Monsieur le Secrétaire Général,
C'est en ayant conscience de la gravité exceptionnelle du génocide perpétré au Rwanda que j'ai créé en 1998 à l'Assemblée nationale française une mission parlementaire d'information sur les enchaînements qui y avaient conduit, sur les faits eux-mêmes et sur les moyens d'empêcher le renouvellement d'une telle tragédie. Cette mission a entendu pendant neuf mois les principaux décideurs français impliqués dans la crise rwandaise et consulté une masse considérable de pièces, dont 7000 couvertes par le secret de la défense nationale. Elle a rendu son rapport le 15 décembre 1998.
D'autres enquêtes ont également cherché à comprendre ce qui avait rendu possible le génocide du Rwanda. On peut mentionner à cet égard le rapport du 6 décembre 1997 de la commission d'enquête du Sénat de Belgique sur les politiques menées par les autorités belges et internationales, le rapport du 16 décembre 1999 de la commission d'enquête indépendante instituée par votre prédécesseur, M. Kofi Annan, sur le rôle de l'Organisation des Nations Unies et le rapport du 15 novembre 2007 de la commission nationale indépendante rwandaise sur les « éléments de preuve » de « l'implication de l'État français dans la préparation et l'exécution du génocide ».
L'horreur du génocide n'a pas fait oublier les violations massives des droits de l'homme qui l'ont suivi, notamment dans les régions orientales de la République démocratique du Congo. Le rapport de mai 2000 de l'Organisation de l'Unité africaine sur les évènements rwandais et leurs conséquences dans la région des Grands Lacs en témoigne.
Aux enquêtes des institutions nationales et internationales se sont ajoutés des travaux conduits souvent avec beaucoup de rigueur par des organisations non gouvernementales et des chercheurs. La masse d'informations disponibles sur le génocide du Rwanda, ses causes et ses conséquences est donc considérable, à la mesure de l'émotion qu'il a suscitée dans l'opinion publique mondiale.
Mais le foisonnement de ces enquêtes a une conséquence à mon sens très préoccupante. La multiplicité des travaux publiés risque de donner une image éclatée, peu cohérente des évènements et ce d'autant plus que leurs conclusions sont souvent dissemblables, voire contradictoires.
Des faits mis au jour dans le cadre des procédures judiciaires consécutives au génocide sont en outre susceptibles de remettre en cause certaines conclusions des enquêtes menées jusqu'à présent. Je pense en particulier aux faits établis au cours des enquêtes et audiences du Tribunal pénal international pour le Rwanda ainsi qu'aux éléments nouveaux dégagés dans le cadre de deux instructions nationales, conduites l'une par le juge français Jean‑Louis Bruguière et l'autre par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles. La première de ces instructions a porté sur l'attentat qui a coûté la vie au Président de la République rwandaise Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, la seconde sur des assassinats perpétrés au Rwanda entre 1990 et 2000.
Il me paraît essentiel d'éviter que cette accumulation de faits et cette multiplication d'interprétations contradictoires ne créent la confusion, n'entretiennent des polémiques partisanes et n'amènent en fin de compte l'opinion publique internationale à se désintéresser des immenses tragédies vécues par les peuples du Rwanda et de la République démocratique du Congo.
Nous ne pouvons pas laisser s'installer le scepticisme ou l'indifférence à l'égard de crimes contre l'humanité qui figurent parmi les plus graves de l'histoire contemporaine. Les efforts de votre organisation pour entretenir la vigilance des gouvernements et des peuples à l'égard des violations massives des droits de l'homme s'en trouveraient affaiblis. Les propagandes de haine qui déchirent l'Afrique des Grands Lacs en seraient favorisées.
Je vous propose donc de soumettre l'ensemble des travaux conduits jusqu'à présent sur les causes, le déroulement et les conséquences du génocide du Rwanda à l'examen d'une commission constituée de personnalités indépendantes à l'expertise reconnue. Cette commission serait chargée de procéder à l'évaluation de toutes les enquêtes conduites sur l'ensemble de ces évènements, en tenant compte de tous les faits mis à jour dans le cadre des procédures judiciaires auxquelles ils ont donné lieu.
Ainsi pourrait être établie, à l'intention des gouvernements et des opinions, une analyse impartiale et incontestable, qui apporterait, à mon sens, une contribution essentielle aux efforts de réconciliation et de reconstruction dans la région des Grands Lacs. Elle éclairerait utilement les travaux des Nations Unies relatifs à la responsabilité internationale de protéger.
Je vous prie de croire, Monsieur le Secrétaire Général, à l'expression de ma haute considération.
