Un avocat au TPIR renvoyé pour malhonnêteté et fraude
ARUSHA (Tanzanie), 28 oct (AFP) - Le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), chargé de juger les principaux responsables du génocide de 1994, a mis fin au contrat d'un avocat accusé "de malhonnêteté, de fraude et de tromperie", a rapporté jeudi l'agence de presse indépendante Hirondelle.
Selon la décision du greffe du TPIR, Me Jean Yaovi Degli a escroqué au tribunal plus de 300.000 dollars et utilisé comme co-conseil sa compatriote togolaise Sylvia Olympia, dont il savait qu'elle n'était pas qualifiée pour ce poste.
M. Degli, qui comme la majorité des avocats du TPIR sont payés par le tribunal, l'avait fait nommer sur la base d'une fausse attestation du barreau de Paris, selon la même source.
Le greffe du TPIR "ordonne le retrait de la commission d'office de Me Jean Yaovi Degli" après avoir constaté que l'avocat de la défense "a commis des actes de malhonnêteté, de fraude et de tromperie", écrit le greffier du TPIR, le Sénégalais Adama Dieng, dans une décision datée de mardi et dont une copie a été transmise jeudi à l'agence Hirondelle.
Le greffe du TPIR est l'organe chargé de commettre d'office des avocats pour les accusés considérés comme indigents, donc incapables de payer les services d'un avocat.
Il déclare que "Me Jean Yaovi Degli n'est plus éligible comme conseil dans le cadre du programme d'assistance judiciaire du Tribunal pénal international et ordonne son retrait de la liste".
A son arrivée au siège du tribunal à Arusha (Tanzanie) en 1998, Mme Oympia avait pu, avec l'aide de Me Degli, ouvrir dans une banque locale, un compte sur lequel lui étaient versés ses honoraires et frais.
Mais Me Degli avait, sur ce compte, une procuration. Il gonflait les honoraires de sa consoeur pour pouvoir ainsi, grâce à la procuration, retirer de l'argent sur le compte de Mme Olympia. C'est ainsi qu'il a pu escroquer plus de 300.000 dollars.
"Le tribunal et les Nations unies se réservent le droit d'engager toute procédure en vue du recouvrement du montant", a déclaré jeudi le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga.
Me Degli représentait les intérêts du général de brigade Gratien Kabiligi, ancien chef des opérations à l'état-major de l'armée, accusé notamment de crime de génocide.
Togolais réfugié en France, où il est inscrit au barreau de Paris, Me Degli était par ailleurs secrétaire général de l'association des avocats de la défense au TPIR (ADAD).
Il est le deuxième avocat travaillant au TPIR qui est renvoyé pour fraude.
Le TPIR, tribunal créé par l'Onu, est chargé de juger les principaux responsables du génocide de 1994 au Rwanda, qui a fait environ 800.000 morts selon les Nations unies.
DROIT DE REPONSE
Suite aux informations que vous avez fait passer sur vos antennes par votre correspondant à Arusha et relative à une prétendu fraude avec Mme Sylvia OLYMPIO au préjudice du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, je tiens en tant que principal concerné, à faire la mise au point suivante à titre de droit de réponse;
1) Devant le TPIR, tout avocat qui est conseil principal dans une affaire est celui qui par qui passe le dossier de tous ceux qui devront intervenir dans le dossier comme collaborateur. C’est dans ce cadre que le premier dossier de Madame OLYMPIO m’a été remis et a été déposé devant le TPIR pour qu’elle soit assistante. C’est l’intéressée elle-même qui a par contre sollicité directement au greffe son inscription sur la liste des avocats devant le Tribunal.
2) Avant l’inscription de toute personne sur la liste des Avocats devant le TPIR, le greffe a l’obligation de contacter son barreau pour s’assurer que cette personne est effectivement inscrite audit Barreau. Cette obligation n’incombe pas au Conseil principal qui, souvent, ne connaît pas les personnes qui sollicitent des places dans les dossiers. Ce qui est étonnant et que le greffe n’a jamais su expliquer, c’est que le TPIR n’a jamais procédé à cette démarche sur le cas de madame OLYMPIO ce qui est totalement exceptionnel. Est-ce à cause des privilèges dont jouissait Mme OLYMPIO comme concubine attitrée de M. DIENG ? Je me garde de commentaires.
3) En avril 2003, Madame OLYMPIO qui n’était pas mon employée mais se présentait comme avocate indépendant à qui je demandais des interventions en mon absence, est intervenue dans un de mes dossiers personnels à Paris et y a commis des gaffes qui pouvaient entraîner l’engagement de ma responsabilité par le Client. J’ai alors essayé de savoir quelle est le degré d’assurance qui la couvre en tant que consoeur. Malheureusement, je ne trouverai pas son nom sur la liste des avocats inscrits au barreau de Paris comme elle le prétendait.
4) J’ai donc immédiatement écrit à l’intéressée afin qu’elle me donne ses références professionnelles complètes. C’est dans ces conditions que Madame OLYMPIO, dans la panique, est allée voir Me Amah Michel d’ALMEIDA le 26 avril 2003 pour avouer son forfait et demander à ce dernier d’intervenir auprès de moi pour que je ne lui fasse pas des problèmes.
