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geste devrait être apprécié : la France figure parmi les pays qui
ont appuyé la candidature du général rwandais, Karenzi Karaké, au
poste de commandant adjoint de la future force conjointe Nations
unies-Union africaine (UA) au Darfour. En soutenant le choix du
général Karaké, soupçonné de graves atteintes aux droits de l'homme
et proche du président rwandais Paul Kagamé, Paris donne des gages à
Kigali pour restaurer des relations rompues depuis novembre 2006.
Le général Karaké, 46 ans, est l'un des principaux responsables
militaires de l'ex-rébellion tutsie, le Front patriotique rwandais
(FPR), arrivé au pouvoir à Kigali en 1994 en mettant un terme au
génocide des Tutsis (800 000 morts en cent jours). Sa nomination
par l'ONU est contestée en raison d'allégations de crimes de
guerre dont se seraient rendues coupables des unités dont il a eu
le commandement pendant sa carrière au Rwanda et en République
démocratique du Congo.
Les enquêtes du sociologue André Guichaoua l'impliquent d'abord
dans les agissements d'un groupe responsable d'assassinats de
personnalités afin d'accroître la tension au Rwanda en 1993.
En 1996-1997, M. Karaké a participé à l'attaque de camps abritant
des réfugiés hutus, innocents et "génocidaires" mêlés, dans l'est
de l'ex-Zaïre. Ces camps étaient dominés par des extrémistes
déterminés à rentrer armes à la main au Rwanda pour "terminer
le travail" (le génocide). Le FPR a attaqué ces camps en
novembre 1996 afin de contraindre leurs occupants à retourner au
Rwanda, avant de pourchasser les récalcitrants.
RÉPRESSION CONTRE LES HUTUS
Environ 200 000 personnes sont mortes assassinées ou tuées par la
faim et les maladies. "Karenzi Karaké est un des architectes de
la campagne de représailles" contre les camps, affirme une
source. L'officier sera ensuite nommé à Gitarama, puis à Ruhengeri,
deux régions du Rwanda où la répression contre la population hutue
est sans pitié.
Aucun de ces faits ne fait l'objet de poursuites. Ils ne relèvent
ni du mandat du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR),
ni de celui de la Cour pénale internationale (CPI), qui ne peut
juger de faits antérieurs à 2002. M. Karaké est d'autre part cité
en France par un témoin du juge Bruguière comme ayant participé à
l'attentat de 1994 contre l'avion du président Habyarimana. Son
nom figure aussi dans la plainte instruite en Espagne.
La nomination du général Karaké par l'UA, le 14 août, a suscité un
"débat houleux" aux Nations unies, alimenté par les
informations fournies par des organisations de défense des droits
de l'homme. Mais lorsque l'ONU a demandé à pouvoir choisir sur une
liste, le Rwanda a menacé de retirer ses troupes de la force pour
le Darfour.
Après trois semaines de controverse, le général Karaké a
finalement été confirmé dans ses fonctions au Darfour le 17
septembre. Kigali doit fournir 2 800 des 26 000 hommes de cette
force que l'ONU peine à constituer.