Les humanitaires, témoins pour l’histoire

L’objectif des organisations humanitaires de secouristes n’est évidemment pas de produire des sources pour l’histoire des historiens professionnels. Et quand des acteurs humanitaires, malgré la pression de l’urgence, prennent le temps et la peine d’écrire ce qu’ils ont vu, c’est le plus souvent par volonté de témoigner : devant des instances internationales, devant des médias, devant des commissions d’enquête, devant l’opinion publique. Leur but est d’attester la vérité, de combattre l’incertitude, de désigner les auteurs des violences. Ce faisant, ils ne se considèrent pas dans l’immédiat comme des “ sources ” que consulteront les futurs historiens. J’imagine même que ce qu’a d’existentiel leur investissement dans les moments de crises et de violences extrêmes leur rendrait choquante l’idée qu’ils “ travaillent ” pour l’histoire académique. Et pourtant, des années plus tard, lorsque de tels événements s’obstinent à être “ une histoire qui ne passe pas ”, lorsqu’ils suscitent révisions, négations, recherche de vérité, prises de paroles passionnées, ces acteurs humanitaires deviennent, en tant que témoins oculaires, se réclamant indépendants des belligérants, les informateurs des historiens professionnels[1]. Je voudrais montrer, sur un cas précis, comment des “ humanitaires ”, ne pouvant s’opposer à un massacre prévisible mais décidant de rester sur place pour si possible apporter des secours et au moins témoigner de ce qui s’est passé, deviennent des sources capitales pour les historiens : sans leur témoignage ce massacre ne serait plus que l’objet de propagandes mystifiantes, il ne serait qu’un épisode opaque sur lequel on ne peut rien dire de certain.  

Au Rwanda, dans le camp de Kibeho, le 22 avril 1995, des soldats de l’Armée patriotique rwandaise (Apr) encerclent quelques 100 000 personnes, regroupées dans un espace restreint. Utilisant armes automatiques, lance-roquettes et grenades, les militaires tirent longuement à plusieurs reprises sur la foule.

Ce massacre, qui fit sans doute autant de morts que les attentats d’Al-Qaida du 11 septembre 2001, eut sur le coup un grand retentissement dans la presse internationale. Cependant, perpétré moins d’une année après le génocide des Rwandais tutsis abandonnés à leur sort par le Conseil de Sécurité de l’Onu, il ne suscita pas de réaction significative de la communauté internationale. Massacre parmi d’autres, dans cette région qui connut et allait encore connaître de nombreux bains de sang, il s’oublia.

LE CONTEXTE DU MASSACRE

Le 17 juillet 1994, le Front patriotique rwandais (Fpr), après avoir vaincu les forces militaires du gouvernement responsable du génocide, mit en place un gouvernement de transition pour une durée de cinq ans. Le major général Paul Kagame, leader du Fpr, devenait commandant en chef de l’Armée patriotique rwandaise, vice-président de la République et ministre de la Défense. Ainsi prenait fin la guerre civile déclenchée en octobre 1990 lorsque le Fpr, une organisation regroupant en majorité des Rwandais tutsis, exilés ou descendants d’exilés, lança une première attaque du Rwanda. L’État français s’impliqua dès le début de la guerre en envoyant des troupes qui aidèrent les forces gouvernementales à contenir l’avancée du Fpr. Plus tard, en octobre 1993, les Nations unies autorisèrent le déploiement des forces de la Minuar (Mission d’assistance des Nations unies au Rwanda), forces devant contrôler l’application des accords de paix entre le Fpr et le gouvernement rwandais. En dépit de ces interventions extérieures, les péripéties militaires et politiques d’un conflit se déroulant dans un petit pays d’Afrique centrale, pauvre et surpeuplé, n’étaient guère relayées par la presse étrangère[2].  

Ce fut le génocide de la minorité tutsie qui conféra à la guerre civile rwandaise une sinistre célébrité. En juillet 1994, l’intensité de la présence internationale, sous la forme des institutions onusiennes, des organisations non gouvernementales et des médias, faisait contraste, de façon aussi saisissante que choquante, avec la solitude des victimes rwandaises durant les massacres. Le pays était détruit, près d’un Rwandais sur trois, en majorité des Hutus, avait fui l’avancée victorieuse du Fpr pour se retrouver dans des camps de réfugiés au Congo-Zaïre, en Tanzanie, au Burundi. Au Rwanda, suite à l’opération Turquoise[3], le quart sud-ouest du territoire national (préfectures de Gikongoro, Kibuye et Cyangugu) avait été établi comme “ zone humanitaire sûre ” (6 juillet), c’est-à-dire une zone démilitarisée et confiée à la Minuar (28 août). La plus grande partie des fuyards avait franchi les frontières du Rwanda ; cependant des dizaines de milliers d’entre eux étaient restés dans la “ zone humanitaire sûre ” et avaient été regroupés, principalement en préfecture de Gikongoro, dans des camps de déplacés gérés par des Ong.  

