Bron: Belga
15/10/2005 17:56
KIGALI 15/10 (BELGA/AG) = Des représentants du ministère belge des
affaires étrangères ont engagé à Kigali des discussions avec les autorités
rwandaises pour obtenir l'extradition du Père Theunis. Guy Theunis, prêtre
catholique qui a vécu au Rwanda de 1970 à 1994, avait été arrêté le 6
septembre pour incitation au génocide et négationnisme, au moment où il
transitait par l'aéroport de la capitale rwandaise. Le ministère belge des
Affaires étrangères avait annoncé le 4 octobre que les autorités
rwandaises avaient accepté de transférer à la justice belge le dossier du
père Theunis.(PRS)
"Il a été transféré à la prison centrale de Kigali", a expliqué à l'AFP Domitille Mukantaganzwa du département du ministère rwandais de la Justice qui gère les tribunaux populaires "gacaca", chargés de juger les auteurs présumés du génocide de 1994 au Rwanda.
M. Theunis, qui était en poste au Rwanda de 1970 à 1994, pourrait devenir le premier religieux étranger à être inculpé pour son rôle présumé pendant les massacres de 1994, qui ont fait, selon l'Onu, environ 800.000 morts.
"L'étape suivante sera sa présentation devant le gacaca de la cellule d'Ubumwe", un quartier de la ville de Kigali, a poursuivi Mme Mukantaganzwa, précisant que cette présentation était prévue pour dimanche.
Le gacaca devra déterminer quelle juridiction pourra éventuellement poursuivre le père, à savoir les gacaca ou les tribunaux ordinaires.
Mme Mukantaganzwa a rappelé que le missionnaire belge, membre de la Société des missionnaires d'Afrique (SMA), était accusé "d'incitation au génocide", notamment à travers le journal rwandais "Dialogue", dont il était le directeur au moment du génocide.
Le père Theunis, aujourd'hui âgé d'une soixantaine d'années, est aussi accusé d'avoir tenu des propos négationnistes après le génocide, selon le parquet.
Il a été arrêté mardi au Rwanda alors qu'il transitait par Kigali après avoir séjourné, dans le cadre des ses fonctions, huit jours à Bukavu, ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) voisine.
Plusieurs hommes d'Eglise rwandais ont déjà été poursuivis et jugés pour leur rôle présumé
Génocides: Bruxelles
proteste contre l'arrestation d'un prêtre à Kigali
(L'Express 09/09/2005)
La Belgique a émis jeudi une
protestation contre l'arrestation, mardi à Kigali, du prêtre belge Guy
Theunis, accusé de "crimes contre l'humanité" par le gouvernement
rwandais.
Le cas du Père Guy Theunis illustre une fois de plus la politique du FPR dont les contours sont mal compris ou mal cernés.
Elle se résume en une phrase : faire mal et en tirer profit.
Ce qui est évident, le temps va le prouver, ce père blanc qui s’est battu pour les droits de l’homme à travers le monde entier est un innocent dans l’affaire rwandais. Le FPR le sait !
Je l’ai toujours dit, ce régime ne recherche pas les coupables dont il fait parti lui-même, mais s’attaque à tout ce qui l’empêcherait d’exister dans sa forme actuelle.
Son combat de tous les jours, faire accepter à l’opinion que c’est lui, lui seul et unique victime de la tragédie rwandaise !
Cette arrestation injuste et scandaleuse m’inspire deux hypothèses :
C’est certain, ce prêtre sera traîné dans la boue et ensuite acquitté. Il aura subi un traumatisme (comme l’évêque de Gigongoro qui après sa sortie de la prison n’ose plus parlé d’aucun sujet concernant le FPR) qui le rendra « inerte » tout le reste de sa vie. Ce sont des méthodes qui ont connu beaucoup de « succès » dans l’ex-URSS.
In fine, en innocentant le père blanc, le FPR aura prouvé que ses institutions judiciaires et particulièrement la scandaleuse GACACA a une indépendance qui ne souffre d’aucune faille, vis à vis du régime (qui se veut démocratique, entendez par-là la séparation des pouvoirs), et de surcroît faire croire que le Gacaca dispose « d’une intelligence judiciaire »de distinguer les innocents des coupables. Ce sera un coup d'arrêt aux critiques contre le Gacaca.
A la libération de ce pauvre prêtre, les média vont applaudir la lucidité du régime et louer le modèle de gouvernance rare en Afrique noire!
Il est de bonne guerre que ce régime adopte une stratégie d’anticipation dont l’objectif est de focaliser l’opinion sur les victimes (eux) et discréditer plus tard toute tentative d’inculpation du régime. S’attaquer à ce régime après les faits serait qualifiée de vengeance ou de règlement de compte.
C’est cette stratégie qui a pu freiner l’élan de la justice française, en faisant croire à l’opinion, que les menaces contre Kagame était un refus( de la part de la France)de reconnaître « sa culpabilité prouvée » dans le génocide rwandais !Rappelez-vous des incidents diplomatiques au Stade Amahahoro lorsque Kagame en personne a humilié le Représentant de la France! Incroyable, non!
Concernant la Belgique qui est lié à ce régime plus par des intérêts privés que les affaires d’Etat, ce coup médiatique infléchira davantage son attitude et l’amènera au statut de négociateur que de donneur d’ordre dont certains dirigeants belges voulaient acquérir à l’instar de ce qu’ils font en RDC. Kagame dispose des dossiers ( sur le pillage des ressources de la RDC), attention il peut être maître chanteur!
Donc la prudence sera de mise!
En conclusion
La libération de Guy Theunis est certaine, la durée de détention dépendra des concessions des uns et des autres et de l’objet du marchandage qui n'est pas essentiellement la libération du Père blanc. L'incarcération et la libération du Père Guy Theunis sont des moyens, l'objectif est ailleurs.
Vénuste LINGUYENEZA J'en fais le récit parce que témoin, parce que de fausses
ou incomplètes relations circulent, parce qu'on ne demande pas aux témoins ce
qui s'est réellement passé (même l'épiscopat rwandais, jusqu'à ce jour, ne
m'en a jamais demandé le récit) et parce que, même les études les plus récentes,
donnent toujours, des faits, la version du Front Patriotique Rwandais (F.P.R.).
Et pourtant beaucoup de témoins sont encore en vie qui pourraient en faire
chacun sa relation: le recoupement de ces différents témoignages donnerait un
récit le plus complet et le plus fiable possible. On pourrait même retrouver
les noms des responsables militaires du site de Kabgayi, qui sont
vraisemblablement les responsables de cet assassinat prémédité, faut-il le
souligner. D'entrée de jeu, j'atteste que les évêques savaient plus
ou moins ce qui les attendait, mais ils ont refusé de fuir. Ils en avaient
discuté avant avec tous les prêtres responsables des communautés de Kabgayi. Le F.P.R. arrive le jeudi 2 juin 1994. Tout le site de
Kabgayi tombe en leurs mains avec la fin de la matinée. Tout Kabgayi, c'est-à-dire
jusqu'au garage du diocèse: toutes les propriétés du diocèse avec l'hôpital,
les écoles, les ateliers, le grand séminaire de philosophie et les résidences
du personnel. Comme toujours le F.P.R. arrive un peu avant les heures du
repas. C'est ainsi qu'ils sont arrivés à l'évêché entre 11h et midi;
l'infiltration datait déjà de plusieurs jours, si ce n'est de plusieurs
semaines. Ils ont cherché les évêques et spécialement l'archevêque de
Kigali; celui-ci fêtait précisément l'anniversaire d'ordination épiscopale,
puisqu'il a été ordonné le 2 juin 1974; on avait donc préparé un bon repas
de circonstance, mais ceux qui s'en sont régalés n'étaient pas invités! Les soldats du F.P.R. ont regroupé, devant la cathédrale,
les trois évêques avec Mgr Gasabwoya, Mgr Rwabilinda, l'Abbé Muligo, le Frère
Nsinga et plus tard l'Abbé Uwimana. On va garder tout le groupe là sous le
soleil jusque vers 15h quand on les descend sur la route devant l'école des
infirmières. Aux alentours de 19h, les militaires les remontent à l'évêché
pour qu'ils prennent quelques effets personnels. Les soldats en profitent pour
ramasser tous les prêtres qui se trouvaient à Kabgayi (à l'exception de ceux
qui se trouvaient encore au Philosophicum). Trois jeunes filles tiennent à
accompagner et à rester avec le groupe, bien que les soldats feront tout pour
les éloigner. Ils leur proposaient par exemple, d'aller se mettre à l'abri,
mais elles refusaient. Vers 3 h du matin du vendredi, on conduisit tout le
groupe en voiture à Ruhango à une quinzaine de kilomètres; on les garda chez
un particulier près de la maison communale. Dans la pièce d'à coté, d'autres
prisonniers étaient ligotés à la manière F.P.R. qui va les passer par les
armes tôt dans la matinée. Les évêques vont rester là avec les prêtres
jusqu'au matin du dimanche 5 juin. Le dimanche 5 juin dans la matinée, on conduit tout le
groupe au noviciat des Frères Joséphites. Le curé de Byimana a la surprise de
les voir là quand il va célébrer la messe dominicale pour les frères, les
religieuses et les fidèles réfugiés là-bas: le Frère Vivens était venu lui
demander de faire la messe parce qu'il n'y avait pas de prêtre et il concélébrera
avec le groupe qui venait de Ruhango. Ce sera leur dernière messe puisqu'ils
seront assassinés dans la soirée du même jour vers 19h. Est-ce une coïncidence
que c'était la Fête-Dieu, appelée aussi Fête du Précieux Sang? Il faut dire qu'entre-temps les militaires devaient attendre
des ordres d'en-haut. Tout comme ils avaient voulu rassembler en un même lieu
tous les responsables des communautés de Kabgayi. C'est ainsi que là où j'étais
à Byimana, avec quatre autres confrères (le préfet des études de philosophât
et les prêtres de la paroisse de Byimana), et avec la secrétaire de l'évêché,
on est venu vendredi 3 juin au matin, nous dire que bientôt un véhicule
viendrait nous emmener rejoindre les autres "banyakiliziya" (néologisme
arrivé au Rwanda avec le F.P.R. pour dire "les gens de l'Eglise").
