Le TPIR acquitte l'ex-ministre des Transports et un ancien préfet
ARUSHA (Tanzanie), 25 fév (AFP) - Le
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a acquitté mercredi à
Arusha (Tanzanie) l'ex-ministre rwandais des Transports et Communications, André
Ntagerura, et l'ancien préfet de Cyangugu (sud-ouest), Emmanuel Bagambiki,
accusés de génocide et crimes contre l'humanité.
L'ancien commandant du camp militaire de Karambo, dans la province de Cyangugu,
le lieutenant Samuel Imanishimwe, qui comparaissait avec eux sous les mêmes
chefs d'accusation, a été condamné à 27 ans de prison, a ajouté l'agence de
presse indépendante Hirondelle.
C'est la première fois que le TPIR acquitte un ministre du gouvernement intérimaire
de l'époque du génocide.
Le procureur avait requis la prison à vie contre les trois accusés, et tous
les défenseurs avaient plaidé l'acquittement à l'issue des 160 jours
d'audience de ce procès ouvert le 18 septembre 2000.
La Cour a ordonné la libération immédiate de MM. Ntagerura et Bagambiki qui,
tout sourire, ont embrassé leurs avocats à l'énoncé du jugement.
"J'attendais ce moment depuis longtemps. La chambre vient de reconnaître
mon innocence", a déclaré M. Bagambiki en exprimant sa "joie"
aux journalistes.
Mais le représentant du procureur a annoncé qu'il faisait appel des
acquittements, et réclamé le maintien en détention des deux hommes.
Simultanément, l'avocate camerounaise du lieutenant Imanishimwe, Me
Marie-Louise Mbida, annonçait qu'elle faisait appel de la condamnation de son
client. "Il a été condamné parce qu'il était un supérieur hiérarchique",
a-t-elle commenté.
Magistrats et avocats ont alors entamé une longue discussion sur les conditions
de résidence de MM. Ntagerura et Bagambiki jusqu'au procès en appel. On se
dirigeait vers un compromis sur un séjour dans un hôtel d'Arusha pour la première
nuit, selon des avocats.
C'est la deuxième fois que le TPIR prononce un verdict d'acquittement, alors
que 17 accusés avaient été condamnés, dont 10 à la prison à vie.
Le tribunal avait déjà acquitté en 2001 Ignace Bagirishema, l'ancien maire de
Mabanza (province de Kibuye, nord-ouest).
Les magistrats ont estimé mercredi que l'accusation "n'a pas apporté de
preuve solide ou crédible que M. Ntagerura avait supervisé les massacres à
Cyangugu", selon l'énoncé du jugement.
De même, ils ont jugé que l'ancien préfet "ne peut être tenu
responsable au plan criminel", faute de "preuve suffisamment
fiable" contre lui.
En revanche, le lieutenant Imanishimwe a été reconnu "responsable d'avoir
ordonné le massacre, la torture et l'emprisonnement de nombreux civils au camp
de Karambo".
L'ancien ministre André Ntagerura, 54 ans, avait été arrêté le 27 mars 1996
au Cameroun. Diplômé en administration des affaires de l'Université Laval au
Québec (Canada), il a été ministre de 1981 à 1994, après avoir enseigné à
l'Université nationale du Rwanda (UNR).
Trois autres membres du gouvernement rwandais ont déjà été jugés par le
L'ex-Premier ministre, Jean Kambanda, ainsi que les anciens ministres de
l'Information, Eliezer Niyitegeka, et de l'Enseignement supérieur, Jean de Dieu
Kamuhanda, ont été condamnés à la prison à vie, peine maximale au TPIR.
Emmanuel Bagambiki, 55 ans, avait été arrêté le 5 juin 1998 au Togo. Avant
d'être nommé à la tête de sa préfecture natale de Cyangugu, il avait été
sous-préfet de Gisenyi (nord), puis préfet de Gitarama (centre) et de Kigali
rural.
Samuel Imanishimwe, 43 ans, arrêté au Kenya le 11 août 1997, est le premier
militaire jugé par le TPIR.
En une centaine de jours, d'avril à juillet 1994, les massacres au Rwanda, perpétrés
par une grande partie de la population, ont fait près d'un million de morts
parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon une estimation des
autorités de Kigali.