Mémorial de Gisozi, un lieu d'interrogation, de suspicion et d'inquiétudes pour les Rwandais
Kigali, le 14 /12/2009
Vitrine de l’horreur qui a été commise au Rwanda, déclenchée par l’assassinat du Président Rwandais et Burundais et leurs délégations ; Gisozi lieu de mémoire, devient de plus en plus un lieu d’interrogations, de suspicions et d’inquiétudes pour les rwandais survivants hutu et tutsi.
Certains y voient une plaisanterie de mauvais goût, voire un cynisme poussé à son paroxysme, lorsque le régime FPR décide et impose, malgré l’identité des cadavres qui y reposent, qu’il s’agit d’un haut-lieu pour le génocide des tutsis. Une affirmation exclusive !
Des tutsis interrogés à ce sujet, qui ont préféré garder l’anonymat, sont très gênés et affirment qu’il s’agit d’un jeu politique qui finira avec le temps. Les plus téméraires avouent que Gisozi est une douloureuse épine dans le pied de la réconciliation nationale, qui tarde à venir.
Que ce Mémorial de Gisozi soit utilisé pour usage politique à consommation externe, j’en conviens, nous dit Kalisa, enseignant, tutsi rescapé qui vit dans la capitale. Il est inconcevable, poursuit-il, que l’on dise à mon voisin hutu, Kabango qui m’a protégé, dont les siens ont été assassinés et leurs corps reposent dans ce Mémorial, que ce monument est réservé aux tutsis ? C’est une injustice qui nous coûtera cher. Entre nous c’est un mensonge, conclu-t-il.
Rappelons que ce monument a bénéficié d’un élan de solidarité internationale pour être édifié: Le gouvernement belge, l’Agence canadienne pour le développement internationale et la fondation Clinton.
Les initiateurs de ce projet lui ont assigné deux principaux objectifs en plus de sa vocation de lieu de recueillement en mémoire des victimes du génocide, il s’agit d’inhumer dignement les victimes du génocide et d’immortaliser le triste souvenir de la tragédie de 1994.
D’où
proviennent les corps des victimes de ce mémorial ?
D’après les
informations recueillies auprès des rescapés et voisins de ce mémorial, les
corps qui y reposent sont ceux des victimes tutsis et hutus tués entre avril
et juillet 1994 par les interhamwe dans la capitale de Kigali, et des hutus
assassinés par le FPR après la prise du pouvoir.
Etant donné que ces corps ne suffisaient pas pour remplir les espaces prévus à cet effet, le FPR a fait transporter en camions des corps en provenance de l’ancienne préfecture de Byumba.
Un ancien conseiller Monsieur B. et un bourgmestre Monsieur H. tous deux de cette préfecture du nord, qui ont participé à l’organisation de ce « déménagement des corps » ont confirmé ces dires. « La population de Byumba a été tuée par le FPR qui a jeté les corps dans des fosses creusées à la hâte, pour que les organisations des droits de l’homme ne voient rien, certains de ces corps ont été transportés à Gisozi , personne n’a le droit de le dire» Précisent-ils.
Compte tenu de la qualité criminelle des auteurs des massacres( les interhamwes* et le FPR**), il n’y a point de doute sur l’appartenance ethnique des victimes. Les statistiques prouvent (voir ci-après) qu’il y a plus de cadavres hutu que tutsi, car ces massacres ont concerné doublement les hutus.
En effet, pendant la guerre les hutus ont été tués par les leurs et ensuite massacrés par le FPR dans le cadre de son plan de modifier le paysage démographique du Rwanda.
Revenons-en aux
chiffres.
Il faut qu’on en
parle, même si c’est dur à accepter surtout qu’il s’agit des victimes de la
barbarie humaine !
Les statistiques officielles et le Rapport de l’USAID en 1990 estimaient la population de Kigali à 350 000. Si nous rapportons le pourcentage des tutsi de la capitale à 20% (surestimation) , leur nombre était à l’époque de 70 000 dont peut-être 50 000 ont été assassinés par les interhamwe !
Pour atteindre le chiffre de 250000 corps qui reposent au Mémorial de Gisozi, il a fallu trouver d’autres corps ailleurs. C’est-à-dire tous les cadavres hutu et tutsi confondus.
Dans ce pays, il semble qu’il n’est pas facile de déterminer l’ethnie de chacun, sauf si on connaît sa généalogie.
On s’imagine les difficultés qu’aurait eu le FPR s’il s’était mis à trier parmi les cadavres les corps des tutsis !
En soulevant cette falsification du « symbole », notre souci est d’éveiller les consciences des victimes, des dirigeants politiques rwandais, l’opposition et surtout l’opinion internationale. Nous voulons secouer tous les esprits qui aspirent à la réconciliation nationale rwandaise.
En rédigeant cette note, nous avons été avertis que les extrémistes tutsis vont s’indigner en vociférant toutes les injures, en agitant le chiffon rouge du négationnisme, que les extrémistes hutus vont s’exclamer, s’extasier et se conforter dans leurs mauvaises certitudes de négation de tout.
Nous n’avons nullement l’intention ni de blesser les uns ni de plaire aux autres. Tous ne le méritent pas, ce sont des salauds aux cœurs rongés par la haine de l’autre !
Nous voulons tout simplement les confronter aux faits et aux chiffres. Qu’ils aient le courage d’accepter la vérité souvent noyée par des propagandes idéologiques qui ne font que nuire.
Le Mémorial de Gisozi est à tous les Rwandais hutus et tutsis, victimes de leurs frères génocidaires. S’il s’agissait de faire la comptabilité macabre, les hutus pourraient donc revendiquer le « droit de propriété » de ce Mémorial plus que les tutsi, ils y sont plus nombreux.
Ce serait aussi ridicule et pitoyable que ce qui se passe aujourd’hui !
Pour être politiquement correct , appelons Gisozi « Mémorial du génocide », tout simplement.
Les rwandais n’ont pas besoin de ces acrobaties politiques qui les blessent et qui empêchent les plaies de se cicatriser !
C’est qui est
vrai Gisozi est le Mémorial du double génocide.
Cette réalité
acceptée ne changera rien à la gravité du génocide des tutsi, plutôt elle
rassurera les hutus. Ces deux ethnies sont condamnés à vivre ensemble et pour
toujours. Le FPR est de passage, il disparaîtra comme d’autres partis avant lui.
C’est son droit de ne pas apprécier cette nouvelle donne, qui devra s’imposer
bientôt !
Tel que dit par Monsieur Kabango avant notre départ ; « Aujourd’hui je ne peux pas pleurer les miens, mais personne ne m’empêchera de reconnaître qu’ils sont là ! Je souffre en silence. J’attends le jour de lumière ».
Nous souhaitons un jour de lumière à tous les rwandais.
Par Charlotte Van der Vaart et Patrice Aumasson*
PAIX ET
FRATERNITE