GOMA, République démocratique du Congo (Reuters) - Le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté mardi à l'unanimité une résolution proposée par la France, qui condamne la prise de Goma dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) par les rebelles du M23, et envisage de nouvelles sanctions contre ses dirigeants.
La résolution demande également au secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, d'ouvrir une enquête "dans les prochains jours" sur d'éventuels soutiens extérieurs au M23, aidé selon Kinshasa et des experts des Nations unies par le Rwanda, et, dans une moindre mesure, l'Ouganda.
Les 15 membres du Conseil "demandent le retrait immédiat du M23 de Goma, l'arrêt de toute nouvelle avancée du M23, et que l'ensemble de ses membres se dispersent et rendent les armes de façon immédiate et permanente".
Le Conseil de sécurité s'est dit prêt à envisager de nouvelles sanctions contre les dirigeants du M23 et tous ceux qui soutiendraient les rebelles et enfreindraient l'embargo sur les armes envoyées vers la RDC.
La résolution ne cite cependant pas le gouvernement rwandais, alors qu'un groupe d'experts de l'Onu a recommandé la semaine dernière de mettre en oeuvre des sanctions contre James Kabarebe, ministre de la Défense du Rwanda.
Sur le terrain, le calme était revenu dans la nuit et les rues étaient désertes à Goma, où les rebelles du M23 sont entrés sans combattre mardi après plusieurs jours d'affrontements avec les forces gouvernementales et les casques bleus de l'Onu.
L'OUGANDA TENTE UNE MÉDIATION
Plusieurs centaines de rebelles fortement armés accompagnant leur chef Sultani Makenga sont entrés dans les rues de cette ville d'un million d'habitants, sous le regard des soldats de la Monusco (Mission de l'Onu pour la stabilisation en RDC) et de groupes d'habitants saluant leur arrivée.
Cette offensive éclair contre le chef-lieu du Nord-Kivu a accru les tensions entre la RDC et le Rwanda voisin, que Kinshasa accuse d'orchestrer l'insurrection dans l'est du pays avec l'objectif de s'emparer des riches ressources de la région, ce que nie Kigali.
L'Ouganda tente de jouer un rôle de médiateur.
Le président rwandais Paul Kagame va s'entretenir avec son homologue congolais Joseph Kabila à Kampala, la capitale ougandaise, où les deux hommes sont arrivés mardi après-midi, a-t-on appris auprès des autorités ougandaises.
Kagame et Kabila doivent d'abord rencontrer séparément le président ougandais Yoweri Museveni, avant d'avoir des discussions en tête à tête, probablement mercredi matin, a-t-on ajouté de même source.
Selon le vice-ministre ougandais des Affaires étrangères Asuma Kiyingi, les rebelles ne participeront pas aux discussions de Kampala.
Joseph Kabila, qui ne s'est guère exprimé publiquement à propos de la rébellion ces dernières semaines, a été réélu l'an dernier au terme d'élections marquées par des irrégularités selon les observateurs internationaux. Des émeutes avaient éclaté à l'annonce de sa victoire.
PARIS MÉCONTENT
Les casques bleus ont renoncé à défendre Goma après le départ des troupes gouvernementales, a expliqué un responsable de l'Onu. "Il n'y a plus d'armée dans la ville, pas une âme (...) Une fois qu'ils sont en ville, que pourrions-nous faire ? Cela aurait pu être très grave pour la population", a-t-il dit.
Le porte-parole du secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon, Eduardo del Buey, a souligné que la Monusco ne pouvait se substituer aux forces de sécurité congolaises. Il a précisé qu'il y avait actuellement environ 1.500 casques bleus à Goma et qu'ils contrôlaient l'aéroport de la ville. "Ils resteront sur place pour protéger la population civile", a-t-il dit.
La Monusco compte environ 6.700 hommes au Nord-Kivu.
A Paris, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a demandé une modification du mandat de la Monusco. "Fixer un mandat qui ne permet pas d'intervenir, vous voyez que c'est absurde", a-t-il dit.
Des dizaines de civils ont pris la route du Rwanda, expliquant avoir reçu de l'armée gouvernementale l'ordre d'évacuer Goma. Plus de 50.000 réfugiés ont abandonné les camps installés autour de la capitale du Nord-Kivu.
Le M23, qui tient son nom des accords de paix du 23 mars 2009 prévoyant l'intégration des rebelles dans l'armée, a pris les armes en avril dernier, accusant Kinshasa de ne pas avoir respecté les termes de ce pacte. Les combats ont repris ces derniers jours après plusieurs semaines de trêve.
Les experts des Nations unies soutiennent l'idée entretenue par Kinshasa d'une ingérence de Kigali, qui est intervenue à plusieurs reprises en République démocratique du Congo au cours des dix-huit dernières années.
