Nous soussignés,
Membres d’équipes de Défense d’accusés devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha,
Bouleversés par l’annonce de l’arrestation du Professeur Peter Erlinder et de son maintien en détention à Kigali, à l’occasion et dans le cadre de l’exercice de sa mission au service des droits de la Défense,
Profondément préoccupés des informations reçues quant aux accusations construites contre lui et quant à la façon dont un dossier à charge est méthodiquement construit pour tenter de donner corps à ces accusations,
Extrêmement inquiets des indications contradictoires émanant des autorités judiciaires rwandaises elles-mêmes, laissant craindre pour son intégrité physique et morale,
Soucieux des déclarations faites le 2 juin 2010 au nom du Tribunal et qui ne peuvent être interprétées par les autorités judiciaires rwandaises que comme une incitation à poursuivre dans la construction d’un dossier sous réserve d’en retirer ce qui pourrait y impliquer le plus directement le Tribunal,
Convaincus que quels que soient les prétextes d’ores et déjà invoqués par les autorités rwandaises ou qu’elles y ajoutent pour tenter de justifier ces atteintes et de tenir en échec les garanties d’immunité que lui doit le Tribunal, l’arrestation de Peter Erlinder est directement et indissociablement liée à l’exercice de ses missions et de ses mandats devant le TPIR et de son implication dans une Défense active et intransigeante au service de la manifestation de la vérité,
Rappelant nos inquiétudes croissantes et nos précédentes alertes devant la criminalisation de l’exercice des droits de la Défense exposant aux mêmes risques, aux mêmes menaces et au même sort quiconque, avocat, enquêteur, assistants et témoins à décharge, contribue à la défense d’un accusé et encourt dès lors la qualification pénale de « négationniste » au sens de la législation rwandaise,
Notant que le maintien en détention ou toute autre forme de restriction à sa liberté d’aller et venir, et des poursuites à l’encontre de Peter Erlinder affectent gravement l’exercice de notre mission en altérant notre indépendance, en empêchant l’accomplissement de nos missions, et en entravant jusqu’à la possibilité pour un témoin de témoigner sans crainte d’en subir les représailles,
Prions instamment le Président et le Greffier du TPIR, le Secrétaire Général du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, le Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Madame le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme, d’user chacun des pouvoirs qui sont les leurs pour obtenir des autorités rwandaises
Qu’elles ordonnent la libération immédiate de Peter Erlinder, la levée de toute restriction de sa liberté d’aller et venir, et l’abandon de l’ensemble des poursuites exercées contre lui, dès lors qu’elles sont indissociablement en lien avec l’exercice de ses missions de Défense
Qu’elles s’engagent à garantir l’immunité de quiconque concourt à la manifestation de la vérité devant toute juridiction internationale ou nationale
Qu’elles satisfassent ainsi à leur obligation de coopération avec le TPIR, dont participe nécessairement le respect des droits de la Défense nécessaire à l’administration de la Justice et le droit à un procès équitable.
Prenant acte de l’impossibilité de poursuivre en l’état notre mission tant que Peter Erlinder et avec lui l’ensemble des droits de la Défense demeurent ainsi pris en otage, et constatant que ces circonstances sont incompatibles avec le droit des accusés à bénéficier d’un procès équitable, impliquant qu’ils disposent d’une défense libre et indépendante,
Conscients des dangers qui pèsent immédiatement et de façon tout aussi directe sur le plus grand nombre d’entre nous, et qui trouvent leur confirmation dans le sort réservé à Peter Erlinder,
Nous décidons de surseoir à toute autre démarche autrement que strictement conservatoire des intérêts de nos mandants, tant que les conditions minimales d’exercice normal de ces missions n’auront pas été rétablies par la levée des menaces qui les affectent, et par la proclamation solennelle du droit inaliénable à une défense inviolable,
Nous en appelons à nos Ordres Professionnels, aux Organisations internationales de défense des droits de l’Homme, aux États, aux Organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales compétentes, à l’opinion publique mondiale, pour qu’ils interviennent massivement et d’urgence auprès des autorités rwandaises au soutien des mêmes exigences dictées par des principes universellement admis.
Premiers signataires :
Mes Bergevin, Black, Bwo'Onamwa, Cantier, Conde, Constant, Courcelle-Labrousse, Diabira B, Diagne, Dimitri, Doumbia, Edwards, Gaden, Guisse, Hounkpatin, Le Fraper du Hellen, Lyons, Marcil, Momo, Nekuie, Nimy, Normand Marquis, Ogetto, Pacere, Philpot, Poulain, Poupart, Segatwa, Taku, Turner, Vercken, Weyl, Hinds
avec le soutien de Mes Altit, Flamme, Tremblay