BUJUMBURA, le 12 mai (IRIN) - – Les 571 Rwandais déboutés
du droit d’asile au Burundi ont été remis mercredi aux autorités
rwandaises près de la rivière Kanyuru qui forme une frontière naturelle
entre les deux pays.
Le rapatriement des expulsés a été assuré par le Haut commissariat des
Nations unies pour les réfugiés (HCR). C’est la deuxième reconduite à la
frontière de ressortissants rwandais depuis le 8 mai. Au total, plus de 1 200
personnes ont été rapatriées. Les opérations de rapatriement font suite à
l’annonce faite le 10 avril par le gouvernement burundais qui indiquait
qu’il expulserait tous les Rwandais ne remplissant pas les conditions nécessaires
pour bénéficier du statut de réfugiés.
Au moins 18 000 Rwandais vivent encore dans les camps de Musasa et de Songore
situés dans la province de Ngozi, et de Rwisuri, dans la province de Kirundo,
au nord du Burundi. Les premiers flux de Rwandais ont commencé à arriver
dans provinces nord du Burundi en 2005, pour échapper aux « gacaca », des
tribunaux traditionnels mis en place par les autorités rwandaises pour désengorger
les Cours justice et juger rapidement des milliers de personnes suspectées de
participation au génocide de 1994.
En juin 2005, tous les demandeurs d’asile rwandais ont été contraints par
les deux gouvernements de rentrer chez eux. Mais certains Rwandais ont réussi
à passer la frontière si bien qu’en mars 2006, on en dénombrait près de
19 000.
Le ministre burundais de l’Intérieur, le Général de brigade Evarite
Ndayishimiye, a encadré la reconduite des Rwandais à la frontière et indiqué
que 500 autres Rwandais seront rapatriés mercredi prochain. Selon lui, les
autorités rwandaises devraient se préparer à accueillir au moins 2 000
expulsés chaque semaine, au cours des prochains mois.
Pour son homologue Rwandais, Musa Fazari Halerimana, tous ses concitoyens qui
ont demandé l’asile au Burundi doivent rentrer chez eux. « Fuir le pays
n’est pas une solution », a-t-il déclaré. « Il faut plutôt dénoncer
les criminels pour qu’ils reconnaissent leurs crimes ».
A propos des Rwandais qui ont fui leur pays en raison de la pénurie
alimentaire, M. Halerimana a indiqué qu’ils sont confrontés au même problème
dans la province de Ngozi.
Selon Didace Nzikoruriho, en charge du problème des réfugiés au ministère
burundais de l’Intérieur, le rapatriement des ressortissants rwandais sera
achevé dans trios mois.
En 2005, une commission conjointe regroupant des représentants du Burundi et
du HCR a commencé à étudier les demandes d’asile individuelles déposées
par les immigrants Rwandais afin de déterminer ceux qui pourraient bénéficier
du statut de réfugié. Sur 1 249 demandes, seuls 53 rwandais se sont vus
accorder ce statut. Ils ont été transférés au camp de Giharo situé dans
la province de Rutana, au sud-est du Burundi.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
CENTRE
DE LUTTE CONTRE L’IMPUNITE
ET
L’INJUSTICE AU RWANDA
BP 141 Bruxelles 3
Bruxelles, le 15 mai 2006.
10 30
BRUXELLES - Tél/Fax:32.81/60.11.13
GSM: 0476.701.569
e-mail :cliir2004@yahoo.fr
Objet :
Demande de statut collectif pour
tous
les réfugiés rwandais au Burundi
Son Excellence Monsieur
Pierre NKURUNZIZA
Président de la République du Burundi
BUJUMBURA
Excellence Monsieur le Président,
Le Centre de Lutte contre l’Impunité
et l’Injustice au Rwanda (*) a appris par les médias que les autorités
burundaises concernés par le problème des réfugiés ont expulsé 571
demandeurs d’asile rwandais déboutés ce mercredi 10 mai 2006. D’après
la dépêche de l’Agence de l’ONU, IRIN du 12 mai 2006, les rwandais déboutés
ont été remis aux autorités rwandaises près de la rivière AKANYARU et
le rapatriement des expulsés a été assuré par le HCR (Haut Commissariat
des Nations Unies pour les Réfugiés).
Du
côté burundais, cette remise des malheureux réfugiés a été
supervisée par le Ministre burundais de l’Intérieur, le Général de
brigade Evariste NDAYISHIMIYE qui a indiqué que 500 autres réfugiés
rwandais seront rapatriés mercredi prochain soit le 17 mai 2006. Selon ce
ministre, 2000 réfugiés seront expulsés chaque semaine dans les prochains
mois.