L'immense pays d'Afrique centrale a connu plusieurs conflits entre 1994 et 2003 qui ont fait environ cinq millions de morts et de nombreuses régions de l'est de la RDC sont toujours le théâtre de violences.
Avec Elias Biryabarema à Kampala et David Lewis à Dakar, Michelle
Nichols à New York; Agathe Machecourt, Jean-Stéphane Brosse, Guy Kerivel
et Julien Dury pour le service français
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Frédéric Couteau – rfi.fr, le 22 novembre 2012
Les rebelles du M23 ne comptent apparemment pas s'arrêter au chef-lieu
du Nord-Kivu. Ils ont pris hier le village de Saké, à une trentaine de
kilomètres de Goma. Et d'après L'Observateur à Kinshasa, ils «
envisagent de se lancer à l'assaut de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, où,
selon certaines sources, le sentiment anti M23 est loin d'être visible.
Le M23 ambitionnerait de prendre, in fine, Kinshasa, en passant par
Kisangani. Entre temps, poursuit L'Observateur, on parle de la défection
de 2 100 militaires des FARDC et 700 policiers qui ont rejoint les rangs
du M23 lors d'un rassemblement organisé hier matin par les nouveaux
maîtres de Goma au stade de cette ville. »
Kinshasa piégé ?
Pendant ce temps hier, le même président Kabila rencontrait à Kampala,
les présidents ougandais et rwandais, ceux-là même qui sont accusés de
tirer les ficelles de la rébellion. Dans un communiqué commun, les trois
hommes ont affirmé qu'il fallait que le M23 quitte Goma. De la poudre
aux yeux pour la presse congolaise… Le Potentiel estime que Kinshasa est
tombé « dans le piège de Kigali. (…) Que les pyromanes soient chargés
d'éteindre le feu qu'ils ont allumé, cela sent le piège à mille lieues,
s'exclame le quotidien kinois. Et Kinshasa y est tombé, en misant sur
une simple déclaration de bonne foi de Kigali et de Kampala. » Le
Potentiel qui parle de « mascarade » et de « compromission ». Et qui
relève « qu'au moment où les trois présidents bouclaient leur réunion,
le M23 prenait déjà possession de la localité de Sake et annonçait sa
progression vers Bukavu, chef-lieu de la province voisine du Sud-Kivu. »
Alors que faire ? Négocier ? La Référence Plus, autre journal congolais,
n'y croit pas… « Négocier avec le M23 serait une prime à la guerre »,
affirme-t-il. « Au rythme où se créent les groupes armés à l'est du
pays, on est parti pour des négociations sans fin en RDC avec remise en
cause permanente de celles déjà conclues. On aura établi de façon
pérenne la prime à la guerre pour tous les seigneurs de guerre et autres
illuminés, incapables de s'imposer démocratiquement et qui recourent aux
armes pour avoir droit au gâteau. »
Impasse…
Alors, ce sursaut national est-il possible ? L'armée congolaise
peut-elle contre-attaquer ? Pas évident… Pour L'Observateur, le
quotidien burkinabè, cette fois, « la RDC n'a d'autre choix que d'ouvrir
des pourparlers avec les contestataires armés. Hélas, pour ce
pays-continent, contraint de négocier en position de faiblesse. Autant
dire que Kabila y laissera des plumes… (…) Il faut d'ailleurs espérer
pour lui que l'histoire ne se répètera pas, car, ne l'oublions pas,
rappelle L'Observateur, c'est des confins du Kivu que son défunt père,
Laurent Désiré Kabila, soutenu par… le Rwanda, avait assiégé Kinshasa
pour en chasser le maréchal Mobutu. »
On est donc dans l'impasse, d'autant que sur le plan diplomatique, on
assiste à un affrontement entre français et américains qui « divergent
sur les moyens de ramener le calme dans le Nord-Kivu. » C'est ce que
relève Libération à Paris. En effet, précise-t-il, « les experts de
l'ONU, soutenus par la France, demandent des sanctions ciblées contre
les responsables rwandais impliqués dans les événements au Kivu. » Mais,
pour l'instant, « ils n'ont pas obtenu gain de cause. » Et de leur côté,
les américains se placent résolument aux côtés de Kigali. « Depuis les
années 90, rappelle Libération, les Etats-Unis ont noué une alliance
stratégique avec le Rwanda et l'Ouganda dans l'Afrique des Grands Lacs.
(…) Le régime de Kigali bénéficie aussi d'un soutien primordial à
Washington, relève encore le quotidien français : celui de Susan Rice,
ambassadrice américaine à l'ONU, dont le nom circule pour succéder à
Hillary Clinton à la tête du département d'Etat. »
http://www.rfi.fr/emission/20121122-une-quelle-ville-apres-goma