RAPPORT SUR LES EXACTIONS EN RDC: l’ONU coupe la poire en deux
(Le Pays 04/10/2010)
En fin août dernier, lorsque le journal
français "Le Monde" publiait le rapport brut de l’ONU sur les
exactions commises sur les réfugiés hutu rwandais en RDC
(République démocratique du Congo), le général Kagamé du Rwanda
s’était mis à s’agiter. Le mot "génocide" qui y figure faisant
peur à plus d’un titre, le président rwandais avait vite menacé
de retirer ses troupes qui oeuvrent pour le maintien de la paix
au Soudan, si jamais les Nations unies "s’entêtaient" à publier
ce rapport.
D’un autre côté, les organisations de défense des droits humains
et les victimes invitaient l’institution à rendre officiel le
rapport avec bien entendu la mention "génocide". Dans ce bras de
fer entre l’ONU et le Rwanda, l’on se demandait si l’institution
aurait le courage de sortir un jour le document et, au cas
échéant, quelle version elle allait proposer. Au finish, on peut
dire que l’activisme et les menaces du président rwandais n’ont
pas ébranler l’organisation internationale. L’ONU a plutôt coupé
la poire en deux. En d’autres termes, elle a ajouté de
l’édulcorant et de la crème à la tartine pour la rendre moins
difficilement avalable.
Ainsi, le mot "génocide" qui fait tant trembler Kagamé et
d’autres chefs d’Etat de la région des Grands Lacs incriminés
est resté dans le rapport final mais a été mis entre guillemets.
C’est désormais un "tribunal compétent" qui pourrait qualifier
les atrocités comme relevant ou non de génocide. Mais bien
qu’édulcoré, le rapport passe toujours mal. Avec ou sans
guillemets, le mot génocide reste toujours dangereux. Il vaut
mieux ne pas y avoir affaire. Et les chefs d’Etat dont les pays
sont indexés l’ont vite compris.
Ils savent très bien qu’eux ou leurs soldats pourraient courir
le risque de faire l’objet de mandat d’arrêt international par
la CPI (Cour pénale internationale) si toutefois les preuves du
génocide venaient à être établies. Cependant, le rejet
systématique de ce rapport ne devrait pas étonner. Il est devenu
une tradition, voire une spécialité des chefs d’Etat africains,
de rejeter automatiquement tout rapport qui remet en cause leur
gestion du pouvoir d’Etat. Nul doute que ces dirigeants dont la
responsabilité est engagée dans ce document auraient vanté leurs
propres mérites si ce rapport leur avait été favorable. Ils
auraient même fait porter des tambours à leurs ministres et
autres directeurs généraux qui, toutes les fois que l’occasion
se présentait, chanteraient les exploits de leur "héros" comme
on le voit très souvent sous les tropiques africains.
En tout état de cause, les arguments du genre, "le rapport n’est
pas objectif" ou est "basé sur des rumeurs", avancés par les
pays incriminés pour se défendre, passent mal d’autant plus que
les Nations unies ont pris du temps pour mener les enquêtes. En
plus, la République démocratique du Congo, sur le territoire de
laquelle se sont commises les atrocités, n’a jusque-là pas
contesté le rapport. Mieux, elle s’en est félicitée, prenant
ainsi le contre-pied de ses voisins dont elle avait jusqu’alors
redouté la capacité de nuisance. Tout compte fait, la
publication du rapport onusien constitue un grand pas. Il est à
souhaiter que des actions concrètes soient menées pour que les
auteurs de ces atrocités d’une autre époque soient jugés et
punis à la hauteur de leur crime.
Boulkindi COULDIATI
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