Il faut rappeler que le statut de réfugié fut attribué aux centaines de milliers de Rwandais en fuite dans les pays limitrophes (dont plus d’un million au Congo-Zaïre). Une telle décision accordait donc la protection de la communauté internationale aux organisateurs et aux exécutants du génocide qui furent à même de reconstituer leurs forces et lancer des opérations meurtrières contre le Rwanda depuis les camps établis au Congo-Zaïre, non loin de la frontière[4]. Aveuglement des instances internationales ? Nullement puisque, dès novembre 1994, le secrétaire général des Nations unies avait proposé, parmi d’autres options, que soient repérés “ les responsables politiques de l’ancien gouvernement rwandais, les militaires et les miliciens ” et qu’ils soient séparés du reste de la population des camps. A cet effet une opération de police lourde et onéreuse aurait été nécessaire ; elle ne fut pas montée faute d’États volontaires pour l’envoi de troupes[5]. En dépit des discours tenus par les instances internationales et les bailleurs de fonds sur la nécessité d’un rapatriement rapide des réfugiés, les camps s’installèrent dans la durée. Il est vrai que les candidats au retour étaient menacés de mort par les autorités de l’ancien régime qui imposaient leur dictature sur les camps, il est non moins vrai que les représailles meurtrières, exercées par l’Apr sur les populations hutues demeurées au Rwanda, avaient de quoi terrifier les éventuels candidats au retour. L’histoire de cet échec, complexe, révèle un enchevêtrement d’intérêts et de non décisions d’acteurs qui avaient pourtant la capacité politique et pratique d’agir.  

Le gouvernement rwandais dénonça violemment la stabilisation de groupes ennemis, armés et organisés, aux frontières du pays. Sans pouvoir sur des décisions internationales qui avaient entre autres conséquences celle d’abriter, dans la masse des réfugiés, nombre d’organisateurs et d’exécutants du génocide, le Fpr entendait bien exercer un contrôle absolu sur les Rwandais de l’intérieur, c’est-à-dire en fait continuer la politique qu’il avait instaurée, dès mai juin 1994, dans les régions où il avait remporté la victoire. C’était une politique de guerre contre des civils : assassinats ciblés, disparitions, mitraillages de foules, déplacements forcés de populations[6]. Aussi, l’existence de camps de déplacés dans l’ex-zone humanitaire sûre, camps possédant une organisation interne sur laquelle les autorités rwandaises n’avaient pas prise et abritant des membres de l’ancienne administration, ne pouvait être durablement tolérée par le Fpr.

Les signaux précurseurs

Loin de cacher son hostilité aux camps de déplacés, le nouveau régime déclarait explicitement vouloir leur fermeture et le renvoi des déplacés dans leurs communes, quitte à recourir à des méthodes violentes pour faire comprendre qu’il ne s’agissait pas de mots en l’air. Ainsi, les 10 et 11 novembre, selon un communiqué diffusé par la Minuar, des soldats de l’Apr ouvrirent le feu dans le camp de Musange, au nord de Gikongoro, faisant des morts et des blessés[7].

Les rapports de force et d’intimidation entre le gouvernement rwandais, les organisations onusiennes (la Minuar chargée de la sécurité dans la zone et le Hcr) et les déplacés eux-mêmes répartis dans plusieurs camps[8], se durcirent. Après l’avertissement meurtrier donné à Musange, un rapport de Msf constatait qu’un recensement (28 novembre) du camp de Kaduha enregistrait de nombreux départs, une partie de ceux-ci dûment comptabilisés par le Hcr qui emmenait les déplacés par camions, tandis qu’une autre partie, non dénombrée, comprenait des gens se déplaçant à pied[9]. Ces sorties volontaires s’expliquaient par le fait que le camp de Kaduha devait être fermé le premier. Mais les déplacés ne revenaient pas dans leur commune, ils rejoignaient d’autres camps dont la population grossissait. Début décembre, ce même camp de Kaduha, qui avait compté plus de 40 000 personnes, était vide. Toujours selon Msf, l’Apr avait mené la fermeture du camp sans violence physique : “ Tout s’est fait par intimidation verbale : l’ordre d’évacuation a été donné mardi après-midi par un capitaine qui, selon les déplacés, a menacé de brûler le camp si les gens ne partaient pas. ”[10]

Le discours officiel rwandais, dénonçant la protection accordée aux tueurs qui se cachaient dans les camps et fuyaient la justice, exigeait la fermeture définitive des camps avant la fin de l’année 1994. Les Nations unies, craignant une fuite en masse de 100 000 à 150 000 déplacés vers le Burundi, demandèrent une suspension des opérations de fermeture. Le 14 décembre, “ Casques bleus ” de la Minuar et soldats de l’Apr se déployèrent dans le camp de Kibeho pour rechercher des armes et arrêter des suspects. Ils ne purent saisir que des machettes et des armes blanches, procéder à une quarantaine d’arrestations, les extrémistes soupçonnés de terroriser les déplacés ayant pu s’échapper. Cependant le gouvernement déclara, le 18 décembre, qu’à la demande des Nations unies, il renonçait à fermer immédiatement les camps de déplacés[11].  

