Les motivations de Kofi Annan sont également difficiles à lire. A-t-il cédé aux pressions? Pense-t-il sincèrement qu'un nouveau procureur fera mieux? A-t-il toujours en mémoire son impuissance, en tant que responsable des opérations de maintien de la paix de l'Onu, à arrêter le génocide rwandais? Toujours est-il qu'il n'a jamais vraiment apprécié le style de Carla Del Ponte, trop bruyante à son goût. Et avant de prendre sa décision, il n'a consulté le Conseil de sécurité que très superficiellement. A aucun moment, les tenants d'un dédoublement du mandat n'ont publiquement exposé leurs arguments. Ce qui inquiètent les ONG spécialistes du dossier. «Le Conseil de sécurité doit s'assurer que la décision de séparer les mandats de procureur va améliorer l'efficacité du tribunal, tout en s'assurant qu'un tel changement n'empiète pas sur l'impartialité du tribunal et sa capacité à poursuivre les officiels de l'APR qui se sont rendus coupables de graves violations du droit international», explique Richard Dicker, de Human Rights Watch. Estimant que le dédoublement des mandats pourrait avoir de graves conséquences sur l’indépendance du procureur, Carla Del Ponte n’a pas hésité à interpeller les diplomates du Conseil. «Est-ce que cette séparation aurait pour résultat de miner les enquêtes du TPIR sur les membres des Forces armées rwandaises, et des personnes associées à l'actuelle classe dirigeante rwandaise? Au-delà du cas du TPIR, quel type de précédent cela établirait-il en ce qui concerne l'indépendance d'un procureur international?» Bien qu'elle soit de toute évidence amère, Carla Del Ponte semblait vendredi résignée. Contrairement à certaines rumeurs, elle n'a pas l'intention de démissionner, si, comme c'est fort probable, le Conseil de sécurité entérine la décision de Kofi Annan. En début de semaine prochaine, les Etats-Unis devraient déposer un projet de résolution dédoublant le poste du procureur du TPI pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Aucun pays ne semble disposé à s'y opposer, mais certains, comme le Mexique ou l'Allemagne, voudraient que le texte mette en garde le gouvernement rwandais contre toute tentative de pression sur la cour. Ecouter également : La réaction de Carla Del Ponte au micro de Philippe Bolopion (09/08/2003, 2'40") |
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PHILIPPE BOLOPION 09/08/2003 |