Celui qui nous a ordonné de nous préparer à partir, convoyait une camionnette
qui emmenait les Sœurs Benebikira de Byimana ; pour des raisons que j'ignore on
n'est pas venu nous embarquer. Y aurait-il eu divergences au sein du F.P.R., car
même si le sort des évêques était déjà scellé, il n'en était pas de même
pour tous les prêtres qui étaient avec eux et dont certains étaient tutsi.
Finalement, les militaires tireront sur le groupe sans distinction. J'étais donc à Byimana paroisse. En effectuant un
flash-back, je me suis rendu compte que la tension était montée chez le
militaires ce dimanche-là. Nous subissions une perquisition presque toutes les
heures, et chaque fois la hargne était plus visible. Spécialement dans l'après-midi
de ce dimanche, deux militaires ont failli même nous tuer; ils ont prétendu
que ce qui les retenait, c'est que leur armé ne tue pas les prêtres, ce que
nous avons cru à l'instant, sans savoir ce qui se tramait, et sans savoir à ce
moment-là, que tous prêtres du diocèse de Byumba qui étaient sur place en
avril 1994, avaient été exterminés sans en laisser échapper un seul. Les
militaires qui nous ont malmenés cet après-midi, cherchaient à justifier leur
colère par les accusations devenues habituelles selon lesquelles l'Eglise n'a
pas protégé les Tutsi (et pourtant à Kabgayi, le personnel et les
infrastructures du diocèse ont pu sauver plus ou moins 30.000 personnes) ; ils
ont même accusé l'évêque de Kabgayi (qu'ils confondaient tout le temps avec
l'archevêque de Kigali et le traitaient de "cya gikaridinali", c'est-à-dire
le gros cardinal) d'avoir chez lui un immense dépôt d'armes. Visiblement ils
cherchaient à forger une culpabilité qui justifierait le massacre qui se préparait. L'assassinat s'est fait comme partout ailleurs où le F.P.R.
a tiré sur les gens: on réunit tout le monde soi-disant pour parler sécurité,
puis brusquement on ouvre le feu. C'est ce qui s'est passé avec les évêques
et le groupe qui était avec eux. Vers 19h, on les a réunis au réfectoire des
Frères Joséphites pour parler de leur séjour et de leur sécurité, leur
a-t-on dit. Les militaires se sont énervés quand ils ne voyaient pas arriver
l'archevêque (qui était à la chapelle) : on est allé le quérir illico
presto. Entre-temps, le chef de poste s'est éclipsé avec ses subordonnées qui
jusque-là étaient restés assis à l'écart. Puis des militaires enragés ont
fait irruption dans la salle en demandant ce que les "femmes"
faisaient là: il s'agit des trois demoiselles qui avaient accompagné les ecclésiastiques
depuis Kabgayi et qui s'était obstinées à entrer et à rester avec les
religieux au réfectoire alors que les militaires avaient voulu les éloigner en
leur disant que la réunion ne les concernait pas ; elles ont été séparées
du groupe et jetées dans un coin avec violence ; deux sont restées sur place,
littéralement pétrifiées et elles ont assisté à toute la scène quand on a
tiré sur tout le monde. La troisième fille s'est échappée avec le seul prêtre
rescapé du massacre : ils ont réussi à s'échapper par la porte du fond du réfectoire,
une autre que celle par laquelle étaient entrés les militaires. Ils ont couru
vers la ferme des frères; ils se sont cachés quelques minutes, puis quand on
les a retrouvés, on ne leur a rien fait: l'orage était passé. On a donc tiré sur les évêques et leur groupe vers
19h-20h. Vers minuit, les militaires rassemblèrent les religieux, les
religieuses et tous ceux qui étaient chez les frères Joséphites. De force,
tout le monde devait aller regarder les corps des victimes. Ceux qui étaient près
de la porte comme Sylvestre NDABERETSE, étaient réduits à de véritables
passoires. Toutes les victimes étaient allongées et avaient reçu le coup de
grâce, une balle dans la tête: RWABILINDA et GAHONZIRE avaient même les yeux
crevés. Un seul était resté assis dans son fauteuil et n'avait pas reçu le
coup de grâce: l'évêque de Kabgayi avec sa carrure large, a reçu peut-être
toute la première rafale et a dû mourir sur le coup. Avec les ecclésiastiques, sont morts deux jeunes gens qui étaient
restés sans rien savoir du danger qui les guettait. Et l'on s'étonne de la présence
du Supérieur Général des Frères Joséphites parmi les victimes. Car les frères
avaient su ce qui se tramait et lui-même devait le savoir, mais il est resté
volontairement, peut-être parce qu'il pensait qu'on allait tuer l'un ou
l'autre, et pas tout le monde. Le Frère Balthazar, maître des novices (hutu,
burundais par surcroît) avait essayé de sauver quelques prêtres; il avait
inventé un stratagème pour les avertir de l'imminence de l'assassinat: il les
faisait sortir un à un soi-disant pour leur montrer leurs chambres; mais quand
il a vu que celui qu'il venait d'avertir retournait obstinément dans le groupe,
il y a renoncé. On l'a lui-même assassiné quelques semaines après à Kinazi,
tout comme le Frère Vivens, neveu de Monseigneur KALIBUSHI. La plupart des
autres frères Joséphites présents à Gakurazo en cette nuit du massacre, ont,
comme par hasard, rejoint l'armée du F.P.R. la semaine qui a suivi. Le matin du lundi 6 juin, les militaires du FPR accompagnent
le seul prêtre rescapé pour nous annoncer la terrible nouvelle, dans la
version qui sera désormais officielle: des jeunes écervelés ont commis la
bavure, parce qu'ils auraient trouvé leur famille décimée alors que l'Eglise
n'a rien fait pour empêcher les tueries. Nous sommes atterrés et nous pensons que notre tour viendra
bientôt. En début d'après-midi, nous prenons notre courage à deux mains pour
aller voir les corps des victimes: ils ont été déplacés dans une autre salle
et le réfectoire a été lavé; il n'y a plus de traces, sauf l'odeur forte et
caractéristique du sang, ainsi que les impacts des balles, des nombreuses
balles, dans les murs. Ce sont les Sœurs de Sainte Marthe (de Kabgayi) et
celles du Foyer de Charité (Remera-Ruhondo) qui ont lavé les corps et les ont
placés côte à côte sur des nattes et des tapis. Tous les visages ont été
couverts. Quand nous demandons à ensevelir les corps, l'on nous dit
que justement des officiers voulaient arranger cela avec nous. On m'a dit plus
tard qu'il y avait trois colonels dans le groupe. Nous faisons une réunion avec
eux. Nous leur faisons trois propositions qu'ils rejettent l'une après l'autre.