Cela ne l’empêcha pas de continuer à montrer sa détermination. La nuit du 6 au 7 janvier 1995, des militaires de l’Apr attaquèrent le petit camp de Busanze (3 000 à 4 000 déplacés), faisant des morts et des blessés. Au matin, le camp était pratiquement vide. Un rapport, établi par un médecin de Msf, constatant des plaies par balle (sur les corps des 3 jeunes hommes, 6 enfants et 3 femmes), la Minuar et le Cicr demandèrent des explications au plus haut niveau de l’Apr. Il leur fut répondu qu’une patrouille de l’Apr avait riposté à un jet de grenade et qu’une commission d’enquête militaire serait constituée. Cette version d’une bavure commise individuellement par des soldats ne fut pas crue par les divers observateurs pour qui il s’agissait bel et bien d’une fermeture du camp par force, ordonnée par la hiérarchie militaire[12].  

Le gouvernement rwandais continua de signifier aux représentants des Nations unies son intention d’en finir avec les camps internes. Il était demandé aux organisations onusiennes comme aux Ong de faire campagne auprès des déplacés pour qu’ils retournent dans leurs communes. Mais ces derniers redoutaient les nouvelles autorités et l’armée, omniprésente dans les communes. Peu avant la journée du 7 avril 1995, consacrée aux cérémonies commémoratives du génocide, des observateurs avaient constaté un phénomène de panique dans les milieux hutus, des rumeurs ayant circulé qui annonçaient des vengeances massives. Des paysans, ayant accepté de gagner leurs communes, revenaient dans les camps[13].  

En avril, le camp de Kibeho, grossi par les arrivées de déplacés venus d’autres camps dont avait commencé la fermeture, comptait environ 100 000 personnes. La situation sanitaire était sous le contrôle d’une équipe de Msf, un médecin, deux infirmières, et un logisticien, aidés par un personnel rwandais, le Cicr gérait la distribution des vivres, des soldats de la Minuar étaient présents. En dépit du calme, les déplacés redoutaient une intervention violente de l’Apr, crainte partagée par les observateurs des Nations unies ayant compris que les autorités rwandaises avaient irrévocablement décidé la fermeture de tous les camps restants.

Les témoins oculaires

Le 25 mai 1995, MSF publia un rapport sur les événements du camp de Kibeho[14]. Deux documents émanant de témoins visuels étaient annexés à ce rapport. Le premier, comportant 13 pages, a été rédigé par un logisticien de Msf, Étienne Quetin, le second par un médecin expatrié de Msf, qui a préféré garder l’anonymat. Une infirmière de Msf France, dans l’équipe de Kibeho, Geneviève Legrand, a écrit, fin avril, un témoignage qui commence le 6 avril. Enfin, un photographe de l’agence Magnum, Paul Lowe, présent sur les lieux le 22 avril, a donné son témoignage au journal Libération et laissé des photographies.

LE MASSACRE DU 22 AVRIL 1995  
Le mercredi 12 avril, cinq jours après la commémoration du génocide, l’Apr donne un premier avertissement. Des soldats investissent un petit camp de 5 000 déplacés (Rwamiko), proche de Kibeho, avertissent ses occupants qu’ils doivent déguerpir au plus vite, menacent de tout brûler s’ils voient encore des déplacés sur place le lendemain. Durant cette même semaine, au camp de Kibeho, l’Apr, dont les troupes ont augmenté, patrouille nuit et jour autour de l’hôpital. Le médecin et les infirmières de Msf constatent quotidiennement l’arrivée de personnes gravement blessées. Les responsables de l’Apr signifient au représentant du Cicr de ne plus approvisionner le camp.

Dimanche 16 et lundi 17 avril, fête de Pâques.

Dans la nuit du 17 au 18 avril, les forces de l’Apr (environ 2500 militaires), pénètrent dans les camps de N’dago (40 000 personnes), Munini (15 000), Kibeho (plus de 100 000), chassent les déplacés de leurs abris. A Kibeho, les déplacés sont regroupés de force au sommet d’une colline où sont installés deux campements de la Minuar et l’hôpital.

Le mardi 18 avril, au petit matin, les volontaires de Msf (qui ne dorment pas dans le camp) apprennent que l’Apr avait attaqué Kibeho et forcé les déplacés à se rassembler autour des campements de la Minuar et de l’hôpital, sur une aire aménagée pour la distribution de nourriture. Ils sont là, entassés, sans eau, sans nourriture, sans latrines, encerclés par les soldats de l’Apr qui abattent toute personne cherchant à sortir du périmètre.

Les volontaires de Msf négocient avec la Minuar et l’Apr l’autorisation de se rendre à l’hôpital. Il y a des morts et des blessés par étouffement, par piétinement.  

