GLH 525: Il y a
quinze ans le Rwanda était un pays ravagé, tout était à reconstruire. Le
génocide anti-Tutsi avait particulièrement visé les intellectuels que
d’ailleurs le Rwanda avait en nombre insuffisant. Pour un pays qui voulait se
(re)construire le Rwanda n’a pas manqué de recourir à l’aide et à l’expertise
des pays étrangers. Une question s’imposait alors : comment faire revivre les
différents secteurs de l’activité nationale avec une pénurie criarde
d’intellectuels. Du personnel qualifié donc.
L’aide étrangère a été massive et multiforme.
Une des formes qu’a pris cette aide consiste à fournir au Rwanda une main d’oeuvre
qualifiée. Mais cette main d’oeuvre étrangère et qualifiée n’est pas
toujours venue en étant envoyée par les pays qui aident le Rwanda. Des fois
le Rwanda, lui-même, a eu à prendre ses propres initiatives et appeler des
étrangers ayant un savoir faire dont le pays a (ou avait) besoin. Les
exemples ne manquent pas. A son début l’Office Rwandais des Recettes -plus
connu sous son appellation anglaise de Rwanda Revenu Autority (RRA)- a
bénéficié de l’expérience d’un ghanéen à sa direction avant d’être dirigé
par des rwandais. Actuellement Rwanda Development Board (RDB) est dirigé par
Joseph Ritchie de nationalité américaine. Et tout semble aller pour le mieux
dans le meilleur des monde.
Si des exemples sont nombreux où l’expertise
des non-nationaux furent un succès, des échecs ne manquent pas. Les Rwandais
se souviennent certainement de la société NETCARE de l’Afrique du sud à qui,
à la fin des années 90, le gouvernement rwandais confia la gestion de cet
hôpital. Le résultat ? Une gestion calamiteuse et le retrait de NETCARE.
Pourquoi les docteurs grognent ?
Il y a un an l’hôpital Roi Fayçal accueillait
une trentaine d’infirmières kenyanes. D’elles l’hôpital attendait leur
expertise et surtout l’encadrement des infirmières rwandaises. Quoi de plus
normal sachant que ces kenyanes viennent des grands hôpitaux de renom
international. Leur compétence n’est pas mise en doute : « Face à
l’équipement médical moderne elles sont plus à l’aise que les infirmières
rwandaises », affirme un docteur généraliste qui travaille régulièrement
avec elles. Si le docteur ne met pas en doute la compétence des infirmières
kenyanes il ne comprend pas par contre pourquoi elles (les kenyanes) ont un
salaire deux fois plus important que le sien, lui le docteur.
Ces docteurs généralistes de l’hôpital Roi
Fayçal affirment que leur salaire net est de 520 mille francs rwandais/mois
alors que celui des infirmières kenyanes s’élève à plus d’un million, d’où
leur mécontentement. « Mes collègues docteurs sont allé jusqu’à regarder sur
leur fiche de paie, moi je ne l’ai pas fait car je trouve ça bas, mais je
partage leur frustration », peste un autre docteur, ayant requis l’anonymat.
Ce docteur continue en affirmant que si l’on
tient compte sa charge horaire et celle des infirmières kenyanes l’écart
salaire/heure s’accroît sensiblement. La charge horaire hebdomadaire de 30
heures des infirmières kenyanes est scrupuleusement respectée alors que ce
docteur affirme qu’il lui arrive régulièrement de travailler plus de 60
heures (et même plus) par semaines.
Problème de communication
L’hôpital Roi Fayçal est un hôpital moderne
qui a été fondé par le gouvernement rwandais avec l’aide du roi Fayçal
d’Arabie Saoudite, dans le but de limiter au strict minimum le transfert de
patients disposant de moyens ou couverts par des assurances maladies vers
les hôpitaux européens, des pays limitrophes, kenyans ou sud-africains.
Actuellement il y a lieu de dire que cet hôpital est loin d’atteindre cet
objectif. Les différentes tentatives pour y parvenir échouent. Les rwandais
ne sont prêts d’oublier le cas NETCARE.
L’actuelle tentative avec les infirmières
kenyanes ,aussi compétentes soient-elles, risque de ne rien apporter alors
qu’elles auront englouti une somme importante d’argent à la fin de leur
contrat de 3 ans. « Il y a un problème de communication entre elles et les
infirmières rwandaises qui, en majorité, parlent français alors que les
kenyanes parlent anglais et l’on sent qu’il y a une défiance des rwandaises
qui s’estiment moins favorisées avec un salaire de 240 mille (frw, ndlr) »,
dit un docteur ayant toujours requis l’anonymat.
Pour ce docteur, il ne faut pas chercher des
solutions aux problèmes en adoptant des mauvaises approches. « Pourquoi ne
pas engager des consultants à temps partiel au lieu d’amener tous ces gens
là qui suscitent la jalousie du personnel local ? », avance le docteur. Et
de poursuivre : « Cette expérience risque de ne pas porter des fruits tant
qu’il y aura manque de communication, les infirmières rwandaises
n’apprendront rien d’elles (kenyanes, ndlr) ».
Manque de patience
Le cas de l’hôpital Roi Fayçal est
représentatif de tant d’autres cas où l’arrivée des étrangers est à
l’origine des remous essentiellement causés par leur salaire élevé que celui
de leurs chefs directs. A son arrivée à l’Université Nationale du Rwanda
(UNR) l’actuel recteur le Professeur Silas Lwakabamba s’est entouré d’une
équipe d’étrangers grassement rémunérés. La décision a choqué le personnel
rwandais de l’UNR. « Que font les medias qui ne révèlent pas ces pratiques
qui nous rabaissent comme si nous rwandais serions des incompétents ? », se
demande un employé de l’UNR.
Un des docteurs de l’hôpital Roi Fayçal fait
son analyse sur cet état de chose : « Les dirigeants de certains de nos
institutions ne sont pas du tout patients, ils veulent un résultat positif
rapide et pensent que seuls les étrangers peuvent l’apporter. Ils devraient
(ces dirigeants) miser sur le long terme et pensent à la formation de leur
personnel local ». Ce docteur va jusqu’à accuser ces dirigeants de ne
chercher qu’à se faire remarquer le temps qu’ils règnent sans penser à
l’avenir à long terme des institutions dont ils ont la gestion en charge. «
A quoi bon apporter un changement avec des étrangers qui repartiront
quelques temps après en nous laissant avec nos anciennes habitudes et ce, en
supposant que changement il y a ». Le docteur fait clairement allusion aux
infirmières kenyanes qui risquent de repartir sans apporter un changement
tangible à la fin de leur contrat.
Le président de la république qui a fait une
visite surprise à l’hôpital Roi Fayçal au mois de mars aurait déploré son
fonctionnement et dit au docteur Nyaruhirira Innocent, alors directeur de
cet hôpital, que lui Kagame (président de la république) transformera cet
hôpital en hôtel si rien ne change. Signe que ce bataillon d’étrangers à cet
hôpital ne résout pas rien. Last Updated ( Saturday, 08 August 2009 )
Source ARI/RNA