"Cette nouvelle attaque contre l'une des rares
publications encore critiques du pouvoir est d'autant plus préoccupante
que, cette fois, son directeur a été visé physiquement, a déclaré
Reporters sans frontières. Dans ces conditions, comment le gouvernement
peut-il encore s'étonner que nous dénoncions le climat malsain dans lequel
travaillent les journalistes indépendants ? Pour dissiper les soupçons qui
pèsent sur la police, nous l'appelons à éclaircir les circonstances de
cette grave agression et à prendre des mesures pour en punir les auteurs.
Nous le jugerons alors aux résultats obtenus."
Bonaventure Bizumuremyi a été réveillé, le 15 janvier à
3 heures du matin (heure locale), par quatre hommes armés de gourdins et de
couteaux. Ils ont frappé à la porte de son domicile, situé dans un
quartier populaire de Kigali. Une fois entrés, ils ont mis sa maison à sac
et ont proféré des menaces à son encontre, le sommant de cesser de
publier des articles défavorables au Front patriotique rwandais (FPR, au
pouvoir). Après l'intervention de voisins, les quatre hommes ont calmement
quitté le domicile du journaliste."Ce qui nous a étonnés, c'est que
ces hommes ne semblaient pas inquiets lors de notre intervention, a déclaré
un témoin de l'agression. Ils ont quitté l'enclos calmement, sans
courir." La veille de cette violente intrusion chez lui, Bonaventure
Bizumuremyi avait été suivi par un véhicule de police jusqu'à son
domicile. Il a également reçu des menaces par téléphone.
Dans la dernière édition d'"Umuco", Bonaventure
Bizumuremyi avait dénoncé le manque de séparation des pouvoirs au Rwanda
et critiqué le FPR, lui reprochant d'être incapable de diriger le pays.
Son journal est habitué aux démêlés avec le pouvoir. L'une de ses éditions
précédentes, qualifiant de "dictateur" le président Paul Kagame,
avait été saisie par la police à la frontière ougandaise, le 19
septembre 2005, pour "diffamation" et "atteinte à la sûreté
de l'Etat".
L'un de ses journalistes, Jean-Léonard Rugambage,
injustement accusé de génocide, est toujours incarcéré à la prison de
Gitarama, en attente de son procès, depuis septembre 2005. Il avait été
arrêté 10 jours après la publication d'un numéro de "Umuco"
dans lequel il avait dénoncé la corruption de certains juges des gacaca du
district de Ruyumba et l'utilisation des tribunaux populaires pour régler
des comptes personnels. Le 23 novembre, il a été condamné à un an de
prison pour "outrage à la cour" après avoir mis en doute
l'impartialité du président du tribunal chargé de le juger (consulter des
alertes de l'IFEX du 30 novembre, 20 et 14 septembre 2005).
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