Les journées du mercredi 19 avril, du jeudi 20 et vendredi 21, les volontaires de Msf tentent, en même temps que les volontaires de l’Unicef et d’Oxfam (Oxford Famine Relief Committee), d’obtenir auprès de l’Apr l’autorisation de distribuer de l’eau. Ils ne l’obtiennent que pour de faibles quantités. Dans la nuit du jeudi au vendredi, l’Apr tire sur des déplacés qui essaient de s’enfuir.

Durant ces journées, les volontaires de Msf ne cessent de demander à la Minuar de déployer ses soldats pour assurer la protection de l’hôpital, mais en vain. Les Casques bleus n’intervinrent qu’une seule fois, le jeudi, pour faire sortir de l’enceinte de l’hôpital une foule assoiffée qui l’avait envahie.

L’Apr procède en même temps à l’évacuation du camp mais très lentement. Un membre du Hcr procédant au comptage des départs informe Msf que, du mercredi au vendredi, environ 10 000 personnes ont quitté le camp.

Samedi 22 avril

Le matin, l’équipe Msf, renforcée par d’autres volontaires de cette organisation travaillant au Rwanda, est prévenue par radio, depuis l’hôpital de Kibeho, qu’il y a eu des tirs de l’Apr toute la nuit. Leur convoi se rend au camp, est longuement retardé par des barrages, puis, sur la fin de la matinée, atteint l’hôpital, escorté par des Casques bleus.

Plusieurs heures durant, les témoins de Msf seront sur le site de Kibeho qu’ils évacueront avant la nuit (entre 17/18 heures). Impuissants, ils assisteront aux tueries depuis trois endroits : l’hôpital, le camp I (caserne des Zambiens) et le camp II (caserne des Australiens) de la Minuar. Voici un bref résumé de leurs témoignages.

Une pluie diluvienne se met à tomber. Ils commencent à donner des soins aux blessés lorsque, vers 12 heures15, ils entendent des tirs, de plus en plus intenses dans la cour de l’hôpital. Ce sont des soldats de l’Apr qui tirent depuis l’hôpital sur les déplacés. Les volontaires restent bloqués là, à plat ventre, près d’une heure jusqu’à ce que des Casques bleus les évacuent dans la caserne du bataillon zambien de la Minuar. Une partie de l’équipe tente de soigner les blessés transportés par les Casques bleus dans cette caserne. Une autre partie décide de se rendre dans la deuxième caserne de la Minuar, celle des Australiens. Obligés de finir le trajet à pied, car la route est recouverte de corps empilés sur toute sa largeur, ils marchent sur les cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants. Durant le temps qu’ils vont passer dans cet endroit, ils entendent successivement des tirs sporadiques, des rafales courtes, enfin une fusillade intense et continue.

Selon les témoignages de ceux qui sont restés dans la première caserne, les tirs reprennent vers 14 heures 30 et continuent plusieurs heures. Des soldats rwandais, montés sur le mur de ce bâtiment, tirent de là sur la foule, indifférents à la présence des Casques bleus et des gens de Msf.

 

 Les Casques bleus (qui ont reçu de leur commandement à Kigali l’ordre de ne pas utiliser leurs armes) disent que l’Apr utilise des mini lance-roquettes (RPG), des grenades et des kalachnikovs. Les secouristes Msf essaient à plusieurs reprises de sortir avec une escorte de militaires zambiens mais, à chaque fois, ils doivent rebrousser chemin à cause des tirs. “ Avant cette longue série de tirs, il y avait encore des centaines de personnes qui étaient rassemblées sur la route de Butare, prêtes à partir. Quand les tirs ont cessé et qu’on a pu sortir, il n’y avait plus personne debout, tous fauchés. ” En fin d’après-midi, les Australiens évacuent les volontaires de leur caserne et récupèrent ceux qui étaient restés bloqués dans la caserne zambienne. Autour du camp de la Minuar, le sol est recouvert de morts et de blessés, de nombreux cadavres sont visibles plus loin sur la colline.  

Lorsque, le soir, le chef de la mission Msf France au Rwanda se met en contact radio avec les volontaires et demande combien il y a eu de morts, ils répondent : “ des milliers ”. A Paris, Msf dénonce le massacre dans un communiqué de presse[15]. A Kigali, le représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu à Kigali, Shaharyar Khan, condamne le fait que des “ civils désarmés ” aient été tués.  

Les témoins de Msf sont les seuls à avoir laissé une relation écrite et accessible de ce qu’ils avaient vu. Si des Casques bleus ont rédigé des rapports pour la Minuar, ils n’ont pas été divulgués. Il existe cependant un récit fait au journal Libération par un autre témoin oculaire, Paul Lowe, photographe à l’agence Magnum. Libération en a publié des extraits, accompagnés de photographies[16].  