Paul Quilès
C'est en ayant conscience de la gravité exceptionnelle du génocide perpétré au Rwanda que j'ai créé en 1998 à l'Assemblée nationale française une mission parlementaire d'information sur les enchaînements qui y avaient conduit, sur les faits eux-mêmes et sur les moyens d'empêcher le renouvellement d'une telle tragédie. Cette mission a entendu pendant neuf mois les principaux décideurs français impliqués dans la crise rwandaise et consulté une masse considérable de pièces, dont 7000 couvertes par le secret de la défense nationale. Elle a rendu son rapport le 15 décembre 1998.
D'autres enquêtes ont également cherché à comprendre ce qui avait rendu possible le génocide du Rwanda. On peut mentionner à cet égard le rapport du 6 décembre 1997 de la commission d'enquête du Sénat de Belgique sur les politiques menées par les autorités belges et internationales, le rapport du 16 décembre 1999 de la commission d'enquête indépendante instituée par votre prédécesseur, M. Kofi Annan, sur le rôle de l'Organisation des Nations Unies et le rapport du 15 novembre 2007 de la commission nationale indépendante rwandaise sur les « éléments de preuve » de « l'implication de l'État français dans la préparation et l'exécution du génocide ».
L'horreur du génocide n'a pas fait oublier les violations massives des droits de l'homme qui l'ont suivi, notamment dans les régions orientales de la République démocratique du Congo. Le rapport de mai 2000 de l'Organisation de l'Unité africaine sur les évènements rwandais et leurs conséquences dans la région des Grands Lacs en témoigne.
Aux enquêtes des institutions nationales et internationales se sont ajoutés des travaux conduits souvent avec beaucoup de rigueur par des organisations non gouvernementales et des chercheurs. La masse d'informations disponibles sur le génocide du Rwanda, ses causes et ses conséquences est donc considérable, à la mesure de l'émotion qu'il a suscitée dans l'opinion publique mondiale.
Mais le foisonnement de ces enquêtes a une conséquence à mon sens très préoccupante. La multiplicité des travaux publiés risque de donner une image éclatée, peu cohérente des évènements et ce d'autant plus que leurs conclusions sont souvent dissemblables, voire contradictoires.
Des faits mis au jour dans le cadre des procédures judiciaires consécutives au génocide sont en outre susceptibles de remettre en cause certaines conclusions des enquêtes menées jusqu'à présent. Je pense en particulier aux faits établis au cours des enquêtes et audiences du Tribunal pénal international pour le Rwanda ainsi qu'aux éléments nouveaux dégagés dans le cadre de deux instructions nationales, conduites l'une par le juge français Jean‑Louis Bruguière et l'autre par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles. La première de ces instructions a porté sur l'attentat qui a coûté la vie au Président de la République rwandaise Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, la seconde sur des assassinats perpétrés au Rwanda entre 1990 et 2000.
Il me paraît essentiel d'éviter que cette accumulation de faits et cette multiplication d'interprétations contradictoires ne créent la confusion, n'entretiennent des polémiques partisanes et n'amènent en fin de compte l'opinion publique internationale à se désintéresser des immenses tragédies vécues par les peuples du Rwanda et de la République démocratique du Congo.
Nous ne pouvons pas laisser s'installer le scepticisme ou l'indifférence à l'égard de crimes contre l'humanité qui figurent parmi les plus graves de l'histoire contemporaine. Les efforts de votre organisation pour entretenir la vigilance des gouvernements et des peuples à l'égard des violations massives des droits de l'homme s'en trouveraient affaiblis. Les propagandes de haine qui déchirent l'Afrique des Grands Lacs en seraient favorisées.
Je vous propose donc de soumettre l'ensemble des travaux conduits jusqu'à présent sur les causes, le déroulement et les conséquences du génocide du Rwanda à l'examen d'une commission constituée de personnalités indépendantes à l'expertise reconnue. Cette commission serait chargée de procéder à l'évaluation de toutes les enquêtes conduites sur l'ensemble de ces évènements, en tenant compte de tous les faits mis à jour dans le cadre des procédures judiciaires auxquelles ils ont donné lieu.
Ainsi pourrait être établie, à l'intention des gouvernements et des opinions, une analyse impartiale et incontestable, qui apporterait, à mon sens, une contribution essentielle aux efforts de réconciliation et de reconstruction dans la région des Grands Lacs. Elle éclairerait utilement les travaux des Nations Unies relatifs à la responsabilité internationale de protéger.
Je vous prie de croire, Monsieur le Secrétaire Général, à l'expression de ma haute considération.
Paul Quilès