Heureusement d'ailleurs. La première était que chaque évêque devait être
enseveli dans sa cathédrale, que ce serait possible certainement pour ceux de
Byumba et Kabgayi puisque c'était en zone F.P.R., tandis que l'archevêque de
Kigali pouvait être confié à la MINUAR ou à la Croix-Rouge pour être enterré
à Kigali. Niet. Heureusement, car on ne sait jamais ce que seraient devenus les
corps, tandis que maintenant c'est sûr qu'ils ont été enterrés, ce sont eux
qui gisent dans la cathédrale de Kabgayi et ils ont eu une belle messe concélébrée
(des photos ont été prises). La deuxième proposition était que ce n'est pas
n'importe qui, qui enterre un évêque, que donc l'autorité du F.P.R. pouvait
aller chercher l'évêque de Kibungo (zone F.P.R. également) pour venir
enterrer ses confrères. Deuxième niet: les "civilians" ne
circulaient pas. C'était notre troisième proposition qui allait rencontrer
leur agrément: enterrer les évêques dans la cathédrale à Kabgayi, et le
reste dans une fosse commune à Gakurazo. On me donna tout de suite dans la même après-midi, une
camionnette (avec un mineur d'âge comme chauffeur) pour aller chercher au 'Philosophicum',
le matériel pour creuser les tombes et la fosse commune. J'en profitai pour me
rendre compte des dégâts faits à mon établissement et pour prendre au
passage ma soutane. Le lendemain très tôt, on creusa les tombes. A la cathédrale,
une tombe fut creusée profondément pour l'évêque du lieu; les deux autres
arrivèrent à 1 m puisqu'on pensait que pour les deux autres évêques, la sépulture
était provisoire, qu'on les transférerait dans leurs cathédrales respectives
le plus tôt possible. A Gakurazo, on creuse une longue fosse commune. A Kabgayi
comme à Gakurazo, les militaires furent alignés pour aider à creuser. Les funérailles étaient prévues pour 14h le mardi 7 juin.
Nous commencerons la messe avec un retard. Elle est chantée; je la préside:
Seuls les cercueils sont sortis de la salle et rangés près de l'autel de
fortune sur la 'barza' devant la salle où les autres corps restent allongés.
Je fais un sermon qui a failli me coûter cher: il semble qu'on n'a pas attendu
la fin de la messe pour tirer quelques personnes à l'écart et leur demander si
je ne suis pas interahamwe, car je prenais la défense des évêques assassinés,
de l'Eglise calomniée, et je m'en prenais à toute violence. Après la
communion, le F.P.R. demande à parler: l'officier qui prend la parole affirme
qu'ils sont tous navrés de cet assassinat, mais qu'on cherche avec acharnement
les auteurs qui ne sont personne d'autres que de jeunes gens qui ont trouvé
leurs familles décimées, et qui ont pensé que les évêques auraient dû empêcher
ce malheur; il ajoute qu'un des coupables s'est tiré une balle parce qu'il
savait qu'il serait sérieusement puni (sur le lieu-même, personne n'avait
entendu aucun coup de fusil depuis la nuit horrible où furent assassinés nos
confrères). Après la messe, l'abbé Jean NSENGIYUMVA s'occupe de
l'enterrement à Gakurazo; on lui demande de prendre la précaution de noter
dans quel ordre les corps sont rangés, pour pouvoir les reconnaître à
l'avenir. Moi je vais à la cathédrale avec d'autres personnes pour enterrer
les évêques. Il fait déjà nuit et on termine l'enterrement à la bougie,
avec, à l'extérieur de la cathédrale, on concert de rugissement de
mitraillettes. Des journalistes anglophones passeront mais feront semblant de
n'avoir rien remarqué, sauf un qui posera deux ou trois questions à la dérobée.
Encore une fois, à Kabgayi comme à Gakurazo, les militaires aident à combler
les fosses. Quand nous rentrons à Byimana, quelle ne fut pas notre
surprise de remarquer qu'on a démoli toutes les portes de la paroisse, que nos
affaires ont été volées, et que le reste est dispersé par terre. Pourtant
des militaires avaient reçu l'ordre de garder la paroisse. Mais cela n'est
rien. Vers 2h du matin (c'est l'heure des exécutions chez le
F.P.R.), un groupe de militaires nous terrorise. Il a pour chef KAMARAMAZA (nom
de guerre comme il est de coutume chez le F.P.R.). Deux prêtres les
accompagnent (Alexandre NGEZE qui est décédé au Bugesera début juillet, et
un deuxième dont je dirai le nom en cas de besoin); visiblement, ces deux-là
ne se doutent pas qu'une exécution est dans l'air. On me demande de suivre la
troupe. Je passe ma soutane par dessus le pyjama et on me fait une place dans la
cabine de la camionnette. On file sur Gakurazo. Le chef "afandi" va en
conciliabule à l'intérieur avec ses homologues ou ses supérieurs encore sur
les lieux. Quand il revient, il me dit qu'il me ramène à la paroisse. C'est
par après que j'ai su avec certitude le danger que j'avais pressenti, que j'ai
couru cette nuit-là, et même tout le temps que je suis resté au Rwanda:
comment se fait-il que je sois encore en vie, alors que tous les chefs de
communautés de Kabgayi ont été tués avec les trois évêques, sauf moi?
Comment rester en vie encore après ce que j'ai dit à la messe des funérailles? C'est le lendemain qu'un journaliste de Radio-Muhabura (du
F.P.R.) est venu prendre des notes. On lui a donné tous les noms des victimes,
mais il s'obstinait à demander pourquoi on ne dirait pas que le Frère NSINGA
est dixième prêtre assassiné! Il semble que les membres du F.P.R. de parenté
proche avec NSINGA (ceux de la famille GASABWOYA d'ailleurs aussi) avaient
protesté contre son assassinat. On connaît la version qui a été lue à
Radio-Muhabura. Ils ont faussé les dates en disant que l'assassinat avait eu
lieu "hier", c'est-à-dire le mardi 7 juin; on n'a jamais donné le
nom du Frère NSINGA, mais on a donné plutôt...le mien! Vénuste LINGUYENEZA
Waterloo
2 décembre 1999
Je m'en vais raconter les événements qui ont trait à l'assassinat des évêques
Vincent NSENGIYUMVA, archevêque de Kigali, Joseph RUZINDANA, évêque de Byumba
et Thaddée NSENGIYUMVA, évêque de Kabgayi et président de la conférence épiscopale,
avec 9 prêtres ainsi que le Supérieur Général des Frères Joséphites, Jean
Baptiste NSINGA. Les prêtres assassinés sont tous du diocèse de Kabgayi sauf
l'Abbé Denis MUTABAZI du diocèse de Nyundo: il avait fui Nyundo où il avait
reçu une vilaine blessure d'un coup de lance dans la main (droite si je me
rappelle bien) et le malheureux avait cru avoir échappé à la mort. Il s'agit
de Monseigneur Jean Marie Vianney RWABILINDA, vicaire général; Monseigneur
Innocent GASABWOYA, ancien vicaire général; les Abbés Emmanuel UWIMANA,
recteur du petit séminaire, Sylvestre NDABERETSE, économe général, Bernard
NTAMUGABUMWE, représentant préfectoral de l'enseignement catholique, François
Xavier MULIGO, curé de la cathédrale, avec ses vicaires Alfred KAYIBANDA et
Fidèle GAHONZIRE(ce dernier étant en même temps aumônier de l'hôpital).
C'est donc pratiquement tout le staff du diocèse de Kabgayi qui a été ainsi décapité.
(Sé)
Les INKOTANYI sont méchants. Très méchants. Foncièrement
méchants. Irrémédiablement
(Nikozitambirwa)
Le cas du Père Guy Theunis, de l'avis d'Alphonse Krugger, illustre une fois de plus la politique du FPR dont les contours sont mal compris ou mal cernés.
faire mal et en tirer profit
dimanche 11 septembre 2005, 11h16 |
|
Si jamais Guy Theunis est emprisonné/ Kagame creuse sa propre tombe
Nous
avons vu l'Allemagne intervenir en faveur de ses ressortissants condamnés par
la Sharria en Iran pour avoir dormi avec les filles mineures. ´Tous ont été
relachés une semaine après leur condamnation à mort. L´Allemagne a menacé
de prendre des mesures coercitives auxquelles le gouvernement d´Iran n´a pas
pu résister.
Ceci
dit, si jamais le Père Guy Theunis reste en prison plus d´une semaine, si le Père
Guy Theunis est condamné,
il l´aura été avec la conspiration du Gouvernement Belge à commencer par le
Premier Ministre Belge. Toute la responsabilité
incombe à la Belgique. Il se sera avéré incapable et
indigne pour n´avoir pas su défendre les intérêts belges. De source
bien informé, le Rwanda est en train de faire pression sur les pays comme la
France, la Belgique pour que ceux-ci, sur proposition des USA, acceptent
que(lors de la Session ordianire des Nations Unies) le Rwanda ne soit plus sous
contrôle des droits de l´homme et qu´il soit considéré comme un pays normal
alors que plusieurs milliers de Rwandais restent en exil, pendant que les droits
civils élémentaires ne sont pas respectés ceci et pour cause, les droits
civils ne peuvent pas être respectés alors que leurs droits humains sont piétinés
au vu et au su de la communauté internationale.