Son récit confirme celui des volontaires de Msf en ce qui concerne les différents moments du massacre. Paul Lowe s’était rendu le matin de bonne heure aux abords du camp. Il observe que les déplacés sont massés dans un espace restreint et constate les premiers tirs : “ Debout, en rangs serrés, la foule voguait dangereusement et, par-ci par-là, de petits groupes ont rompu l’encerclement pour se sauver. Les militaires ont d’abord tiré au-dessus de la tête des fuyards puis directement sur eux […]. ” L’équipe Msf tentera, vers midi, de soigner, à l’hôpital, ces blessés de la matinée. Le récit de Paul Lowe note ensuite le déclenchement d’une forte pluie qui crée un mouvement de gens cherchant à s’abriter. “ C’est alors que, dans la panique, une première fusillade a eu lieu. Elle a duré entre trente et quarante minutes. ” C’est cette même longue fusillade qu’entend l’équipe Msf sans pouvoir bouger de l’hôpital. Le calme revenu, Paul Lowe entre dans le camp à bord d’un véhicule des Nations unies. A l’entrée du camp de la Minuar, il voit “ des corps s’empilant en deux ou trois épaisseurs, sur environ cinquante mètres. […] Parmi ces victimes, il y avait beaucoup de femmes et d’enfants. ” Selon le rapport de Msf, l’équipe qui tente de se rendre dans la caserne des Australiens, doit terminer son trajet en marchant sur ces cadavres. La fin du récit de Paul Lowe est semblable à celle des témoins de Msf. “ Il était environ dix-sept heures. […] Tout semblait calme, puis il y a eu quelques tirs au-dessus de nos têtes […] et c’est reparti. Pendant plus d’une demi-heure, alors que je suis resté à l’abri auprès des soldats zambiens, j’ai entendu le vacarme des mitrailleuses, des grenades, des RPG. Lorsque j’ai regardé, j’ai vu les soldats du FPR chasser devant eux, en tirant dans le tas, toute cette foule immense qui dévalait la colline. ”

Dimanche 23 et lundi 24 avril

Les journées suivantes, le massacre commis à huis clos fait l’objet de dépêches qui mobilisent les médias internationaux. Immédiatement, les autorités rwandaises s’emploient à le minimiser.

Le dimanche, l’Apr interdit d’accéder à l’hôpital ainsi qu’à la caserne australienne de la Minuar. Cependant, l’équipe Msf se rend vers midi dans la première caserne (celle des soldats zambiens) où elle traite des blessés. Une brève incursion à l’hôpital, sous protection de la Minuar, fait découvrir que les patients et les blessés hospitalisés la veille ont tous été exécutés à l’exception de huit bébés âgés de deux semaines à deux mois. Des Casques bleus ont vu, très tôt le matin, les soldats de l’Apr s’employer à faire disparaître les cadavres en les jetant dans les latrines, en les entassant dans des fosses. Un caporal australien dit à un médecin de Msf qu’ils ont compté 4 050 cadavres, mais qu’ils n’ont pas pu les compter tous.  

Le soir, tombe une longue dépêche de l’Afp : “ […] Plusieurs milliers de personnes ont été tuées et 1.500 à 2.000 blessées, selon un bilan fourni en milieu d’après-midi dimanche par la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), d’autres sources de l’ONU à Kigali avançant le chiffre de 8.000 morts. “Le premier souci de l’APR ce matin était de se débarrasser des morts”, a déclaré un officier de l’ONU qui a refusé de décliner son identité. […] Un soldat de l’ONU a déclaré sous couvert de l’anonymat que “l’APR a utilisé toutes ses armes contre la foule de plusieurs milliers de personnes […] mortiers, armes automatiques, grenades propulsées par des roquettes et armes légères”[…] ” [17].  

Les accusations portées contre l’Apr d’avoir volontairement déclenché le massacre ainsi que les premières estimations chiffrées du nombre des victimes proviennent effectivement d’éléments de la Minuar. Ainsi, lorsqu’un colonel de l’Apr déclare que ce sont les déplacés qui ont provoqué les troubles en tentant de forcer le cordon de sécurité et en lançant des grenades sur ses hommes, le capitaine Kent Page, porte-parole de la Minuar, précise que les tirs étaient “ à sens unique ”[18]. Le président rwandais, Pasteur Bizimungu, se rend en hélicoptère sur le site, accompagné du ministre de la Défense, Paul Kagame. Un Casque bleu zambien, le capitaine Francis Sikaonga, refuse explicitement, dans une discussion face à face avec le Président et le chef de l’Apr, de confirmer les déclarations gouvernementales minimisant le chiffre des victimes[19]. De leur côté, les Australiens de la Minuar maintiennent le comptage effectué par l’un des leurs, ainsi qu’en témoigne une dépêche du 24 avril à Sydney : “ Le corps médical australien de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar) qui a pu visiter dimanche le camp de Kibeho, scène d’un massacre samedi, a pu dénombrer au moins 4.000 cadavres, a indiqué lundi un porte-parole militaire australien. ”[20]  

