SOS:la presse pro-Kagame appelle au meurtre de V. Ingabire

Le point d’orgue dans l’acharnement du régime de Paul Kagame contre Madame Victoire Ingabire : l’appel voilé au meurtre.

Flavien Lizinde
Depuis quelques jours, la presse gouvernementale et/ou pro-FPR, celle-là même qui s’était illustrée dans le lynchage médiatique dont a été victime la présidente du parti d’opposition FDU dès son retour au pays le 16 janvier 2010, ne la nomme plus par son nom mais emploie le sobriquet de « Ivu » qui signifie « cendre » en kinyarwanda.

Quand on se rappelle que le général Kagame dans une allocution prononcée en kinyarwanda à Rebero (Bwisige- Byumba) le 31 avril 2003, il avait menacé tous ceux qui n’épousent pas ses vues de les « moudre » (il avait utilisé le terme « gusya », autrement dit réduire en poussière, en cendre).

 Une « chosification » menée tambours battants

Tout a commencé dès l’arrivée à Kigali le 16 janvier 2010, de celle qui entend secaricature Umuseso n° 393 du 1 au 8/2/2010 présenter à l’élection présidentielle contre Paul Kagame. En tant que personnalité politique opposée au régime en place, elle a donné son appréciation sur la réconciliation derrière laquelle coure l’actuel régime depuis 15 ans en constatant que rien n’était encore fait et en indiquant selon elle le pourquoi de cet échec. De même, elle a émis des critiques sur le système judiciaire en cours notamment les fameux Gacaca dont les jugements inéquitables et scandaleux ont fait le tour du monde. C’est alors qu’une campagne de dénigrement a été entreprise par le régime relayée par la presse à sa solde qui n’a pas hésité à travestir les propos de la présidente des FDU pour manipuler l’opinion et sans jamais lui accorder le moindre droit de réponse. Elle fut présentée comme négationniste, divisionniste, idéologue du génocide autant de notions que le FPR ne peut lui-même définir de façon précise mais qu’il a coulé en force de lois pour faire taire toute voix discordante.

Les coups vont se succéder à une vitesse vertigineuse :
- agression physique dans l’enceinte même du secteur administratif de Kinyinya le 03/02/2010 ;
- calomnies et attaques à caractère personnel vasant les membres de sa famille, pour la casser psychologiquement ;
- isolement professionnel en incarcérant un de ses collaborateurs par le truchement des mêmes gacaca qui ont découvert qu’il avait été condamné pour génocide commis en 1994 alors qu’il n’était pas au Rwanda au moment des faits ;
- menaces directes de Paul Kagame lors d’une conférence de presse tenue à Kigali le 08/02/2010, quand il a indiqué que l’état de grâce était terminé pour l’opposante Ingabire et que la machine judiciaire que lui-même Kagame a laborieusement mise en place et qu’il appelle « une muraille infranchissable » devait commencer à tourner ;
- enfin l’interpellation de Victoire Ingabire par la police le 10/02/2010 pour lui signifier qu’elle était inculpée de révisionnisme, d’idéologie du génocide et de divisionnisme. Elle attend désormais son arrestation, quand le régime estimera que la phase de « chosification » est terminée et qu’elle a atteint son but.

Pourquoi l’appel au meurtre maintenant ?

En lisant l’édition du 12 février 2010 du quotidien pro-Kagame The New Times dans un article où la présidente des FDU, Victoire Ingabire Umuhoza, est qualifiée d’Ivu (cendre, poussière), la même matière dans laquelle Kagame promettait de réduire ses adversaires. Il est à se demander pourquoi le régime dictatorial perd si vite son contrôle jusqu’à appeler publiquement au meurtre d’une femme qui n’a aucune force physique et encore moins militaire, mais qui résiste à l’appareil militaire qui a semé la désolation dans toute la région des Grands-Lacs depuis 1990. Nous ne voyons aucune explication à ces réactions aussi épidermiques qu’irrationnelles d’un régime qui pourtant avait jusqu’ici forcé l’opinion à le prendre comme le plus sûr de lui-même dans la région et celui qui maîtrise le mieux la communication politique. Est-ce le début de la fin ? Wait and see.

En conclusion

Nous pensons que toutes ces pressions psychologiques, judiciaires et maintenant des menaces de mort directes exercées sur Victoire Ingabire ne sont pas de nature à entamer sa détermination à exiger que la démocratie s’installe au Rwanda. Par contre, elles constituent une indication aux observateurs de la scène politique rwandaise pour qu’ils se rendent compte à qui ils ont à faire. Tout démontre donc que le régime du FPR est imperméable à la démocratie, ignore les pratiques politiques en cours dans toute société civilisée et n’est mû que par la hantise de son maintien au pouvoir qu’il a conquis par les armes.

Emmanuel Neretse
12/02/2010