Aussi
faut-il rappeler que plusieurs dossiers restent sans réponse sur les
mega-massacres des Hutus et des Tutsis à l´intérieur du Pays et des réfugiés
Hutus en RDC. Les Etats-Unis refusent les défendent parce qu´ils les ont aidés
à piller la RDC. Voilà en fait l´enjeu du problème. C´est ainsi que les
Belges, et en l´auccurence le Premier ministre belge a en moitié condamné le
Père Guy Theunis lorsque le FPR lui a demandé de déclarer qu´il a la
Responsabilité première dans le génocide et que pour cela, il fallait une
demande de pardon fait Publiquement. Ce qu´il a fait sans en mesurer
les conséquences!
Par
ailleurs, il est vrai que la Belgique a trempé dans le génocide rwandais en
aidant le FPR dans l´assassinat des Présidents Rwandais et Burundais. Pour
cela, il faudra qu´ils se taisent sinon Paul Kagame - je ne sais pas si
vous vous en souvenez - il a menacé de raconter tout ce qui s´est passé en
1994 en disant qu´il ne fera pas la prison alors que plusieurs des occidentaux
n´ont pas les mains propres dans les massacres de millions de Rwandais.
Je
pense que la Belgique va la fermer si Paul Kagame raconte ce qui s´est réellement
passé. Souvenez-vous qu´il n´a rien a sauver.
The
Truth Mainlly,
Jean-Christophe
RWANDA 14/9/2005 17.38 | ||
MISSIONNAIRE ARRÊTÉ: INTERVIEW DE LA MISNA AU PROCUREUR NATIONAL RWANDAIS | ||
Divers, Standard | ||
"Physiquement
et mentalement père Theunis se porte bien. Ses conditions de détentions
se sont améliorées. Il a plus d'espace, a des livres à sa disposition
et peut même travailler en toute tranquillité dans sa cellule. Il
tient le coup". Telles sont les dernières nouvelles du
missionnaire belge, retenu à Kigali depuis une semaine, transmises à
la MISNA par père Gérard Chabanon, le Supérieur Général des
Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs), la congrégation à laquelle
appartient père Theunis. Il y a maintenant une semaine qu'il a été
arrêté à l'aéroport international rwandais où il transitait, de
retour d'un mois en République démocratique du Congo voisine. De
nombreux médias internationaux suivent le cas de près, comme 'Libération'
ou 'Le Monde'; ce dernier, dans un article publié sur son édition
d'aujourd'hui, avance trois hypothèses explicatives. Le quotidien français
parle de cette arrestation comme d'un moyen pour Kigali de faire
pression sur le gouvernement belge, qui tolère la présence dans le
pays d'opposants au parti du président rwandais Kagamé (le Fpr); d'une
tentative de règlements de comptes avec l'Église catholique et de
nombreux exilés qui critiquent les violations des droits de l'homme
dans leur pays; mais aussi pour contester les entraves des autorités
belges aux exportations illégales de minerais à partir de Kigali. La
MISNA, qui dès le départ a suivi de près 'l'affaire Theunis', propose
aujourd'hui une interview faite au procureur rwandais compétent au
niveau national, Maître Emmanuel Rukangira, dans une tentative de tirer
au clair certaines zones d'ombre et mécanismes complexes du
fonctionnement de la justice au Pays des Mille Collines. |
C'est le fruit de leur politique.
Je
ne veux pas m'attarder sur le cas particulier de la Belgique dans l'histoire
de l'Afrique que vous connaissez tous, toutefois, il faut rappeler certaines
situations paradoxales:
-La
Belgique a colonisé le Congo, depuis son indépendance, ce pays n' a connu
aucun répit.
Des
coups bas, des vols et détournements scandaleux, des guerres fratricides
interminables jusqu'à ce que ce pays grand et riche devienne tout simplement
"un espace géographique".
Ce
pays est actuellement un terrain de jeu des mafia, des voyous, des grandes
puissances. Et les belges sont là observateurs ou acteurs. Ils s'en foutent,
ou ils 'en plaisent!!!
-Le
Rwanda et le Burundi. Deux petits pays qui ont essayé de s'en sortir chacun
à sa façon, mais rattrapés par les démons belges. Les guerres fratricides
interminables, le chaos, le désordre organisés etc..
Cette
région des Grands Lacs d'Afrique est la seule grande zone trouble sur le
continent noir et où l'espoir n'est pas pour demain et pour cause, une région
où Trois Présidents ont été assassinés comme des vulgaires voyous.
Ailleurs on réclame des enquêtes, dans les ex Colonies belges, ce n'est pas
nécessaires ceux sont des nègres cela fait parti de leur quotidien.
Enfin,
le Père Guy Theunis, un ressortissant belge, se fait arrêter comme un "interahamwe",
traîné dans la boue, humilié en habit de prisonnier, accusé de crime
contre l'humanité, le plus grand crime commis par l'être humain. Et la
Belgique, son pays, se contente des discours diplomatiques et d'autres réactions
à la belge! Vive les belges.
Si c'était un pays européen ou même africain dont une personnalité de l’envergure du Père Theunis était arrêtée de cette façon, la première réaction aurait été de suspendre les relations diplomatiques car c'est un affront! Mais c'est la Belgique, c'est ainsi.
Le Ministre profitera de son voyage à l'ONU pour demander au parrain américain d'intervenir auprès de Kagame.
Les citoyens des pays des Grands Lacs l'auront compris, ce pays qui ne peut pas défendre son illustre citoyen, ne défendra pas son "colonisé". Ce n'est pas un problème de racisme, c'est de l'ignorance, de l'impuissance à la belge. Kagame les connaît bien, les politiciens belges sont le maillot faible de l'Europe.
Kagame a au moins ce mérite d'avoir mis à nu la Belgique. Bravo monsieur le Président !
Quel
drame d’avoir été colonisé par le maillot faible !!
Pierre < balingap@yahoo.fr>
Interview d'Alison Desforges avec Hirondelle (affaire Guy Theunis)
"Moi je me demande si Ndashimye Bernardin et Guy Theunis ce
sont reconnus. Puisqu'ils ont travaillé ensemble à la Radio
Amahoro." (Agnès Murebwayire)
Bonjour Agnès Murebwayire,
Si ce que tu dis est vrai, il est pour le moins bizarre, que
Bernardin Ndashimye, qui a travaillé avec le Père Guy Theunis à
la Radio Amahoro, ne témoigne pas (à charge ou à décharge);
qu'il se voit plutôt confier le rôle d'huissier de Gacaca, pendant
que ceux, tels Businge et Ingabire, qui ne voient le Père Guy
Theunis que pour la toute première fois de leur vie, prétendent témoigner
sur des faits qui ont eu lieu en leur absence !(Nikozitambirwa)
|
|
Ndashimye B. arahiza A. Desforges |
Des Forges a révélé à l’agence de presse Hirondelle l’essentiel de son témoignage devant le tribunal Gacaca de Kigali en faveur du prêtre belge.
Hirondelle: Pourriez-vous résumer les points saillants que vous avez
abordés lors de votre comparution pour la défense du Père Guy Theunis?
Alison Des Forges: Le Père Theunis a expliqué qu’il s’était
investi dans la défense des droits de l’homme au Rwanda durant les années
ayant précédé le génocide (de 1994) en collaboration avec certaines
organisations internationales, dont Human Rights Watch. Il a expliqué que j’étais,
dans ce contexte, l’une des personnes qui avaient travaillé avec lui. Etant
donné qu’il avait mentionné mon nom, je me suis sentie obligée de demander
à intervenir pour confirmer ce qu’il avait dit. Si je n’avais pas accepté,
l’on aurait pu penser qu’il n’avait dit pas la vérité. Je me suis donc
levée pour dire qu’il avait dit la vérité, qu’il s’était impliqué en
enquêtant sur les abus (commis) contre les Rwandais-les Tutsis ainsi que les
Hutus et les Twas-, au cours des années qui ont précédé le génocide. J’en
ai également profité pour souligner que les tribunaux Gacaca devaient, conformément
à la loi, se limiter aux événements qui se sont déroulés jusqu’à la fin
de 1994, et pas après. Certaines des preuves présentées concernaient des
choses dont le Père Theunis aurait dites ou écrites après 1994. Et j’ai
simplement fait remarquer que le tribunal ne pouvait pas se fonder sur ces éléments
lors du jugement parce que tous ces éléments en dehors de la juridiction du
tribunal n’étaient pas pertinents. Le dernier point que j’ai soulevé était
que l’incitation (à commettre le génocide) implique le fait de vouloir
mobiliser la population à faire une action quelconque. Or dans ce cas précis,
la prétendue preuve, dont des fax que le Père Theunis aurait signés et envoyés
à ses supérieurs ecclésiastiques en Europe, sans intention de les distribuer
en dehors de ce cercle limité, ne constitue pas pour moi une incitation. A ce
moment, les juges sont intervenus pour me demander de conclure mon propos, et
j’ai obtempéré.