Dans une conférence de presse, donnée le lundi, à Kigali, le président Bizimungu déclare que le bilan est de 300 morts et que les soldats de l’Apr avaient dû riposter à l’attaque de miliciens armés de mitraillettes[21]. Ce même jour, la Minuar rend public un nouveau chiffre, inférieur de moitié à la première estimation donnée par son porte-parole : “ Un communiqué de la MINUAR indique que le commandant de l’opération onusienne, le général Guy Toussignant, s’est rendu dimanche dans le camp de Kibeho et que “selon un décompte plus scientifique du nombre des morts, il a été révisé à près de 2.000”. ”[22]

L’histoire du camp de Kibeho ne s’arrête pas là. Ainsi qu’elle avait commencé, elle continua de façon tragique. Mais l’on ne relatera pas ici les terribles violences subies par les déplacés à l’extérieur du camp, les obstacles rencontrés par les équipes médicales humanitaires pour soigner les blessés, la difficile évacuation des centaines de personnes restant encore dans le camp, l’impossibilité pour les instances onusiennes d’intervenir tout en sachant quel sort était réservé aux déplacés dans leur commune d’origine. L’on ne détaillera pas non plus les manœuvres diplomatiques qui occupèrent le devant de la scène médiatique : elles portèrent sur le nombre des victimes, sur les responsabilités des divers acteurs institutionnels, sur la constitution d’une commission d’enquête[23]. La Belgique et la Hollande suspendirent leur aide bilatérale au Rwanda. Le 7 avril 1999, la commémoration du génocide eut lieu à Kibeho. Le président Bizimungu, évoquant le sort fait aux déplacés du camp de Kibeho, dont les trois quarts étaient des femmes et des enfants, n’eut qu’un mot : il s’agissait de tueurs et non de victimes innocentes comme l’avait prétendu la communauté internationale.

La critique historienne du témoignage oculaire a maintenant une longue tradition. Constituée de façon systématique depuis la Pemière guerre mondiale, elle continue à faire l’objet de débats aussi complexes que vifs entre les professionnels de l’histoire, entre ceux-ci et les non professionnels. Aussi importants soient-ils, je ne les évoquerai pas plus précisément. Mais je ferai part d’un malaise constant pour les historiens qui travaillent sur des événements de ce type. En ce qui concerne le massacre de Kibeho, les témoignages pourraient être légion : des déplacés auraient pu relater ce qui s’était passé, des soldats de l’Apr également, ainsi que ceux de la Minuar. Cependant les conditions politiques nécessaires à la recherche de vérité n’ont, jusqu’alors, jamais été réunies. De là l’importance essentielle de cette poignée de personnes qui sont encore les seuls témoins d’un événement dont les preuves ont été effacées.  

L’historien du temps présent, habitué à disposer de nombreuses sources, d’origines diverses, regrette la rareté de ces témoignages, les souhaiterait plus nombreux, les voudrait plus détaillés. Par exemple, je pense qu’on ne saura jamais exactement combien de déplacés périrent à Kibeho. Mais l’on sait, par ces témoins, que les soldats de l’Apr, ont longuement mitraillé, à plusieurs reprises, une foule compacte qui n’était pas armée. Peut-on accepter de retenir leurs déclarations sans attendre, comme c’est la règle pour la critique historique, une autre source qui les confirmerait ? Je pense que oui. Lorsqu’il s’agit de violences extrêmes, une attitude hypercritique, un scepticisme systématique à l’égard des témoins oculaires— parce qu’ils seraient traumatisés, parce qu’ils seraient engagés à faire valoir une version, parce qu’ils n’auraient “ vu ” qu’une partie du drame, parce qu’ils seraient imprécis, etc. — peut faire commettre une lourde erreur historique : récuser la réalité d’un massacre, parce qu’il n’est relaté que par de rares témoins, c’est prendre le risque de méconnaître la nature réelle d’un régime, de renforcer les conventions de silence imposées par les acteurs qui ont intérêt à les faire partager.  

Depuis plus d’une décennie, la région des Grands Lacs africains est en proie à des conflits armés meurtriers et cruels au cours desquels des massacres systématiques sont régulièrement commis. Qu’il s’agisse du Burundi, de la RD Congo et du Rwanda, dans la plupart des cas les tueurs opèrent à l’écart de témoins indépendants du conflit. Souvent, les massacres n’auraient pour témoins que les survivants et les criminels si les organisations qui apportent des secours n’étaient présentes soit sur les lieux mêmes, soit là où rescapés et blessés arrivent. Qu’ils aient été témoins directs, comme dans le cas du massacre de Kibeho, ou indirects, comme au Congo-Zaïre en 1996-1997, lors de la traque des réfugiés rwandais qui avaient fui devant l’avancée des troupes de Kigali, ils sont fréquemment les seuls, avec des journalistes, à pouvoir dire ce qui s’est passé, à le dire et à être crédibles quand ils ont manifesté leur indépendance à l’égard des belligérants[24]. C’est pourquoi, à défaut de demander à ces premiers témoins d’être eux-mêmes historiens, il est nécessaire pour toute investigation historique de prendre appui sur tous les documents qui relatent leurs pratiques, leurs perceptions des événements et qui sauvegardent les paroles de survivants qu’ils ont été les seuls à pouvoir et vouloir entendre. Ainsi, lorsque, en avril 1994, à Kigali, les tueurs pourchassaient et exécutaient les Rwandais tutsis, les secouristes médicaux n’ont pu sauver des vies que rarement[25]. Il n’empêche qu’ils ont été confrontés à l’organisation criminelle du génocide et ce qu’ils en ont dit reste, pour moi, un témoignage aussi capital que, par exemple, celui de ce résistant polonais, Jan Karski, qui, dans Shoah, le film de Claude Lanzmann, se remémore ce qu’il a vu dans le ghetto de Varsovie et était chargé de transmettre aux Alliés. Jan Karski avait vu, il avait témoigné et, on le sait, il ne fut pas entendu. Ne pas faire cas, par principe, de la parole de témoins humanitaires, n’est-ce pas indirectement les engager à être des non-témoins, à l’instar de Maurice Rossel, ce visiteur de la Croix rouge à Auschwitz puis à Theresienstadt, interviewé, par Lanzmann, dans Un vivant qui passe, et qui n’a rien voulu voir ?

