. Une fin qui pourrait bien être pareille à la fin 2000 et la fin 2001 dans les annales du bureau de la procureure générale du TPIR. En gardant à l'esprit la date butoir de 2008 pour la clôture des travaux du TPIR, on ne peut exiger de la procureure générale du TPIR que de tenir sa parole et d'inculper sans delais les premiers criminels qui jouissent la protection de l'État rwandais. On ne peut exiger de la communauté rwandaise que de dénoncer incessamment des criminels qui allègrement se moquent de l'humanité et des droits de l'homme. On ne peut exiger de la communauté internationale que de continuer à traquer et à sévir sur tous les criminels responsables de l'holocauste rwandais sans distinction ni faveurs.

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