Mme Ingabire, 44 ans, "est condamnée à huit ans de prison pour tous les crimes dont elle a été déclarée coupable", a déclaré la juge Alice Rulisa, en donnant lecture de la longue décision de la Cour.
La Cour a en revanche déclaré Mme Ingabire, opposante notoire au président rwandais Paul Kagame, non coupable de propagation de l'idéologie de génocide, crime passible de 10 à 25 ans de prison, car "il n'y a aucune preuve qu'elle ait eu l'intention d'appeler à un autre génocide", a poursuivi la magistrate.
"On est déçus car on pensait qu'elle allait être acquittée de tous les chefs d'accusation", a réagi, immédiatement après le verdict, l'avocat britannique de Mme Ingabire, Iain Edwards.
"On va faire appel, d'abord à la Cour suprême (du Rwanda) et ensuite, si on ne réussit pas, on ira devant la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples" à Arusha, en Tanzanie, a-t-il affirmé à l'AFP.
Mme Ingabire, qui nie l'ensemble des accusations, était absente à la lecture du verdict. Elle boycotte son procès depuis le 16 avril, pour protester contre une décision du tribunal d'écourter l'audition d'un témoin à décharge accusant les autorités rwandaises d'avoir fabriqué des preuves contre elle.
Fin avril, le Parquet avait demandé à la Cour de déclarer Mme Ingabire coupable de l'ensemble des accusations pour lesquelles elle était jugée et avait requis la prison à perpétuité.
L'accusation avait affirmé disposer de preuves de transferts d'argent effectués par Mme Ingabire au profit des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement de rébellion hutu rwandais basé dans l'est de la République démocratique du Congo, où il multiplie les exactions, et que Kigali qualifie de "terroriste".
Le Parquet a aussi accusé l'opposante d'avoir rencontré à Kinshasa des "commandants de bataillon" des FDLR en vue de créer une force rebelle destinée à attaquer le pays.
Les quatre co-accusés de Mme Ingabire, qui ont tous reconnu être d'anciens membres des FDLR, avaient affirmé au procès qu'elle leur avait remis de l'argent pour mettre sur pied une armée destinée à attaquer le Rwanda.
Jean-Marie Vianney Karuta, déclaré coupable de "conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre" a écopé de deux ans et sept mois de prison.
Tharcisse Nditurende et Noel Habiyaremye, tous deux jugés coupables de "commandement d'un groupe terroriste" ont été condamnés à 3 ans et 6 mois d'emprisonnement et Vital Uwumurenyi à 4 ans et 6 mois de prison, dont un an avec sursis pour "conspiration contre les autorités..." et "complicité de terrorisme".
La Cour a justifié sa relative clémence en indiquant avoir pris en compte le fait qu'ils avaient coopéré au procès, avaient plaidé coupable et n'avaient pas de casier judiciaire.
Le verdict, initialement prévu fin juin, avait été reporté à trois reprises.
Présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), formation d'opposition non reconnue par Kigali, Victoire Ingabire, une Hutu, a été arrêtée et incarcérée en octobre 2010, peu après son retour au Rwanda.
En formation aux Pays-Bas depuis peu lorsqu'éclata le génocide des Tutsi en 1994, Mme Ingabire n'est revenue au Rwanda que début 2010, cherchant en vain cette année-là à se présenter à la présidentielle, face au sortant Paul Kagame.
M. Kagame, chef du Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion tutsi) qui avait mis fin au génocide, avait alors été réélu avec 93% des voix.
Le jour même de son retour au Rwanda, l'opposante, après avoir déposé des fleurs à un mémorial du génocide à Kigali, avait demandé que les auteurs de crimes commis contre les Hutu en 1994 soient également jugés.
Des propos qui, selon Kigali, nient la réalité du génocide. Celui-ci a fait entre avril et juillet 1994, au moins 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement parmi les Tutsi.