Arusha, 19 décembre 2008 (FH) - Le jugement de Théoneste Bagosora et
de ses trois co-accusés, anciens responsables de l'armée rwandaise
en 1994, devrait rester comme l'un des fondements du bilan du
Tribunal pénal international pour le Rwanda tant par son ampleur que
par sa mesure.
Après avoir condamné la plupart des ministres du gouvernement
intérimaire dont leur chef, puis les responsables de médias, les
juges du TPIR ont condamné jeudi en première instance, les
militaires. Ils devraient l'année prochaine tenter d'en finir avec
les procès des politiciens.
Mais ces juges se refusent toujours à suivre l'accusation dans sa
volonté de condamner clairement l'intention criminelle commune,
cette fameuse « entente en vue de commettre le génocide », élément
constitutif sur lequel ils butent depuis le premier jugement
prononcé en 1998.
Mesuré comme il l'a été dans les 10 jugements qu'il a prononcé
depuis qu'il préside une chambre, le juge Erik Mose a pris soin de
rappeler qu'un procès pénal « ne permet pas de brosser un tableau
exhaustif de tout ce qui s'est passé au Rwanda » . 410 jours
d'audience étalés sur plus de 5 ans, 30.000 pages de transcripts,
1600 pièces à conviction et 4500 pages de conclusions aideront
malgré tout à clarifier l'Histoire.
Bagosora, en dépit de l'image tracée à grands traits par les
procureurs successifs, n'est pas condamné par le TPIR en tant que
«cerveau» du génocide. « Des dispositions avaient été prises en vue
d'un affrontement pour la conquête du pouvoir politique ou militaire
et des mesures adoptées dans le contexte d'une guerre engagée contre
le FPR ont été mises en œuvre à d'autres fins à partir du 6 avril
1994» dit noir sur blanc le résumé du jugement. Le texte lui-même,
long de plus de 500 pages, est en cours de finalisation.
Dans ce texte, les juges affirment toutefois que les meurtres et les
manœuvres militaires exécutés peu après l'attentat ne pouvaient
l'avoir été que «suite à des ordres émanant d'autorités militaires
supérieures». Bagosora, rappellent ils, était «la plus haute
autorité du ministère de la défense et a exercé un contrôle effectif
sur l'armée et la gendarmerie». Cette affirmation sera au cœur de
son appel.
Souvent critiqué pour son inefficacité, sa lenteur, ses
imprécisions, ses maladresses, le TPIR va laisser avec ce jugement
un document fondamental même si, dit le jugement, « la chambre a été
limitée par des normes de preuve et des procédures strictes (...) et
"l'obligation de concentrer son action sur les quatre accusés
(...)".
Selon les Nations unies, témoin passif des événements, 800.000
personnes, tutsi mais aussi hutu opposants au régime en place, ont
été tuées pendant les trois mois du génocide.
PB/GF
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18.12.08 - TPIR/MILITAIRES I - LE
COLONEL BAGOSORA CONDAMNE A LA PRISON A VIE |
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Arusha, 18
décembre 2008 (FH) - Le colonel Théoneste Bagosora, 68 ans, ancien directeur
de cabinet du ministre de la défense rwandais, accusé d'avoir été le
«cerveau» du génocide de 1994, a été condamné jeudi par le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR) à la détention à perpétuité.
Le
tribunal n'a cependant pas admis que les quatre accusés de ce procès se
soient livrés à une "entente en vue de commettre le génocide". L'avocat de
Bagosora, Me Raphael Constant, a également souligné le fait que son client
n'avait été reconnu coupable d'aucun des assassinats qui lui étaient
reprochés pendant les premiers jours du génocide.
Bagosora était jugé depuis avril 2002 avec trois autres responsables de
l'armée rwandaise. L'un d'entre eux, le général Gratien Kabiligi, commandant
des opérations militaires, a été acquitté. Les deux autres, le major Aloys
Ntabakuze, ex-commandant du bataillon de parachutistes, et le
lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, responsable des opérations
militaires dans la région de Gisenyi, ont également été condamnés à la
perpétuité, la peine la plus importante admise par les Nations unies.
Les trois condamnés, détenus depuis plus de dix ans, ont dès la fin de
l'audience dit leur intention de faire appel et leurs avocats se sont
montrés confiants. Me Peter Erlinder, avocat de Ntabakuze a souligné que sur
45 faits reprochés à son client seuls 3 avaient entraîné sa condamnation.
Raphael Constant a, en première réaction, estimé que ce jugement « remettait
en cause l'historiographie du Rwanda ».
Pour sa part, le représentant du Rwanda, Aloys Mutabingwa, a estimé que la
justice a été rendue pour ce qui est de Bagosora, Nsengiyumva et Ntabakuze.
Le diplomate s'est cependant dit "surpris" par l'acquittement de leur
co-accusé.
Les quatre hommes avaient été regroupés dans un procès qui, selon
l'accusation, était exemplaire de l'organisation du génocide, laquelle n'a
pas pu être prouvée. Depuis la première audience en janvier 1997, le
procureur tente de prouver l'entente en vue de commettre le génocide qui en
constituerait un élement constitutif, mais n'y est pas encore pleinement
parvenu. Il s'est refusé à réagir aprés ce jugement et on ignore s'il fera
appel de l'acquittement de Kabiligi.
Le TPIR, créé en 1994 quelques semaines après la fin du génocide qui a fait,
selon l'ONU, 800.000 victimes, a jusqu'à présent condamné 36 personnes et en
a acquitté 6. Seize des condamnés ont été envoyés en prison à perpétuité
dont quatre sont en appel.
PB/ER/GF
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