Hirondelle: Le Père Theunis est accusé, entre autres choses,
d’avoir publié dans la revue ‘Dialogue’ des extraits de la revue extrémiste
‘Kangura’. Qu’en pensez-vous ?
Alison Des Forges: La reprise d’un document n’est pas nécessairement
une mauvaise chose, surtout dans le contexte d’une revue dont l’objectif est
d’informer le monde sur un ensemble de points de vue. Dans ce cas j’ai essayé
de vérifier si oui ou non la reprise de ces extraits avait effectivement eu
lieu et sous quelle forme. J’ai contacté plusieurs individus dont ceux qui en
avaient parlé dans leur témoignage dans le but d’obtenir des copies, mais
personne ne pouvait me donner une copie. Je me suis alors tournée vers
d’autres personnes en Europe qui disposent de copies de la revue Dialogue,
ainsi que d’autres petites publications dont Dialogue avait repris des
extraits. J’ai demandé à ces personnes si elles pouvaient trouver une référence
pour moi, mais jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé la référence qui
avait été mentionnée par les témoins. J’ai plutôt trouvé une autre référence
qui en fait dit le contraire: dans la référence en question, qui date de
novembre 1991, tirée de la publication «Radioscopie de la presse rwandaise»
et publiée dans la revue Dialogue, il est inclus une phrase qui condamne spécifiquement
‘Les dix commandements des Hutus’ (contenus dans Kangura) comme étant une
illustration de l’esprit raciste qui circulait dans la presse rwandaise.
Hirondelle: Quelle idée vous faites-vous des tribunaux Gacaca après
avoir comparu devant l’un d’eux?
Alison Des Forges: Les tribunaux Gacaca ont été créés pour résoudre
un gros problème, et personne n’a jusqu’à ce jour proposé de solution à
ce problème: il s’agit de garder beaucoup de personnes dans des prisons
pendant longtemps. C’est un problème sérieux quand on sait que la culpabilité
de ces gens n’a pas été démontrée. La solution a été envisagée dans
l’espoir d’accélérer le processus de justice, mais elle n’a pas encore réussi
à faire avancer le processus de justice. Nous avions anticipé, avant le début
des Gacaca, que les résultats allaient varier d’une communauté à l’autre,
de même que la performance de tout système de justice peut varier d’une
juridiction à l’autre. De la même façon, certains jugements peuvent arriver
à se conformer à ce que la plupart des observateurs pourraient qualifier de
niveau acceptable d’équité, d’autres n’y arriveront pas Au cours de ma
dernière visite au Rwanda, j’ai eu l’occasion d’assister à deux sessions
Gacaca, l’une concernant le Père Theunis, et l’autre, plusieurs jours plus
tôt, un procès proprement dit. Je dirais que sur la base de ce que j’ai pu
observer, ma première observation à savoir qu’il y aurait des variations en
termes de qualité s’est avérée fondée, c’est à dire que le procès
impliquant une autre personne, un Rwandais, m’a donné l’impression d’être
plus objectivement conduit que celui du Père Theunis. Cela dit, le procès du Père
Theunis, même s’il est apparu comme une démonstration publique de grande
envergure, lui a quand même permis de s’expliquer et de répondre aux
accusations portées contre lui. Ce qui n’est pas toujours le cas à ce stade
de Gacaca en phase accusatoire. En d’autres termes, c’était sans nul doute
bon signe que le Père Theunis ait pu s’exprimer librement, et qu’il pouvait
fort heureusement le faire en Kinyarwanda. Il a fait entendre sa voix très
clairement et logiquement, de sorte que ceux qui étaient à l’audience
pouvaient comprendre, s’ils le voulaient, ses points de vue sur les
accusations pesant sur lui. Maintenant que le procès a été remis au parquet,
tout ce que nous pouvons espérer est que les autorités judicaires vont libérer
le Père Theunis, au cas où les preuves s’avèrent insuffisantes. Il faut le
faire comparaître devant des instances qui soient compatibles avec les normes
internationales de justice car, après tout, le Rwanda dit être un gouvernement
qui applique la loi, et il a adhéré à certaines conventions internationales
sur la manière dont les individus doivent être jugés dans des systèmes
judiciaires.
Hirondelle: L’arrestation du Père Theunis pourrait-elle avoir un
impact sur les relations entre le Rwanda et la Belgique ?
Alison Des Forges : Je pense que cette arrestation a déjà eu un impact
considérable. Le Rwanda bénéficie d’un soutien énorme de la Belgique avec
laquelle il a déjà signé un accord de coopération en matière judiciaire,
surtout en ce qui concerne des questions en rapport avec le génocide. Pourtant,
les autorités belges affirment qu’elles n’ont jamais été informées que
les Rwandais préparaient un dossier contre le Père Theunis, qui est un citoyen
belge. Elles ont été mises devant le fait accompli. Cela paraît surprenant étant
donné le degré de coopération qui existe déjà et qui a impliqué les mêmes
personnes du bureau du procureur ayant joué un rôle dans la préparation du
dossier contre le Père Theunis. L’on ne peut donc pas dire que le parquet
rwandais n’était pas au courant de l’existence de telles relations avec les
autorités judiciaires belges car en fait l’une des personnes du bureau du
procureur avait joué un rôle très important dans cette coopération avec les
Belges. GA/AT/GF © Agence Hirondelle
Les fameux témoins accusateurs de Guy Theunis devant
gatchatcha
Les témoins de faux témoignages sont punissables
Ingabire Immaculée, Businge Johnson, Bizimana J. D, | Mugesera Antoine, Bizimana J.D(père blanc- nègre), Ndahiro Tom |
Novembre
2005
Reporters
sans frontières
Secrétariat
international
5,
rue Geoffroy Marie
75009
Paris-France
Tél.
(33) 1 44 83 84 84
Fax
(33) 1 45 23 11 51
E-mail
: rsf@rsf.org
Web
: www.rsf.org
RWANDA
Enquête
sur l’arrestation de Guy Theunis : les accusations, la procédure, les hypothèses
2
Guy
Theunis, 60 ans, prêtre catholique de nationalité belge, membre de la Société
des missionnaires
d’Afrique (Pères Blancs) et ancien journaliste de la revue Dialogue, résidant
au
Rwanda de 1970 à 1994, est détenu à la prison centrale de Kigali depuis deux
mois.
Son
crime ? Avoir incité à la haine ethnique et nié l’existence du génocide,
selon ses accusateurs. Avoir
dénoncé les violations des droits de l’homme commises par le Front
patriotique rwandais
(FPR, au pouvoir), selon ses défenseurs. Reporters sans frontières s’est
rendue au Rwanda, du 30 septembre au 7 octobre 2005, afi
n d’enquêter sur cette arrestation. Les représentants de l’organisation
ont pu rendre visite à
Guy Theunis en prison. Ils ont également rencontré les principaux témoins à
charge présents lors
de l’audience du 11 septembre de la gacaca (tribunal traditionnel) qui a placé
le père
Theunis dans la catégorie 1 des personnes soupçonnées d’être impliquées
dans le génocide,
c’est-à-dire parmi les «incitateurs» et les «planifi cateurs». Reporters
sans frontières s’est également entretenue avec l’un des deux avocats du
prêtre journaliste
ainsi qu’avec des diplomates, des journalistes de la presse locale et
internationale, des
membres de la communauté religieuse et des responsables d’organisations de défense
des
droits de l’homme.
Une
interpellation in extremis
En
août 2005, Guy Theunis est à Kinshasa, en République démocratique du Congo.
Il participe en
tant qu’intervenant à un séminaire sur la «communication non-violente».
Puis, à la demande de
confrères, il se rend à Kalemie (sud est du Congo) où il doit animer une
session similaire.
Mais, suite à plusieurs catastrophes aériennes qui surviennent pendant l’été
dans le
pays, plusieurs avions congolais sont cloués au sol, empêchant Guy Theunis de
rejoindre Kinshasa. Celui-ci décide alors de partir pour Kigali afin de prendre
un avion pour la Belgique. Il arrive dans la capitale rwandaise le lundi 5
septembre en fi n de journée. Après avoir passé une nuit au Centre d’études
des langues africaines (CELA),
lieu de résidence des Pères Blancs à Kigali, il salue quelques amis dans différentes
parties
de la ville et visite, en compagnie du père Henri Blanchard (Supérieur des Pères
Blancs
au Rwanda), les nouveaux quartiers de Kigali. Vers 16 heures, le mardi 6
septembre, Antoine
Mugesera, ancien collaborateur de la revue Dialogue, ex-commissaire
politique du FPR
et actuellement sénateur du parti au pouvoir, se présente au CELA et demande
à parler à
Guy Theunis. Pendant moins d’une demi-heure, Antoine Mugesera explique à Guy
Theunis qu’il
souhaite rapatrier au Rwanda Dialogue et l’association éditrice de la
revue, l’ASBL Dialogue (voir
encadré). Le père Theunis rappelle à son interlocuteur qu’il ne travaille
plus pour cette
publication depuis neuf ans, mais s’engage à transmettre ce message à ses
animateurs à
Bruxelles. L’entretien est interrompu par le père Blanchard, soucieux de
conduire le père Theunis
à l’aéroport pour prendre le vol 0463 de 19h50 de la compagnie SN Brussels.
