Que cachent
les manœuvres du Rwanda en voulant devenir un acteur incontournable au Mali
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Depuis que
le Rwanda est devenu anglophone et que l’anglais a été adopté comme langue
d’enseignement au détriment du français, le seul petit lien qui pouvait unir
le Rwanda au Mali, à savoir la francophonie, a été ainsi rompu.
Depuis
2012, le Mali traverse une crise politique et militaire qui a motivé
l’intervention de certains Etats africains à envoyer des troupes dans ce
pays pour l’aider à recouvrer sa souveraineté. Sous la houlette de la
France, les troupes envoyées par ces pays de l’Afrique de l’Ouest ont entamé
la reconquête des zones du nord du Mali qui avaient été conquises par des
Islamistes.
En juin
2013, l’intégrité du territoire du Mali était rétablie et la force
multinationale qui a mené les opérations devait se muer en une force de
l’ONU (MINUSMA) qui doit assurer la stabilisation du Mali. Le
Secrétaire général des Nations Unies devait alors nommer un nouveau
commandant de cette force qui devait prendre le relais de celui qui
commandait celle de la CEDEAO (MISMA). Et patatras ! L’ONU nomme, à la
surprise générale, un illustre inconnu général rwandais sorti tout droit du
chapeau de Ba-Ki-Moon, du nom de Jean Bosco Kazura, et dont le pays n’avait
aucun soldat engagé au Mali. Pourtant, le Tchad et le Nigéria, qui ont les
plus grands contingents au Mali et qui ont pris part aux combats de façon
valeureuse, avaient postulé au commandement de cette MINUSMA. Comme si cela
ne suffisait pas dans la marginalisation et l’humiliation des unités
combattantes des pays ouest-africains engagés, le Rwanda vient de déclarer
qu’il n’enverra pas de troupes combattantes au Mali mais qu’il a obtenu que
la sécurité des installations des Etats-majors et des personnalités à Bamako
la capitale et ses environs, soit assurée par les 150 policiers qu’il va
envoyer.
Le Rwanda
intéressé par la sécurité du Mali ou par les 17 de Koulikoro ?
Cet
engagement du Rwanda pour s’impliquer au Mali tout en évitant le front
militaire peut paraître incompréhensible pour les non initiés. Mais il faut
rappeler que le Mali est un des rares pays qui ont accepté d’accueillir
les condamnés du TPIR qui doivent purger leurs peines. Etant entendu que
Kigali ne reconnaît pas les sentences prononcées par ce tribunal et donc
qu’une personne condamnée ou acquitté par le TPIR qui serait livrée au
Rwanda serait directement rejugée et condamnée plus lourdement ou pour
d’autres chefs d’accusation, le TPIR avait compris qu’il devait trouver des
pays d’accueil où ces prisonniers devaient purger leurs peines. Le Mali en a
accueilli une vingtaine mais certains ont déjà purgé leurs peines et il ne
reste que 17 personnes dans la prison de Koulikoro dans les faubourgs de
Bamako. Parmi ces prisonniers se trouve l’ancien Premier ministre Jean
Kambanda qui fut torturé psychologiquement pour qu’il plaide coupable
et qui, aujourd’hui, crie haut et fort qu’il n’est pas coupable ainsi que le
colonel Bagosora qui est toujours considéré par Kigali et la presse à sa
solde comme « cerveau du génocide » alors que le TPIR l’a acquitté du chef
« d’entente en vue de commettre le génocide ». Si le Rwanda de Paul Kagame
parvient à récupérer ces personnes ou à les « neutraliser », ce serait un
coup de génie.
Des signes
avant-coureurs
Les
observateurs ont été alertés par une protestation du gouvernement de Kigali
adressée au TPIR comme quoi les prisonniers du Mali étaient « trop bien
traités » et que leur lieu de détention était assimilable à un hôtel de
plusieurs étoiles. Comme toujours le tribunal de l’ONU a cru sur parole les
allégations de Kigali et a instruit le Mali de serrer les vices et de rendre
les conditions de vie de ces prisonniers plus dures contrairement aux normes
des Nations Unies. Il y a eu ensuite un très fort lobbying pour que le
régime rwandais garde un œil vigilant, directement ou indirectement sur les
événements du Mali pour enfin aboutir au noyautage total de tout le système
sécuritaire du Mali (Commandement de la MONUSCO, Mission de Police à Bamako
et ses environs). Signalons que la prison de Koulikoro où sont détenus les
prisonniers hutu condamnés par le TPIR est situé dans la même localité qui
abrite le Quartier Général de la force des Nations Unies que commande
désormais le rwandais Kazura et donc qui devra être sous le contrôle
des policiers rwandais.
Complicités
en haut lieu
Il est
clair que Paul Kagame bénéficie des complicités en haut lieu dans le
système des Nations Unies pour que tous ses desiderata soient chaque fois
honorés. Tout récemment, même le Président du nouvel organe qui a pris le
relais du TPIR, « The Mechanism for International Criminals Tribunals » (MICT),
le juge
Theodor Meron, a exprimé,
devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, son inquiétude
quant à la sécurité des 17 prisonniers hutu détenus au Mali. Mais rien n’y a
fait, et c’est la voix de gouvernement de Paul Kagame qui a été entendue.
Par contre,
le Rwanda a demandé
officiellement sa démission et nous pouvons être sûrs qu’il sera
limogé sous peu suite à cette injonction de Paul Kagamé !
En
définitive, nous noterons qu’au delà de la polémique soulevée après la
désignation du général Kazura, dont le CV a été gonflé à dessein pour
écarter les candidats tchadien et nigérian dont pourtant les troupes payent
journellement un lourd tribut sur le terrain, le machiavélique régime du FPR
est encore une fois parvenu à trouver une brèche dans laquelle il va passer
pour se débarrasser des pauvres prisonniers hutu détenus au Mali et parmi
lesquels se trouvent des symboles de ses forfaitures qui selon lui devraient
disparaître sans laisser de traces. Mais hélas ! Malgré les alertes des
familles de ces détenus ainsi que celles des organisations de la Société
civile rwandaise, la raison du plus fort a remporté et désormais les 17
anciens responsables hutu sont aux mains de Paul Kagame grâce à la
complicité de l’ONU. Cet article est destiné à avertir l’opinion que d’ici
quelques années, quand ces prisonniers seront kidnappés et ramenés au Rwanda
ou éliminés à Koulikoro même, que personne ne puisse oser dire qu’il ne
savait pas la menace qui pesait sur eux!
Ghislain Mikeno |