RÉFLEXION «A la poubelle, le candidat
James Gasana! Et c’est un parti qui se prétend très soucieux de justice
et de paix qui agit de la sorte?»
DENIS BARRELET, Correspondant parlementaire
Publié le 28 février 2006
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Voici donc que le Parti socialiste de Bussigny renie un de ses candidats
figurant sur la liste pour le Conseil communal. Qu'a-t-il fait de mal,
l'homme? Il fut ministre de l'Agriculture au Rwanda, puis ministre de la Défense.
Pour des âmes de gauche bien nées, apparemment, le passé de la personne
en devient du coup suspect. A la poubelle, le candidat James Gasana!
Et c'est un parti qui se prétend très soucieux de justice et de paix qui
agit de la sorte? Après ses études en Suisse, James Gasana retourna dans
son pays, pour y œuvrer comme ingénieur forestier, impressionnant beaucoup
la Coopération suisse au développement à l'époque. Il devint ensuite
ministre de l'Agriculture, puis ministre de la Défense. A ces postes, il
s'engagea pour la démocratisation du pays et la professionnalisation de
l'armée. Début 1993, il dirigea la délégation gouvernementale aux négociations
d'Arusha, censées mener à une paix négociée. Lorsqu'il sentit que les
faucons du régime ne pouvaient plus être arrêtés et qu'un attentat se préparait
contre lui, il prit la fuite et vint en Suisse. Un an plus tard, le 6 avril
1994, ce sera l'assassinat du président rwandais et le début du génocide.
En 1998, Jean Ziegler, dans une interpellation au Conseil national, accuse
James Gasana d'avoir «préparé minutieusement le génocide» et exige
l'ouverture d'une enquête pénale. Quarante-trois socialistes contresignent
la demande. La réponse du gouvernement démasquera les calomniateurs: «James
Gasana n'a en rien participé à la marche du Rwanda vers le chaos. Il s'est
efforcé de l'éviter.» Et puis: «Le Tribunal de l'ONU non seulement n'a
aucune charge contre James Gasana. Mais il a beaucoup d'estime pour la
personnalité forte et indépendante de l'intéressé.»
Huit ans plus tard, ce sont des socialistes vaudois qui récidivent… Tout
cela est bien triste. Décourageant aussi, parce que c'est un reflet de ce
qui se passe au Rwanda, pays qui est loin de prendre le chemin de la réconciliation
comme a pu le faire l'Afrique du Sud. Et pour cause! Son président Paul
Kagame a les mains qui dégoulinent de sang. Grâce aux témoignages de
dissidents du Front patriotique rwandais (FPR), on sait maintenant qui a
fait abattre l'avion du président Habyarimana et a déclenché le carnage.
Mais cet homme-là est habile. Sa machine de propagande fonctionne
parfaitement. En 1994, il a réussi à neutraliser les pays occidentaux, qui
n'ont rien fait pour empêcher la tuerie. Quand il place ses troupes au
Congo pour «nettoyer» la région, personne ne bouge. Quand Carla del
Ponte, alors encore procureur du Tribunal de l'ONU à Arusha, entend
poursuivre également les criminels dans les rangs du FPR, Paul Kagame réussit
à bloquer l'institution, et la Suissesse est démise de ses fonctions. Au
printemps dernier, lors d'un voyage sur place, le socialiste Erwin Jutzet,
président de la Commission de politique extérieure du Conseil national,
fait de grands sourires au président rwandais et lui promet que l'aide
suisse au Rwanda retrouvera l'ampleur d'autrefois. Heureusement, les
responsables de la Coopération au développement ont conservé un regard
lucide sur l'actuel régime rwandais.
Si les hommes qui ont travaillé pour la paix et la démocratie se font
calomnier, y compris par un Parti socialiste européen lointain, et que les
coups de chapeau vont aux personnages qui relèvent des tribunaux
internationaux, y a-t-il encore un espoir pour le Rwanda, et pour les autres
pays abandonnés aux griffes des despotes?
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ÉLECTIONS 2006 Le Parti socialiste
vaudois fait marche arrière. Il soutient à nouveau James Gasana, ancien
ministre de la Défense du Rwanda et candidat au Conseil communal de
Bussigny-près-Lausanne.
KATARZYNA GORNIK
Publié le 04 mars 2006
James Gasana, candidat au Conseil communal. / JEAN-PAUL GUINNARD |
James Gasana ne va finalement pas payer le prix fort pour son passé
d'ex-ministre de la Défense au Rwanda. Il y a quelques jours (24heures du
23 février), contacté par des tiers accusant le candidat au Conseil
communal d'avoir été impliqué dans le génocide, le Parti socialiste
avait décidé d'appeler les électeurs à biffer son nom sur les listes.
Raisons invoquées par le PS: la difficulté à se déterminer sur le sérieux
de ces allégations et l'impossibilité de joindre le candidat pour
comprendre son silence sur ce «parcours particulier». Pourtant, en 1998,
ces mêmes accusations - émanant de Jean Ziegler - avaient été balayées
par le Conseil fédéral.
Brève prise de contact
Entre-temps, le parti a enfin pu contacter James Gasana, en voyage à l'étranger.
Mais admet n'avoir toujours pas obtenu d'explications sur sa discrétion. «Nous
attendons bien sûr d'en discuter plus longuement avec lui par la suite»,
précise Josiane Aubert, présidente du Parti socialiste vaudois.
La politicienne souligne que cette première discussion n'est qu'une des
raisons du changement d'attitude du parti.
«Nous avons eu le temps de prendre connaissance des documents dont ont fait
mention les personnes qui sont venues nous voir. Nous avons vu qu'il n'y
avait rien de nouveau», relève-t-elle.
Enfin, la socialiste réitère le regret que le PS n'ait pas été averti,
ni par l'intéressé ni par ses amis. «Cela aurait permis d'en discuter au
sein de la section et d'éviter une polémique.»