Guy Theunis
procède à l’enregistrement de ses bagages, puis franchit sans encombre le
contrôle de la police de l’air et des frontières avant de gagner la salle
d’embarquement. Vers 19 heures, une hôtesse appelle à haute voix «Monsieur
Guy». Le père Theunis se présente à elle. Celle-ci le prie alors de prendre
ses affaires avec
lui et le conduit dans les locaux de la Sûreté de l’aéroport. Un mandat
d’arrêt signé par le
parquet de la République et portant la mention «incitation au génocide» lui
est présenté. Le
prêtre parvient à prévenir le père Blanchard par téléphone qu’il est «entre
les mains de la
sûreté». Vers 23 heures, il est transféré au poste de police de Remera où
il passe la nuit dans
des conditions difficiles, après avoir été malmené par les forces de
l’ordre. «Je n’ai pas dormi
cette nuit-là. Les moustiques et l’inquiétude m’ont empêché de fermer
l’oeil» (1).
Le jeudi
8 septembre, dans l’après-midi, Guy Theunis est informé qu’il va être
conduit au parquet.
Au lieu de cela, il est incarcéré à la prison
centrale de Kigali (PCK), sans avoir été entendu
par un juge.
Les
conditions de détention de Guy Theunis a
la PCK, surnommée «la 1930» en raison de la
date de construction de l’établissement pénitentiaire, sont correctes au
regard des standards rwandais.
Vêtu de l’uniforme rose des prisonniers, il dispose d’une cellule
individuelle et
reçoit la visite quotidienne des Pères Blancs qui lui apportent ses repas. Les
relations avec
les
autres détenus sont facilités par le fait que Guy Theunis parle couramment
kinyarwanda, la
langue nationale. Il passe ses journées à prier, à lire et à discuter avec
d’autres prisonniers. Il
écoute la radio, ce qui lui permet de suivre la mobilisation internationale
autour de son
cas. «Je me sens un peu comme dans une paroisse ici. Une paroisse différente,
c’est vrai,
mais
si je suis ici c’est peut-être aussi parce qu’on m’a confié une nouvelle
mission. En tout cas,
les autres prisonniers l’ont pris ainsi, a-til expliqué à Reporters sans
frontières. J’écris tous
les jours à ma famille et je reçois beaucoup de visites.» (1)
La
gacaca et les accusations portées contre
le prêtre journaliste
Moins
de cinq jours après son arrestation, le dimanche 11 septembre, à 10 heures, le
juge Raymond
Kalisa, président de la gacaca du district de Rugenge (Kigali) ouvre la séance
concernant
le père Theunis. Procédure inhabituelle : le prêtre assiste à la séance
entouré de
deux gendarmes. Devant un public évalué à six cents personnes, une dizaine de
témoins à
charge se succèdent pendant sept heures environ pour expliquer comment
l’ancien animateur de
la revue Dialogue a, selon eux, incité à la haine ethnique et nié le génocide.
Contrairement aux
usages, les témoins n’habitaient pas dans le district de Rugenge au moment des
faits et la majorité d’entre eux n’étaient pas présents au Rwanda en
avril 1994. Seul témoin de
la défense, dont la déposition ne sera pas consignée, Alison DesForges,
conseillère spéciale auprès
de Human Rights Watch. Avant
le début de l’audience, l’un des témoins à charge,
Jean-Damascène Bizimana, un ancien séminariste chez les Pères Blancs,
distribue un
dossier
aux neuf juges ainsi qu’à certaines personnalités importantes présentes sur
les lieux. En
revanche, Guy Theunis, Alison DesForges et les journalistes étrangers présents
sur place n’y
ont pas accès.
Plusieurs
témoins prennent la parole et accusent Guy Theunis d’avoir participé au génocide.
Ainsi,
l’un d’eux affirme, par exemple, que le prêtre a été vu, en avril 1994,
en compagnie d’officiers
de l’armée rwandaise qui venaient «chercher des gens» à la paroisse de la
Sainte-Famille, à Kigali. Accusation peu fondée, Guy Theunis ayant quitté le
Rwanda avant que de tels
enlèvements aient débuté. Un observateur étranger reconnaît, parmi ces «témoins»,
un chargé de communication au sein du service national des gacacas, au ministère
de la Justice. Ce dernier ne connaît même pas l’accusé.
Cinq
témoins à charge, qui se connaissent et dont certains se sont rencontrés à
plusieurs reprises depuis
l’arrestation du prêtre, jouent un rôle prépondérant. Antoine Mugesera
connaît bien Guy Theunis. Ancien
collaborateur de Dialogue, il a participé aux activités de la revue et
de l’association éponyme.
Après
avoir quitté le Rwanda en 1990, juste avant le début de la guerre, il rejoint les
rangs du FPR, au sein duquel il exerce les fonctions de commissaire politique
chargé de la
planification. Il revient au Rwanda après le génocide. Il est aujourd’hui sénateur
du parti au
pouvoir après avoir été président d’Ibuka
(«Souviens-toi»), l’association des rescapés du génocide,
très proche des autorités. En 1995, il s’oppose violemment au père Theunis,
qui dirige alors,
depuis Bruxelles, la revue Dialogue (2).
Antoine Mugesera nie être venu à l’audience pour
témoigner contre Guy Theunis. Selon lui, il est intervenu uniquement parce que
le prêtre l’a
mis en cause dans son témoignage (3).
Le sénateur reproche à Guy Theunis d’avoir non
seulement publié des extraits de Kangura avant le génocide, mais
surtout d’avoir continué après.
«Il a utilisé l’ASBL Dialogue [ndlr : association éditrice de la revue Dialogue]
pour diffuser
des idées génocidaires. Guy Theunis résumait les meilleurs journaux comme les
pires. C’est
lui qui choisissait. Il se donnait le luxe de reprendre des idées génocidaires»
(3).
Tom
Ndahiro, ancien journaliste du quotidien gouvernemental Imvaho, est actuellement
membre
de la Commission nationale des droits de l’homme. Lors de la gacaca, il appuie
son témoignage
sur deux ouvrages. Le premier est l’édition anglaise d’un livre de Gérard
Prunier, chercheur
au Centre national de la recherche scientifique (CNRS, Paris), «The Rwanda
Crisis:
History
of a genocide». Le second, «La nuit rwandaise : l’implication française
dans le dernier génocide du siècle», a été rédigé par Jean-Paul Gouteux,
un auteur connu pour ses prises de position hostiles à la France, à l’armée,
à l’Eglise catholique et aux organisations de défense des droits de
l’homme. Selon Tom
Ndahiro, ces documents constituent des preuves de l’implication des représentants
de l’Eglise
catholique dans le génocide. Dans le livre de Jean-Paul Gouteux, la revue Dialogue
est
accusée de publier des «écrits ethnistes et révisionnistes». Le commissaire
aux droits de l’homme
affirme également que Guy Theunis a envoyé aux responsables des Pères Blancs,
à Rome,
entre avril et juin 1994, une quinzaine de fax signés par le Supérieur de l’époque,
Jef Vleugels.
Selon lui, dans ces fax, le père Theunis n’alertait pas suffisamment la
communauté internationale
sur le génocide. Plus grave, ces documents auraient évoqué le «travail» et
le «nettoyage»
des autorités, des termes fréquemment utilisés par la Radio-télévision
libre des mille collines (RTLM) - connue pour sa propagande anti-tutsie
- pour parler des massacres en cours.
A
la fin de l’audience, plusieurs journalistes rwandais et étrangers ont
souhaité obtenir une copie
de ces fax, mais Tom Ndahiro, ainsi que les juges, ont refusé de les
communiquer ou les
montrer (4).
Troisième
témoin à charge, Jean-Damascène Bizimana est un ancien séminariste chez les Pères
Blancs. Après des études de philosophie et un stage de deux ans au Mali, il a
poursuivi une
formation en théologie en France. Il a ensuite rompu avec l’Eglise catholique
avant de rejoindre l’association RCN Justice et Démocratie (une organisation
de défense du droit à la justice née en octobre 1994). Il est également
professeur de droit international au Centre d’études et de recherches sur les
droits
fondamentaux
de l’Université libre de Kigali.
Proche
de Jean-Paul Gouteux, il est actif dans les réseaux de dénonciation des
responsabilités supposées de l’Eglise catholique et des Pères Blancs dans
le génocide. «Dès 1990, je me suis rendu compte du comportement raciste anti-tutsi
de Guy Theunis. Les Pères Blancs n’ont pas dénoncé les exactions du régime
Habyarimana.