Article paru dans Les Temps Modernes, n° 627, « L’humanitaire », avril-mai-juin 2004, p. 92-107

Claudine Vidal

 



[1]. Encore faut-il que leurs témoignages soient accessibles. Sur ce point, je remercie Médecins sans frontières France qui m’a donné accès à ses archives.


[2]. Cette guerre fut une pure guerre civile : même si des puissances étrangères intervinrent, l’affrontement entre les exilés tutsis et les partisans du régime dirigé par le général-président Habyarimana ne fut d’aucune façon lié à un conflit armé entre États. Un désastre total : extermination des Tutsis de l’intérieur, liquidation systématique des opposants hutus aux organisateurs du génocide, massacres de civils par la guérilla tutsie, fuite au Zaïre, en Tanzanie et au Burundi d’une partie de la population hutue, destructions, pillages, dévastation des infrastructures publiques. Début 1994, le pays comptait sept millions et demi d’habitants, le nombre des victimes de la guerre et du génocide a été estimé à un million et celui des réfugiés dans les pays limitrophes à deux millions.


[3]. Le 22 juin 1994, le Conseil de Sécurité des Nations unies a voté une résolution donnant son accord pour “ une opération multinationale à des fins humanitaires ”. Celle-ci fut placée sous commandement français qui la baptisa Opération Turquoise.


[4]. “ Cet époustouflant contresens historique représente sur le plan moral un acte d’une rare absurdité. […] Aucun […] texte ne fait obligation de transformer les bourreaux et leurs proches en victimes par attribution du statut de réfugié. ” Jean-Hervé Bradol, Anne Guibert, “ Le temps des assassins et l’espace humanitaire, Rwanda, Kivu, 1994-1997 ”, Hérodote, 86/87, 1997, p. 134. J.-B. Bradol et A. Guibert faisaient partie, le premier de l’équipe Msf à Kigali, en avril 1994, la seconde de l’équipe Msf au Rwanda en avril 1995.


[5]. The United Nations and Rwanda 1993-1996, Nations unies, New York, 1996 (Rapport du secrétaire général sur la sécurité dans les camps de réfugiés rwandais, 18 novembre 1994).


[6]. La politique de terreur menée au Rwanda par le FPR a été dénoncée dès 1994. Pourtant, il y eut, à de rares exceptions près, une sorte d’accord, entre cynisme et utopie, selon les acteurs, pour ne pas accabler ceux qui avaient mis fin au génocide et devaient faire face à une situation dramatique. Des rapports émanant de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, ainsi que d’ONG internationales, telles Human Rights Watch (HRW), la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Amnesty International ont fait état, en 1994, d’exactions et de massacres dont était responsable l’Armée patriotique rwandaise (APR), branche militaire du Front Patriotique rwandais (FPR), devenue la nouvelle armée nationale. Amnesty International relate des tueries de populations civiles désarmées perpétrées par l’APR d’avril à août 1994 (entre autres, Rwanda. L’armée patriotique rwandaise responsable d’homicides et d’enlèvements (avril-août 1994), Index AI : AFR 47/16/94). Human Rights Watch/Africa publia, également en 1994, le 15 septembre, un rapport sur divers massacres commis par le FPR durant la même période (Human Rights Watch : The Aftermath of Genocide in Rwanda : Absence of Prosecution, Continued Killings. Septembre 1994). Le rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’Homme (Nations Unies), René Dégni Ségui, dans un document du 11 novembre 1994, dénonce les graves atteintes aux droits de l’homme pratiquées en toute impunité par des membres de l’APR, de l’appareil administratif et judiciaire : arrestations arbitraires sous couvert d’accusations de génocide, constitution de syndicats de délateurs, exécutions sommaires d’individus et de familles entières, enlèvements et disparitions (Nations Unies, Conseil économique et social —E/CN.4/1995/70, 11 novembre 199 (E/CN, 4/1995/7-28 juin 1994). Les éléments de ce rapport, incriminant l’armée et le gouvernement, seront à nouveau repris et développés à la suite d’une nouvelle enquête du Rapporteur au Rwanda : E/CN.4/1996/7-28 juin 1995. Rappelons que René Dégni Segui, chargé par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, avait été l’auteur du rapport qui, en juin 1994, établissait la qualification de génocide en ce qui concernait les massacres perpétrés contre les Tutsis). Des Rwandais ont aussi publié des témoignages sur l’ensemble des atrocités qui ont été perpétrées au Rwanda, contre les Rwandais tutsis, en avril 1994, et contre les Rwandais hutus après la victoire du Fpr. Entre autres : Edouard Kabagema, Carnage d’une nation. Génocide et massacres au Rwanda 1994, 2002, L’Harmattan, Paris ; Charles Karemano, Au delà des barrières. Dans les méandres du drame rwandais, 2003, L’Harmattan, Paris.


