Rwanda : la prière de midi nourrit les jeûneurs
 

(Syfia Grands Lacs/Rwanda) À Kigali, des Églises du Réveil organisent des séances de prière durant la pause de midi. Elles attirent de plus en plus de gens qui n'ont pas les moyens de manger en ville et traînent désœuvrés. Une façon aussi de recruter de nouveaux adeptes.

Chaque jour à midi, à Kigali, des Églises du Réveil ouvrent leurs portes. À l'église Inkuru Nziza (Bonne Nouvelle), la musique de louange qui retentit attire les fidèles qui entrent petit à petit. Non loin, à 400 m environ, au centre-ville, au dernier étage d'un immeuble commercial, une autre Église Omega Church s'est aussi ouverte pour la prière. À l’entrée, de belles filles chargées du protocole accueillent les fidèles par un karibu (bienvenue) et les accompagnent jusqu’à un siège. Les habitués chantent, dansent et répondent chaque fois au pasteur par des amen ou des alléluias tandis que les nouveaux arrivants semblent étrangers à la cérémonie.
Au fur et à mesure que les conditions de vie deviennent plus difficiles à Kigali, les gens préfèrent "faire paître le buffle" (jeûner) à midi plutôt que manger un repas trop cher pour leur revenu. Le prix d’un plat varie de 1 500 à 3 000 Frw et plus (2,8 à 5 $). Et souvent, en calculant, les travailleurs préfèrent aller prier durant leur pause, faisant fi de leur appartenance à telle ou telle Église. Jean-Claude, agent d’une entreprise privée, dit toucher 100 000 Frw par mois (180 $). Chaque mois, les transports pour aller et rentrer du travail lui coûtent plus de 15 000 Frw (27 $). "Comment puis-je payer tous ces tickets, me nourrir d’un plat aussi cher que celui-là et prétendre payer le loyer de la maison à la fin du mois ? Je me nourris de la prière à midi dans ces églises", témoigne-t-il tout catholique qu’il est.

Se nourrir spirituellement
Les restaurateurs constatent que cette tendance s'accentue et que leurs clients se raréfient. Mais, explique Robert, propriétaire du restaurant du centre-ville, il leur est difficile de baisser leurs prix. "Ici nous payons tout : les travailleurs, la nourriture, taxe… ce qui fait que nous fixons le prix en fonction de toutes les dépenses."
Pour nourrir leurs adeptes d'un repas spirituel, des Églises organisent des thèmes de méditation et de prédication :"Quand on a commencé un thème précis, on a toujours souci de le suivre jusqu’au bout", dit Solange Umurerwa, d'Omega Church. Ceux qui sont désœuvrés durant la pause de midi, sont curieux de ce qui se passe : "Je suis venu quand, me promenant sur la route, j’ai entendu la musique… C’est bon ! Au lieu de circuler chaque midi dans la ville, je viendrai prier ici", dit Augustin Kamuhanda, présent dans cette Église.
Chez les catholiques, comme à la Cathédrale Saint-Michel, pas d'animation, mais une chapelle est toujours ouverte et les fidèles y récitent le chapelet ou font l’adoration. Pour l’abbé Gakwandi de l’Église Sainte-Famille, l’Église est ouverte du matin au soir. "Chaque chrétien vient à l’heure qui lui convient même à midi et prie."

Une stratégie bien conçue
Dans les Églises du Réveil, rien n'est fait par hasard. "Nous avons un programme hebdomadaire et chacun a son rôle pour occuper ces enfants de Dieu qui veulent le prier pendant ces heures", explique une des organisatrices de la prière à Inkuru Nziza. En effet, avec la pause de midi qui dure deux heures, certains employés ne savaient où aller et faisaient le tour de la ville en attendant que le travail reprenne. Les églises leur offrent un lieu où se reposer. On n'oublie pas cependant, comme le dimanche, de demander de l'argent aux fidèles. "Tandis que nous louons le Seigneur dans les chansons, filles, amenez de petits paniers [où on doit mettre de l’argent, Ndlr] pour l’offrande des fidèles à leur Seigneur", dit le pasteur d'Omega Church.
Les Églises naissantes ont trouvé là le moyen de recruter de nouveaux adeptes. "Ils utilisent tous les moyens, y compris les caresser par une prière de midi", pour attirer les fidèles des Églises traditionnelles, estime l'une d'elles, qui constate aussi que ceux qui entrent et sortent à l'heure du déjeuner ne sont pas de vrais adhérents, mais des gens indécis qui y viennent aujourd'hui et ne reviendront pas forcément le lendemain