Ils disaient que toutes les personnes emprisonnées à cette époque avaient des
liens avec le FPR et justifiaient donc l’arrestation d’innocents (5).»
Pendant
la gacaca, Jean-Damascène Bizimana revient sur les fax envoyés par les Pères
Blancs. «Dans ces fax, Guy Theunis reprenait le langage de la RTLM, les
mêmes concepts, les mêmes expressions. Cela révèle une solidarité avec les
génocidaires. Ce n’est pas innocent. Guy Theunis est d’une partialité
coupable» (5).
Marie-Immaculée
Ingabire est vice-présidente du Haut Conseil de la presse (instance
gouvernementale de régulation des médias) et ancienne responsable
d’organisations de défense des droits des femmes. Elle accuse d’abord le père
Theunis d’avoir incité à la haine ethnique dans le cadre d’une revue de
presse, éditée par Dialogue, qui reprenait des extraits d’articles du
journal extrémiste Kangura. Selon elle, le prêtre distribuait des
photocopies de ce document à la population rwandaise. Elle n’indique ni le
lieu, ni la date, ni la fréquence de ces distributions.
Enfin,
Christian Scherrer, de nationalité suisse,est professeur à l’Hiroshima Peace
Institute (Japon). Totalement inconnu de tous les Rwandais interrogés pendant
la mission de Reporters sans frontières et des chercheurs spécialisés dans la
région des Grands lacs, il se présente comme un expert de l’étude des
traumatismes post-génocide. Son intervention clôt la gacaca. «Tom Ndahiro et
d’autres m’ont apporté la preuve de la culpabilité de Guy Theunis»,
explique-t-il devant les neuf juges. Après quelques commentaires généraux sur
la responsabilité de l’Eglise dans le génocide rwandais et une critique
acerbe du témoignage d’Alison DesForges (6),
Christian Scherrer accuse un Père blanc allemand, Johan Pristl, d’avoir été
jusqu’à traduire « Mein Kampf » en kinyarwanda.
Cette
information avait, semble-t-il, été publié au préalable dans la revue Golias,
à laquelle collabore Jean-Paul Gouteux. L’accusé répond que ce prêtre ne
maîtrise pas assez bien le kinyarwanda pour traduire un livre entier.
L’universitaire suisse ajoute alors que Guy Theunis l’a sûrement aidé. Les
recherches entreprises par Reporters sans frontières n’ont pas permis d’établir
l’existence d’une traduction de Mein Kampf en kinyarwanda.
Joint
par Reporters sans frontières fin octobre, Christian Scherrer a ajouté que,
selon lui, Guy Theunis est un ami de Ferdinand Nahimana, l’un des fondateurs
de la RTLM condamné par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Tom
Ndahiro
Les
réponses de Reporters sans frontières à ces accusations
-
La présence de Guy Theunis à la Sainte-Famille
Les
premiers témoignages d’individus affirmant
avoir aperçu le père Theunis près de la paroisse de
la Sainte-Famille au moment du génocide sont très approximatifs et ne
comportent aucun
élément concret (lieu, date, noms, etc.).D’ailleurs, aucun des témoins
principaux n’est revenu
sur ces propos, qu’il faut considérer, en l’état, comme fantaisistes. De
plus, le nom de
Guy
Theunis n’a jamais été mentionné lors des réunions des gacacas pendant la
phase initiale de
collecte d’informations. Aucun habitant des quartiers de Kigali dans lesquels
le père Theunis a
vécu ou célébré des offices ne l’a accusé d’avoir une quelconque
responsabilité dans le génocide.
Le prêtre a quitté le Rwanda le 13 avril 1994, soit six jours après le début
des
massacres.
-
L’incitation à la haine ethnique dans Dialogue
Aucun
témoin n’a apporté une preuve établissant que Guy Theunis avait incité à
la haine ethnique
dans la revue Dialogue. Le prêtre est connu pour la sévérité de ses
jugements -
lesquels ont pu choquer des Rwandais profondément meurtris par le génocide –
mais on ne
lui connaît aucun texte, aucune déclaration publique ou privée de nature à
prouver cette accusation.
Jean-Damascène
Bizimana a remis à Reporters sans frontières, comme élément à charge, le
compte rendu d’un débat organisé en 1997 - soit trois ans après le génocide
- par un journal belge
entre le père Theunis, la journaliste Colette Braeckman et l’universitaire
Filip Reyntjens. Lors
de cette rencontre, le Père blanc a affirmé que les Tutsis avaient tendance à
«gâter les
choses» et que la «violence [venait] toujours du même côté», se référant
à l’histoire du pays. En
aucun cas, ces propos ne peuvent être considérés comme une négation du génocide
ou une
incitation à la «haine ethnique». Par
ailleurs, si, comme certains l’affirment, Dialogue répand des idées génocidaires
et ethnistes, comment
se fait-il que la revue éditée à Bruxelles soit en vente libre dans plusieurs
librairies
de Kigali ?
-
La publication d’articles de Kangura dans la revue de presse Dialogue
En
1991 Dialogue a mis en place, à la demande des ambassades européennes
au Rwanda, une revue
de la presse locale éditée en kinyarwanda. Chaque semaine, cette recension des
principaux articles
(résumés en une dizaine de lignes maximum) de tous les journaux rwandais publiés
régulièrement était tirée à environ 200 exemplaires. Elle était ensuite
adressée à des
diplomates
et des responsables d’organisations non gouvernementales, à l’étranger et
au Rwanda. Sa
publication a été interrompue entre avril et octobre 1994.
Elle
a définitivement cessé en 1995. Conformément à ce qu’indiquent les
accusateurs du père Theunis, cette revue de la presse a repris des articles de
la presse extrémiste, et notamment de Kangura. L’objectif de cette
publication était de porter à la connaissance d’un public restreint des
informations publiées en kinyarwanda. Guy
Theunis l’a expliqué, en 1995, dans un courrier adressé à Antoine Mugesera
: «Nous
ne pouvons pas être fidèles à notre mission d’informer en faisant semblant
d’ignorer une
publication existante sur le Rwanda. Il est inutile de vous dire que nous n’épousons
absolument pas
ses opinions. De plus, comme militants des droits de l’homme, nous avons milité
et
militons pour son interdiction ; mais dans le cadre de la Revue de presse, il ne
nous revient pas
de les juger.»
Comme
d’autres organisations de défense des droits de l’homme, Reporters sans
frontières a été
abonnée, pendant plusieurs années, à cette revue de presse. En tant
qu’organisation de défense
de la liberté de la presse, nous étions vivement intéressés par ce travail.
Si l’organisation a
pu dénoncer, dès 1991, la propagation d’idées racistes dans les médias
publics rwandais et,
ensuite, dans des journaux privés, c’est aussi grâce à cette revue de
presse.
Dialogue,
en 1993
7
Loin
de contribuer à la promotion d’idées racistes, Dialogue a été au
contraire l’un des premiers organes
de presse à dénoncer la haine propagée par certains médias rwandais. Dans le
numéro 147, de juillet-août 1991, la revue écrivait : «Il faut regretter les
articles de tendance nettement
raciste ou régionaliste. Souvent insidieux, ils risquent de rendre l’atmosphère
du pays irrespirable. Un exemple (célèbre) entre tous : les 10 commandements
des Bahutu (Kangura n°6, décembre 1990)».
A
cet égard, faut-il rappeler que Guy Theunis a été le correspondant de
Reporters sans frontières de
1992 à 1993 ? Dans ce cadre, le journaliste a régulièrement alerté
l’organisation des dérapages
des médias extrémistes rwandais. Son expertise sur la question était
d’autant plus
fine et complète que Guy Theunis avait fondé, peu avant, avec André Sibomana,
l’Association
des
journalistes rwandais. L’un des objectifs de cette structure était précisément
de
distinguer l’activité du journalisme du travail de propagande mené par
certains organes de presse.
Quoique éphémère, cette association a eu le temps de faire adopter par ses
membres une
charte des journalistes conforme en tous points aux normes internationales d’éthique
et
de
déontologie professionnelles.
-
Les fax envoyés après le début du génocide
Reporters
sans frontières a pu se procurer une copie de tous les fax envoyés par Guy
Theunis et
le père Jef Vleugels pendant le génocide. Au nombre de 23, rédigés entre le
7 avril et le 24 août
1994 - d’abord au Rwanda, puis en Belgique - ces documents font principalement
état
des cas des prêtres tués ou réfugiés, mais aussi des conditions de vie et
des massacres
des
populations. Ces fax étaient adressés au siège de la Société des Pères
Blancs à Rome, à plusieurs missions provinciales en Europe, à d’autres
congrégations religieuses dans le monde, ainsi qu’au quotidien
français La Croix.