[7]. Le Monde, 15 novembre 1994, “ Quatorze personnes tuées par des soldats du FPR ”.


[8]. Liste des camps : Busanze, Kibeho, Maheresho, Muko, Munini, Musange, Ndago, Rukundo.


[9] . Archives Msf, sitrep [Situation Report] MSF Kigali, 4 décembre 1994.


[10]. Archives Msf, sitrep MSF Kigali, 9 décembre 1994.


[11]. Le Monde, 20 décembre 1994, “ Le gouvernement renonce à fermer des camps de réfugiés ”.


[12]. Archives Msf, sitrep MSF Kigali, 10 janvier 1995.


[13]. Une journaliste belge interrogea Paul Kagame sur les raisons de cette panique. Le Soir, 7 avril 1995, “ Paul Kagame. A propos de la sécurité et de la réconciliation au Rwanda ”, propos recueillis à Kigali par Colette Braeckman.


[14]. Report on Events in Kibeho camp, April 1995.


[15]. Samedi 22 avril 1995, Communiqué de presse de Médecins Sans Frontières Rwanda, “ Des milliers de victimes sur Kibeho : Médecins Sans Frontières dénonce les massacres ”.


[16]. Libération, 15 mai 1995, “ Le jour où l’armée rwandaise a tiré sur les réfugiés de Kibeho. Paul Lowe, photographe a été témoin du massacre du 22 avril ”.


[17]. AFP, KIBEHO (Rwanda), 23 avril, “ L’armée rwandaise et l’ONU enterrent les morts de Kibeho ”.


[18]. AFP, GIKONGORO (Rwanda), 23 avril, “ Témoignages sur les massacres de Kibeho de l’envoyée spéciale Annie THOMAS ”.


[19] . “ Pourtant, aux yeux des travailleurs humanitaires, du personnel médical des Nations unies et des visiteurs, qui ont assisté à la fusillade, il était évident que les chiffres étaient bien plus élevés que ceux fournis par le gouvernement. Le Président a longuement argumenté avec le capitaine Francis Sikaonga, l’accusant ainsi que les Nations unies de donner des chiffres de mortalité faux. Les assistants de M. Bizimungu ont qualifié le commandant zambien d’idiot et de stupide. ” Traduit de Donatella Lorch, “ As Many as 2.000 Are Reported Dead in Rwanda ”, Kibeho, April 23, New York Times, 24 avril 1995. La Minuar, craignant pour sa vie, fit sortir rapidement le capitaine Sikaonga du pays.


[20]. AFP, SYDNEY, 24 avril, “ Massacre de Kibeho : les médecins australiens de la MINUAR ont compté au moins 4.000 cadavres ”.


[21]. AFP, KIGALI, 24 avril, “ Le président rwandais accuse les miliciens hutus et la communauté internationale ”.


[22]. AFP, KIGALI, 24 avril, “ La MINUAR révise à la baisse le nombre des morts de Kibeho, le président rwandais les estime à 300 ”.


[23]. L’officier, qui avait commandé les opérations de fermeture du camp de Kibeho, jugé par un tribunal militaire, en décembre 1996, fut condamné au motif de “ négligence ” à dix-huit mois de prison avec sursis. Il reçut plus tard le commandement de la région militaire de Kigali.


[24]. Sur les obstacles à la connaissance de ces massacres, lire Marc Le Pape, “ L’exportation des massacres, du Rwanda au Congo-Zaïre ”, Esprit, août-septembre 2000.


[25]. Dans le numéro spécial que les Temps Modernes ont consacré au génocide des Rwandais tutsis, un médecin de Msf, venu à Kigali le 13 avril 1994, avec une équipe chirurgicale, a écrit ce qu’il a vu des jours durant : l’assassinat systématique et organisé des Rwandais tutsis et des Rwandais hutus suspectés de ne pas soutenir les tueurs. Jean-Hervé Bradol, “ Rwanda, avril-mai 1994, limites et ambiguïtés de l’action humanitaire ”, Les Temps Modernes, Les politiques de la haine, Rwanda-Burundi, 1994-1995, 583, juillet-août 1995.