5) C’est donc mon confrère d’ALMEIDA qui m’a appelé ce 26 avril pour aller le voir au cabinet vers 15 heures et c’est là où Madame OLYMPIO est venue me faire part de ce qu’elle m’a trompé ainsi que tout le monde. Elle a alors délivré une attestation sur ce qu’elle a fait pour que les choses soient consignées.
6) Dans la mesure où Mme OLYMPIO était la maîtresse attitrée de Monsieur Adama DIENG, Greffier du TPIR, je lui ai fait savoir qu’en ma qualité d’avocat, j’ai l’obligation de mettre fin à cette situation grave pour ne pas engager ma responsabilité. Elle fut informée de ma décision (contre son gré et sa demande de se retirer elle-même en secret) de mettre le TPIR au courant de la situation et de la faire retirer du dossier que je gérais devant le Tribunal.
7) Le lundi 28 avril, Madame OLYMPIO envoie deux courriers au greffier DIENG (un manuscrit et privé et un officiel) après l’avoir appelé et conversé avec lui. Elle me donne plus tard copies de ces courriers et m’informe que le Greffier souhaitait que je lui envoie mes courriers sur son fax personnel pour garder la confidentialité à cette affaire qui, vu leur relation intime, pouvait l’éclabousser. Dans le courrier officiel, Mme OLYMPIO dit clairement ceci : « j’ai toujours travaillé en qualité de juriste dans divers cabinets à Paris, et intervenais sur les dossiers de fond et acte de procédures diverses et assurais des audiences pour le compte des cabinets à la demande de mes patrons. J’ai informé Me DEGLI de cette situation seulement le 26 avril 2003 »
8) J’ai donc envoyé mon courrier explicatif de la situation et sollicitant que le TPIR prenne toutes les dispositions qui s’imposent à Monsieur DIENG sur le numéro privé que m’a remis Mme OLYMPIO de la part de celui-ci.
9) Après avoir tenté de me joindre en vain, Monsieur DIENG m’envoie un email me demandant de l’appeler urgemment. Dès que j’ai eu ce mail, je l’ai appelé et il a sollicité de moi que je lui traite cette affaire avec discrétion pour que cela ne l’éclabousse pas.
10) Plus tard en juin en allant à Arusha, je devais constater que pendant que Monsieur DIENG me demandait ce service, lui et ses collaborateurs faisaient circuler des rumeurs dans mon dos comme quoi je devais être au courant pendant que certains de ses collaborateurs dont Monsieur AMOUSSOUGA insistaient auprès de Mme OLYMPIO pour qu’elle me mette en cause. Ceci devait leur permettre de se couvrir et de me régler des comptes à cause du fait qu’en ma qualité de défenseur des droits de l’Homme et Secrétaire Général de l’Association des Avocats, j’ai toujours dénoncé les dérives et violations des droits de l’homme devant le TPIR.
11) En mars 2004, des auditeurs venus de New York avaient eu à conduire une enquête sur cette affaire et à reprocher à Monsieur DIENG des manquements graves.
12) C’est à la suite de cela que l’intéressé a décidé de tout faire pour se couvrir en me faisant porter la responsabilité d’une affaire dans laquelle je n’ai absolument rien à voir. Plusieurs voyages seront donc organisés sur la France (et divers coups de fils) pour aller contacter Mme OLYMPIO et concocter une histoire avec elle en lui promettant l’impunité et la vengeance contre moi.
13) M. DIENG mit à profit pour ce faire, des auditeurs internes du tribunal qui dépendent directement de lui pour faire un rapport lui permettant de se blanchir.
14) Je n’ai jamais vu le prétendu rapport qu’aurait rendu ces auditeurs internes malgré mes nombreuses demandes fondées notamment sur l’article 14 du Pacte International Relatif aux droits Civils et Politiques (et 20 du Statut du TPIR) qui veut qu’une personne accusée d’un fait soit informée dans les détails des faits qui lui sont reprochés. Or, il est indispensable que je prenne connaissance de ce qui m’est reproché in extenso et que je puisse me défendre après avoir noté la manière dont les éléments que j’ai donnés à ces auditeurs ont été utilisés. De plus, je dois savoir comment ce rapport traite les éléments concernant Monsieur DIENG lui-même.
15) J’ai sollicité diverses confrontations dans cette affaire- notamment avec Mme OLYMPIO et M. DIENG ainsi qu’avec les autres collaborateurs bien au courant de la situation ou avec Me d’ALMEIDA- qui n’ont jamais été organisées.
16) Les éléments ou documents par lesquels Mme OLYMPIO m’aurait accusé n’ont jamais été portés à ma connaissance jusqu’à ce jour malgré mes demandes répétées.
17) En conclusion, je réitère que cette affaire est une kabbale montée de toute pièce contre ma personne et dont j’entends tirer toutes les arcanes au clair. J’utiliserai à cet effet toutes les voies possibles pour faire triompher la vérité. Déjà, dans les tout prochains jours j’aurai à faire sortir un certain nombre d’éléments pour lesquels je travaille actuellement.
18) Je note que dans cette kabbale, Monsieur AMOUSSOUGA qui est l’ami personnel de Messieurs NATCHABA et EYADEMA a mis ceux-ci dans le coup et que la télévision et la radio togolaises font largement état de ces accusations diffamatoires dans la presse togolaise depuis hier.
FAIT A BRUXELLES, ce 29 Octobre 2004
Jean Yaovi DEGLI