Rien,
dans ces fax, ne peut être considéré comme une incitation à la haine
ethnique ou au divisionnisme.
Guy Theunis et Jef Vleugels ont tenté, avec les moyens à leur disposition, de relater
les faits portés à leur connaissance. Dès le 7 avril, ils signalaient des «massacres
et des pillages»
dans certains quartiers de Kigali. Le lendemain, le père Theunis dénonçait
des «actes barbares»
dans l’église Saint Charles Lwanga de Nyamirambo (Kigali) et racontait que
des militaires
avaient tué des «blessés tutsis sur leur lit». Le 8 avril, les Pères Blancs
expliquaient que
la RTLM avait commencé ses appels au meurtre et invitait les habitants
à «chercher les Inkotanyi
[combattants du FPR majoritairement tutsis] qui se cachent parmi eux et à
signaler leur
présence aux soldats».
Le
9, un fax précisait que «dans certains quartiers de Kigali le ‘nettoyage’
continue». Un peu plus
loin dans le paragraphe, il est écrit que «les gendarmes sont partis, laissant
la population faire
‘le travail’ «. Les termes «nettoyage » et «travail» sont placés entre
guillemets :il s’agit bien de reprendre la phraséologie du moment pour
souligner l’horreur de la situation, et
non pour en faire la propagande. Plus loin, Guy Theunis explique que les Belges
vivant avec
des Tutsis n’ont pas été épargnés. Ce fax décrit largement des tueries et
des massacres dont
la responsabilité incombe aux militaires. Comment peut-on alors sérieusement
accuser le
Père Theunis de complicité avec les génocidaires ? Il a très certainement
utilisé les termes «nettoyage» et «travail» en référence aux propos tenus
par la RTLM, ce qui explique qu’ils aient été placés entre
guillemets. Cela ne veut pas dire que les Pères Blancs soutenaient ou
cautionnaient, de quelque manière que ce soit, les
événements en cours. Bien au contraire, le père Theunis et ses confrères ont
été parmi les premiers
à relater avec autant de précisions les massacres en cours.
En
outre, il faut rappeler que ces fax, comme la revue de la presse rwandaise éditée
par Dialogue, étaient
destinés à un public restreint. Ils n’étaient pas distribués à la
population rwandaise et
ne peuvent donc, en aucun cas, avoir attisé les haines au sein des communautés
du pays.
Le 11 avril, dans son dernier fax envoyé depuis le Rwanda, Guy Theunis écrivait
que les massacres continuaient
à Kigali et que «beaucoup de personnes, des Tutsis principalement, ont été
tuées».
-
«Guy Theunis fréquentait les génocidaires»
A
l’appui de cette accusation, un seul document : une photo, prise trois ans
avant le génocide, montrant
Guy Theunis en compagnie de Ferdinand Nahimana, à l’époque directeur de
l’Orinfor (Office rwandais d’information), et d’officiers des Forces armées
rwandaises. Ce
cliché, publié pour la première fois dans l’ouvrage «Rwanda, les médias
du génocide» (Editions
Karthala, avec Reporters sans frontières), a
été pris le 30 mai 1991 à l’occasion d’une visite de la presse nationale
dans la zone de
combats (7).
Celle-ci avait été organisée par l’Orinfor, ce qui explique la présence de
Ferdinand Nahimana.
Guy Theunis y assistait en tant que journaliste, en compagnie de nombreux autres
reporters qui ne figurent pas sur le cliché. Il ne s’agissait pas d’une
visite privée ni
d’une mission particulière confiée au prêtre journaliste. Cette image ne
prouve aucunement
la
sympathie supposée de Guy Theunis avec la RTLM (qui sera créée deux
ans plus tard) ou des
officiers de l’armée rwandaise qui se seraient rendu coupables de tueries en
1994.
Pourquoi
avoir arrêté Guy Theunis ?
Quatre
hypothèses principales ont été avancées quant aux motivations qui ont
conduit à l’arrestation
du père Theunis.
Le
négociateur occulte des FDLR.
Selon
cette hypothèse, l’ancien journaliste se trouvait en République démocratique
du Congo
pour participer à une médiation en faveur des membres des Forces démocratiques
de libération
du Rwanda (FDLR, groupe armé composé d’anciens génocidaires,
d’ex-militaires de
l’armée rwandaise et de réfugiés hutus). Guy Theunis a formellement démenti
auprès de Reporters sans frontières, et l’organisation n’a recueilli
aucun témoignage corroborant cette hypothèse.
La
monnaie d’échange.
Le père
Theunis pourrait être utilisé comme monnaie d’échange pour mettre la main
sur des anciens génocidaires réfugiés en Belgique ou comme moyen de pression
pour faire cesser le
blocage par Bruxelles de la compagnie aérienne rwandaise Silverback Cargo
Freighters qui
permet d’acheminer des minerais vers l’Europe. Les autorités belges ont
infirmé ces deux
hypothèse auxquelles plus personne ne semble aujourd’hui prêter sérieusement
attention.
Le
témoignage contre des militaires du FPR en Espagne. l’avocat
des familles des victimes, Me Jordi Palou-Loverdos, estiment que l’arrestation
de La
vendetta des tenants du pouvoir. Certains
reprochent aux Pères Blancs et à l’Eglise catholique une foi aveugle et un
racisme Bizimana,
un ancien séminariste chez les Pères Blancs et l’un des accusateurs de personne
et des Libertés publiques (ADL), une association qui dénonçait avec force les
crimes l’homme»
commises par le FPR. Et le 9 juin, il indiquait que trois évêques et dix prêtres
rwandais Des
motivations personnelles enfin, pour ceux qui connaissent le prêtre depuis de
longues Guy
Theunis et les droits de l’homme
L’affaire
du père espagnol Joaquim Vallmajó Sala est une autre piste. Ce prêtre a été
enlevé par
des militaires du FPR le 26 avril 1994, à Kageyo (province de Byumba, dans le
Nord) et tué par
la suite. En février 2005, une plainte a été déposée par le Forum
international pour la vérité et
la justice dans l’Afrique des Grands lacs contre dix hauts responsables du FPR
pour
publiée dans le
meurtre de six missionnaires, dont le père Vallmajó, et de trois membres d’ONG,
tous
.
10
Une
procédure judiciaire contestable
A
ce jour, il n’a toujours reçu aucune réponse du parquet, mais un officier du
ministère public
Conclusion
et recommandations
Le
26 septembre, le ministre belge des Affaires étrangères, Karel De Gucht, a
introduit une demande
diplomatique
est désormais la plus vraisemblable, même si les autorités rwandaises ne font
Pour
toutes ces raisons, Reporters sans frontières demande une nouvelle fois aux
autorités
Terrorisme intellectuel d'IBUKA envers l"Eglise
RWANDA/BELGIQUE
- LE PERE GUY THEUNIS QUITTERA LE RWANDA SAMEDI PROCHAIN (OFFICIEL)
(Agence
Hirondelle 09/11/2005)
Le religieux belge Guy Theunis , accusé de génocide
par les autorités rwandaises, sera transféré en Belgique samedi prochain, a
annoncé mardi l’avocat général du Rwanda M. Hermogène Higaniro.
«Les dernières formalités seront achevées vendredi après-midi aussi il
pourra partir par le vol de samedi soir» a dit aux journalistes M. Higaniro peu
après que les juges aient été saisis d’une requête du gouvernement en ce
sens. Une décision est attendue mercredi.
Avant l’audience, le prêtre visiblement fatigué et dont la jambe gauche est
enflée, avait dit aux journalistes en kinyarwanda: «j’attends avec
impatience de rentrer chez moi».
Le Rwanda a accepté la demande de son ancienne puissance coloniale de transférer
dans son pays le prêtre arrêté le 6 septembre dernier à l’aéroport de
Kigali alors qu’il était en transit. La Belgique s’est engagée à réaliser
une enquête sur les crimes reprochés au religieux.
Guy Theunis, 60 ans, a travaillé au Rwanda entre 1970 et 1994 parmi les Pères
Blancs, un ordre catholique romain très implanté au Rwanda avant le génocide.
Il est accusé de dix charges de génocide et crimes contre l’humanité,
datant pour la plupart de l’époque où il était responsable de la
publication de la revue Dialogue. Selon le procureur il aurait publié des
articles incitant aux tueries des Tutsis.
L’audience de mardi devant la Haute Cour a été décrite par Emmanuel
Rukangira, le représentant du parquet rwandais dans cette affaire, comme «largement
une formalité».
Sous la présidence du juge Tharcisse Karugarama, les parties se sont montrées
détendues et ont plaisanté avec le président de cette audience inhabituelle,
la première du genre à se dérouler au Rwanda, selon le magistrat.
PB/GG/AT/GF
© Agence Hirondelle
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