Selon un autre responsable burundais, chargé des réfugiés au
ministère burundais de l’Intérieur, Monsieur Didace NZIKORURIHO, le
rapatriement de tous les réfugiés rwandais sera achevé dans les trois
prochains mois.
Du
côté rwandais, c’est le triomphe de la junte militaire du président
Paul KAGAME impliquée dans les crimes de génocide qui endeuillent les
populations Hutu du Rwanda depuis 12 ans déjà. En effet, le Ministre
rwandais, Monsieur Musa Fazari HARELIMANA, qui n’éprouve aucune pitié
pour ces rwandais reconduits dans les mains de leurs bourreaux, s’est déclaré
satisfait dans ces termes : « Fuir
le pays n’est pas une solution, il faut plutôt dénoncer les criminels
pour qu’ils reconnaissent leurs crimes ». A propos des rwandais
qui auraient fui suite à la pénurie alimentaire, le ministre Harerimana a
indiqué, sans autres précisions » qu’ils sont confrontés au même
problème dans la province de Ngozi. Si les réfugiés rwandais fuient la
famine qui sévit partout dans le pays, le ministre HARERIMANA n’a pas
expliqué le fait que ce sont les Hutu exclusivement qui fuient la famine.
Si les tutsi ne fuient pas c’est qu’ils seraient bien nourris. Dès
lors comment la pluie serait tombée seulement dans les champs des tutsi et
pas dans les champs des malheureux Hutu qui semblent fuir seuls la
famine?
Excellence
Monsieur le Président, vous comprenez vous-même que pour ces réfugiés
rwandais remis dans les mains de leurs bourreaux et persécuteurs « la
présomption d’innocence, pourtant reconnue par la constitution et la
législation rwandaises, n’existe
pas ».
Tout en considérant le rapatriement
forcé des 8.000 réfugiés rwandais en juin 2005, le Centre de Lutte contre
l’Impunité et l’Injustice au Rwanda a attendu les récentes expulsions
des réfugiés rwandais pour vous demander d’accorder un
statut collectif de « réfugiés
politiques » pour tous les demandeurs d’asile et autres exilés
rwandais qui ont réussi atteindre le sol burundais depuis avril 2005 jusque
dans les mois à venir. Il
reste au moins 18 000 Rwandais qui vivent encore dans les camps de Musasa et
de Songore situés dans la province de Ngozi, et de Rwisuri, dans la
province de Kirundo, au nord du Burundi. S’ils sont remis dans
les mains de leurs bourreaux comme ce fut le cas en juin 2005, les
responsables burundais devront un jour répondre collectivement devant la
Cour Pénale Internationale de cette complicité criminelle dans les crimes
organisés et programmés contre les populations Hutu du Rwanda.
Notre demande est motivée par les
massives et graves violations des droits humains commises au Rwanda par les
chefs militaires et politiques du FPR (Front Patriotique Rwandais) qui ont déjà
trempé dans les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes
contre l’humanité depuis 1990 jusqu’à ce jour. Voici quelques exemples
de violations des droits humains constatées au Rwanda :
1.
D’après de
nombreux témoignages des juges GACACA tutsi qui ont fui le Rwanda, les
juridictions GACACA cachent un projet criminel dont se servent les extrémistes
tutsi responsables des crimes de génocide sur les populations Hutu au
Rwanda et sur les réfugiés rwandais et les populations congolaises massacrés
en RDC (République Démocratique du Congo). Nos communiqués n°80, 82, 83,
85 et 89 dénoncent l’utilisation des GACACA dans la liquidation programmée
de l’intelligentsia Hutu et des paysans progressistes Hutu qui sont, eux
aussi, rescapés des crimes de génocide commis par le FPR avant, pendant et
après le génocide de 1994. Les Hutu sont les seuls suspects du génocide
qui sont concernés par les Gacaca et partant victimes d’une justice
discriminatoire et partiale. A la fin des « simulacres »
des procès Gacaca prévus dans les prochains moins, tous les intellectuels
Hutu et paysans progressistes survivants du génocide seront emprisonnés
arbitrairement tandis que les paysans Hutu seront remis en « esclavage
permanent » grâce aux « TIG (Travaux d’Intérêt Général)
baptisés en kinyarwanda « imilimo
nsimburagifungo ». Cette nouvelle formule, inventée par les idéologues
TUTSI pour camoufler leurs crimes organisés au Rwanda et en Afrique
Centrale, est présentée comme une faveur accordée aux 761.000 présumés
génocidaires Hutu qui seront jugés par les GACACA. En réalité, les
Gacaca ont été instaurés non pas pour rendre justice mais pour éliminer
l’intelligentsia Hutu et se venger collectivement sur des paysans Hutu
innocents.
2.
