Paris a appuyé le choix controversé du général Karaké à l'état-major de la mission Darfour

LE MONDE | 01.10.07 | 13h50  •  Mis à jour le 01.10.07 | 13h50
Le geste devrait être apprécié : la France figure parmi les pays qui ont appuyé la candidature du général rwandais, Karenzi Karaké, au poste de commandant adjoint de la future force conjointe Nations unies-Union africaine (UA) au Darfour. En soutenant le choix du général Karaké, soupçonné de graves atteintes aux droits de l'homme et proche du président rwandais Paul Kagamé, Paris donne des gages à Kigali pour restaurer des relations rompues depuis novembre 2006.
 
Le général Karaké, 46 ans, est l'un des principaux responsables militaires de l'ex-rébellion tutsie, le Front patriotique rwandais (FPR), arrivé au pouvoir à Kigali en 1994 en mettant un terme au génocide des Tutsis (800 000 morts en cent jours). Sa nomination par l'ONU est contestée en raison d'allégations de crimes de guerre dont se seraient rendues coupables des unités dont il a eu le commandement pendant sa carrière au Rwanda et en République démocratique du Congo.
Les enquêtes du sociologue André Guichaoua l'impliquent d'abord dans les agissements d'un groupe responsable d'assassinats de personnalités afin d'accroître la tension au Rwanda en 1993.
En 1996-1997, M. Karaké a participé à l'attaque de camps abritant des réfugiés hutus, innocents et "génocidaires" mêlés, dans l'est de l'ex-Zaïre. Ces camps étaient dominés par des extrémistes déterminés à rentrer armes à la main au Rwanda pour "terminer le travail" (le génocide). Le FPR a attaqué ces camps en novembre 1996 afin de contraindre leurs occupants à retourner au Rwanda, avant de pourchasser les récalcitrants.
 
RÉPRESSION CONTRE LES HUTUS
 
Environ 200 000 personnes sont mortes assassinées ou tuées par la faim et les maladies. "Karenzi Karaké est un des architectes de la campagne de représailles" contre les camps, affirme une source. L'officier sera ensuite nommé à Gitarama, puis à Ruhengeri, deux régions du Rwanda où la répression contre la population hutue est sans pitié.
Aucun de ces faits ne fait l'objet de poursuites. Ils ne relèvent ni du mandat du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), ni de celui de la Cour pénale internationale (CPI), qui ne peut juger de faits antérieurs à 2002. M. Karaké est d'autre part cité en France par un témoin du juge Bruguière comme ayant participé à l'attentat de 1994 contre l'avion du président Habyarimana. Son nom figure aussi dans la plainte instruite en Espagne.
La nomination du général Karaké par l'UA, le 14 août, a suscité un "débat houleux" aux Nations unies, alimenté par les informations fournies par des organisations de défense des droits de l'homme. Mais lorsque l'ONU a demandé à pouvoir choisir sur une liste, le Rwanda a menacé de retirer ses troupes de la force pour le Darfour.
Après trois semaines de controverse, le général Karaké a finalement été confirmé dans ses fonctions au Darfour le 17 septembre. Kigali doit fournir 2 800 des 26 000 hommes de cette force que l'ONU peine à constituer.
 
Philippe Bernard et Jean-Philippe Rémy
Article paru dans l'édition du 02.10.07