Rwanda : la "viande des pauvres" manque, la malnutrition gagne
28/09/2007 (
Rwanda ) Hilarie Ntawukishira (Syfia Rwanda) Le prix du haricot, principale source de protéines des Rwandais, a doublé depuis trois mois. Dans les campagnes, la malnutrition s'accroît et la situation risque de s'aggraver durant les mois à venir. |
"Je viens d’acheter un seul kilo de haricot à 400
Frws (0,75 $). À la maison, nous sommes huit personnes. Cela ne fait
que deux repas à condition de compléter avec des patates douces que
nous avons dans nos champs. On ne mange plus assez de haricots. C’est
grave, car nous risquons de tomber malades, surtout les enfants",
s’inquiète Marguerite Nyiraneza, rencontrée fin août au marché de
Karambi, district de Huye, dans le sud du Rwanda.
La situation est la même dans tout le pays. Depuis juin dernier, en effet, le prix du haricot a presque doublé passant dans la plupart des régions de 220 à 400 voire 500 Frw, (1 $). Or, au Rwanda, le haricot fournit, en moyenne, un tiers des calories et 65 % des protéines consommées. C'est quasiment la seule source de protéines des ruraux qui n'ont plus les moyens d'acheter "cette viande des pauvres". Le revenu quotidien d'une villageoise dépasse rarement les 300 Frw, moins que le prix d'un kilo de haricots... Quant à la viande et au poisson, ils sont fort rares et fort chers. En milieu rural, on ne mange généralement de la viande qu'une fois par an à l’occasion des fêtes de Noël ou de Nouvel An. La malnutrition qui gagne les campagnes risque de durer et même de s’aggraver au cours des prochains mois. |
Cinq jours pratiquement sans
protéines
Cette hausse des prix est inédite. "Je suis grand vendeur de denrées
alimentaires, y compris le haricot, depuis plus de 5 ans et jamais le
prix n’avait dépassé 250 Frw ici dans la région, explique Félicien
K.,commerçant au marché de Nyamagabe, dans le Sud, en train de
discuter avec ses clients qui lui demandent de baisser un peu son
prix. C’est vraiment un grand problème et ce n’est pas nous qui
faisons monter les prix. Nos clients se lamentent et n’achètent plus
en grande quantité ; juste un ou deux kilos…"
Certains n'en mangent pratiquement plus. "Ça fait plus de 5 jours que nous mangeons seulement des patates douces ou de la pâte de maïs ou alors le manioc avec quelques légumes, eux aussi devenus plus chers. Un pareil repas est vraiment pauvre. Au centre nutritionnel, on nous a enseigné qu’il faut chaque jour consommer un repas avec des protéines", déplore, tristement, Frida Mukazera, une paysanne du secteur Muganza/Nyaruguru, à quelque deux kilomètres de la frontière avec le Burundi. Dans cette région, en cas de pénurie, les gens s’approvisionnent d'habitude chez leurs voisins burundais, mais eux aussi manquent de haricots actuellement. Pour les Rwandais, un repas sans haricots n'en est pas un. C’est comme si on n’avait rien mangé. "Les temps ont changé, estime Jonas Nzirorera (75 ans) du secteur Mukindo dans le Sud. Jadis on avait des stocks de haricots et on en mangeait comme on voulait chaque jour pour avoir de l’énergie. Me donner seulement de la pâte de manioc ou des patates douces c’est me tuer. Je n’ai plus de force, car, après quelque temps, je sens encore la faim." Même situation au nord du pays, une région pourtant bien pourvue en denrées alimentaires, où l'on consomme aujourd’hui surtout des pommes de terre avec du maïs auxquels on ajoute parfois quelques graines de haricots. |
Pas de solution immédiate
Des pluies irrégulières et fortes, selon les techniciens agricoles,
expliquent cette pénurie. En effet, lors des dernières saisons
culturales (septembre-décembre 2006 et mars-juin 2007) les
agriculteurs n'ont pas récolté suffisamment de produits vivriers,
particulièrement de haricots, et n’ont donc pas pu faire de stocks
pour se nourrir. Il leur faudra maintenant attendre la fin de l'année
et les récoltes de la grande saison culturale qui débute. D'ici là, la
malnutrition risque d'empirer.
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