La menace perpétuelle d’accuser et
d’emprisonner arbitrairement les anciens dignitaires,
fonctionnaires et commerçants Hutu grâce aux tribunaux GACACA qui
ont été détournés de leur mission par les agents de la DMI (Directorate
of Military Intelligence). Voir notre
communiqué n°80/2005 du 18 mars 2005.
Dans
un rapport rendu public en février 2006 sur les juridictions GACACA et
portant sur la période de mars à septembre 2005, ASF (Avocats Sans Frontières)
constate que « dans la grande
majorité des juridictions observées, ont été constatées de réelles
difficultés pour les [juges] à cerner le débat et à poser les questions
essentielles pour dénouer les faits, faire émerger la vérité, et
partant, apprécier précisément la responsabilité ou l’absence de
responsabilité individuelle de l’accusé ».
Dans
de nombreuses audiences Gacaca, si la population présente est nombreuse,
elle paraît réticente à s’exprimer. La parole n’y circule pas
toujours librement et aisément Le rapport de l’ASF relève par ailleurs
que certaines juridictions n’hésitent pas à prononcer des condamnations
pour faux témoignages, « sans débats
ni procès », ce qui a pour effet « d’inhiber
la parole de témoins potentiels ».
3.
La junte militaire
du chef d’Etat terroriste Paul KAGAME, sous couvert du parti-Etat qu’est
devenu
le Front Patriotique Rwandais (FPR),
a installé au Rwanda un régime de terreur et de marginalisation de
l’immense majorité des rwandais, hutu comme tutsi qui n’appartiennent
pas au cercle restreint des tenants du régime. Cette terreur se traduit par
des emprisonnements arbitraires, des enlèvements et disparitions, et des
assassinats et l’exil pour ceux qui le peuvent. Les douze années de règne
du FPR ont aussi été parsemées de multiples massacres de populations
civiles, dont les auteurs, quoique parfaitement identifiés, restent
impunis, et sont plutôt promus en signe de remerciement et
d’encouragement. C’est ainsi que sur proposition de l’Etat-Major, les Conseils
des Ministres du 26 JUIN 1998 et du 5 juin 2002 ont promu les officiers
parmi lesquels se trouvent de nombreux chefs militaires impliqués dans le génocide
rwandais et les massacres
des réfugiés rwandais hutu et des populations congolaises apparentés aux
Hutu depuis 1990 jusqu’aujourd’hui. Cette
promotion, jugée « scandaleuse »
par de nombreux rwandais (dont certains membres de l’APR eux-mêmes) vient
consacrer encore l’IMPUNITE des hauts responsables militaires qui sont les
vrais « détenteurs du pouvoir occulte ».
Rappelons également qu’aucun criminel de guerre ou criminel contre
l’humanité, issu des rangs du FPR, n’a été poursuivi par les
juridictions nationales ou internationales.
4.
La
politique d’appauvrissement et de maintien du peuple rwandais dans la misère
s’est concrétisée par la main mise sur tous les secteurs de productions
des biens qui fournissaient du travail au monde rural notamment par la
confiscation des marais et des vallées qui produisaient des vivres pendant
l’été pour permettre aux paysans de faire la soudure entre les deux
principales récoltes de janvier-février et de juin-juillet. La
mise en chômage forcée des fonctionnaires Hutu sous prétexte de réduire
les agents de l’Etat, permet de les affamer et de les faire sombrer dans
la misère et la mort pour toutes leurs familles restreintes et élargies.
Ces chômeurs Hutu sont remplacés par de jeunes cadres Tutsi quelques mois
plus tard et le tour est joué. Pour les commerçants Hutu survivants, les
stratèges du Front Patriotique Rwandais (FPR) s’arrangent pour provoquer
leur faillite par les surtaxes d’impôts et le non remboursement de leurs
créances et des dettes que l’Etat leur doit. D’autres sont régulièrement
assassinés par des « malfaiteurs
non identifiés » et insaisissables.
5.
Les anciens militaires
des ex-Forces Armées Rwandaises ainsi que leurs proches parents ont été
persécutés, tués ou emprisonnés depuis l’arrivée au pouvoir du FPR
jusqu’aujourd’hui. L’épuration
ethnique a d’abord frappé les anciens dignitaires ou haut fonctionnaires hutu
des deux républiques Hutu qui n’ont pas été associés au pouvoir par le
FPR. L’épuration ethnique de la magistrature rwandaise a permis de
recruter de nouveaux magistrats Tutsi soumis au FPR et prêts à assurer la
justice du vainqueur. Ensuite l’épuration
ethnique n’a pas épargné les anciens collaborateurs Hutu du Front
Patriotique Rwandais (FPR).
Nous vous retransmettons encore une
fois notre mémorandum avons adressé au Gouvernement burundais le 8 juin
2005 et intitulé : « Mémorandum
sur le droit d’asile des milliers de réfugiés rwandais au Burundi et sur
l’impossibilité d’une justice équitable au Rwanda ».
Vous ne devez accorder aucune crédibilité sur les déclarations « rassurantes
mais irresponsables » des autorités rwandaises qui prétendent que
ces réfugiés rwandais n’ont aucune raison de fuir ou que ce sont des
criminels qui fuient les juridictions GACACA.
Pour ce qui concerne les critiques sur
les juridictions GACACA qui sont à la base des nouvelles armes de persécutions
contre les populations Hutu du Rwanda, il est intéressant de rappeler les
critiques faites par le Secrétariat d’Etat du Vatican d’après la dépêche
de la Fondation Hirondelle publié à Arusha le 12 mai 2006. En voici le
contenu :
« Arusha,
12 mai 2006 (Fondation Hirondelle) -
Plus de 20.000 personnes innocentes sont détenues au Rwanda depuis
1994 ou 1995 affirme un document qui émane du «secrétariat d’Etat» du
Vatican, le ministère des affaires étrangères de l’église catholique,
et dresse un bilan très critique des gacacas, ces tribunaux semi
traditionnels mis en place au Rwanda pour résorber le contentieux
judiciaire du génocide.
Cette
«note verbale» adressée à
l’ambassade d’Allemagne au Vatican porte le numéro 2155/06/RS et
les différents tampons du secrétariat d'Etat, mais elle
n'est pas signée. Selon ce document, la structure des tribunaux gacacas
«ne sert pas les buts pour lesquels
elle avait été créée» et, dans les procès qui s'y déroulent, «la
présomption d’innocence est niée».
Sur les
11000 tribunauxs gacacas prévus, moins de 1000 sont en cours de
fonctionnement depuis mars dernier. Le démarrage général est attendu pour
les prochaines semaines.Selon le document, les prisonniers libérés dans le
cadre de ces procédures après avoir avoué ou dénoncé leurs complices
sont « en majorité des criminels, les responsables du génocide ».
Par contre,
20% de la population carcérale reste incarcérée car ils « n’avouent
rien et ne dénoncent personne ». « On
assiste fréquemment non à l’émergence de la vérité mais à des dénonciations
mensongères, non à la réconciliation mais à la recrudescence de la haine
et de la méfiance», affirme le texte.
Devant les
gacacas, « les accusés sont en
majorité des hutus ayant fait des études secondaires ou qui ont du bien »
ajoute le texte qui précise que « ce
sont les autorités politiques qui décident à l’avance de qui doit être
jugé et quelle est la sentence à appliquer ».
A ces procès
«tout le déroulement de la séance
semble organisé d’avance» affirme le texte. Les
témoins qui prennent la parole en premier sont des autorités politiques et
des membres de l’association Ibuka (l’association des rescapés du génocide)
fortement sous l’influence du régime actuel » ajoute le Vatican.
Par ailleurs, selon ce texte, des personnes seraient payées
pour produire de faux témoignages lors des procès classiques, lors des
procès gacacas et même devant le tribunal pénal international pour le
Rwanda ». (Fin de la dépêche)
Considérant
tout les arguments que nous venons de vous exposer, nous vous prions de bien
vouloir faire cesser les expulsions des réfugiés rwandais et de reconsidérer
la déclaration de votre compatriote NYANGOMA qui dénonçait les
rapatriements forcés le 16 juin 2005.
Espérant que vous aurez un jour l’occasion de répondre de vos
actes de complicité dans le rapatriement forcé des réfugiés rwandais,
nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président,
l’assurance de notre haute considération.
Pour le
Centre, MATATA Joseph, Coordinateur.
Copie
pour information à :
Monsieur le
Ministre de l’Intérieur,
le Général
Evariste Ndayishimiye et
Monsieur
Didace Nzikoruriho.
CLIIR* :
Le Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda est une
association de défense des droits humains basée en Belgique, créée le 18
août 1995. Ses membres sont des militants des droits humains de longue
date. Certains ont été actifs au sein d’associations rwandaises de défense
des droits humains et ont participé à l’enquête CLADHO/Kanyarwanda sur
le génocide de 1994. Lorsqu’ils ont commencé à enquêter sur les crimes
du régime rwandais actuel, ils ont subi des menaces et ont été contraints
de s’exiler à l’étranger où ils poursuivent leur engagement en faveur
des droits humains.
Centre de Lutte contre l'Impunité
et l'Injustice au Rwanda (CLIIR)
BP. 141 Bruxelles 3
1030 BRUXELLES-Belgique
Tél/Fax: 32.81.60.11.13
GSM: 32.476.70.15.69