Le cas Kanyarengwe devrait être une lecon pour les tous Hutu du FPR

Kanyarengwe privé de soins ?
article écrit par Mutangana
mardi 27 mars 2007
Extrait des Points Focaux n°257

Feu Alexis Kanyarengwe mérité-t-il le panthéon ?

Il a fallu deux à trois semaines pour enfin pouvoir lire dans les hebdomadaires et les bi mensuels locaux des articles consacrés à la mort du « chairman » historique du Front Patriotique Rwandais (FPR)- irrégularité de leur publication oblige. Tous les confrères s?accordent, enfin, pour dire que l?homme avait déjà été jeté, de son vivant, dans les oubliettes de l?histoire ; que donc il quitte le monde par la pointe des pieds après avoir influé sur l?histoire politique du Rwanda depuis plus de 40 ans.

« Kanyarengwe : Le temps de dire qu´il était un homme bon est enfin arrivé », titre Umuseso (24-31 novembre) pour qui un tel discours tranche étrangement avec le sort qui avait été réservé, ces dernières années, à celui qui fut le président du parti au pouvoir à l'époque de sa rébellion. « Quel legs laisse Kanyarengwe ? », s'interroge le bi mensuel Rushyashya (deuxième quinzaine du mois de novembre) qui rappelle à ses lecteurs que feu Kanyarengwe s'était fait trop d' ennemis dans tous les camps (politiques et ethniques) pour qu'un jour ils puissent lui donner la chance d'avoir sa place au panthéon.

Il aura été dans tous les coups tordus depuis l'indépendance, avant de rejoindre le camp des 'Tutsi? (dans le maquis) dont il avait auparavant entre 1959 et 1969 activement favorisé la déportation. Et le voilà qui s'en va par la petite porte, sans avoir pu regagner la confiance de ceux qui l'ont toujours accusé de trahison et sans non plus avoir su se faire pardonner, vraiment, par les fils de ceux-là même qu'il avait forcé à s'exiler dans les pays voisins pour le seul crime d'être des Batutsi.

« Le colonel Kanyarengwe est l'un des premiers officiers d'après l'indépendance du Rwanda de 1962 qui vivait encore. Ce qui fait que le Colonel Kanyarengwe a pris part à tous les régimes, depuis Kayibanda jusqu'à Kagame en passant par le régime Habyarimana et celui de Bizimungu. Kanyarengwe fut donc un officier très respecté, il a participé au gouvernement à très haut niveau et il a dirigé divers camps de belligérants dans toutes les guerres qu'a connu le Rwanda. Ce qui fait que l'homme s'était fait plus d'ennemis que d'amis? »,

explique Rushyashya qui ajoute :

« Très jeune, il a fait partie des 10 premiers officiers du Rwanda indépendant. Ainsi, entre 1960 et 1969, au moment de la déportation des Tutsi, au moment où leurs maisons étaient incendiées et leurs biens pillées, les responsables au sommet de ces exactions étaient Anastase Makuza, du côté politique et le colonel Kanyarengwe, du côté militaire'A la fin de la rébellion des Inyenzi, Kanyarengwe et Habyarimana se sont retrouvés aux côtés du Président Kayibanda'En 1973, il fut l'un des éléments clés du coup d'Etat qui a conduit Habyarimana au pouvoir?

Le sud du pays, le 'Nduga? fut écarté du pouvoir. Et, depuis lors, Kanyarengwe avait désormais des ennemis dans le camp des Tutsi et celui des Hutu du 'Nduga? qui le prenaient pour un dur, plus méchant que Habyarimana? Il fut ministre et numéro 2 sous le régime Habyarimana. Il était à la fois craint et apprécié par le Président de la République d'alors?Mais, en 1980, l'Histoire dit, à tort ou à raison, que Lizinde et Kanyarengwe ont tenté de renverser le pouvoir. Kanyarengwe se retrouva en Tanzanie, en tant que réfugié politique?

Sur la liste de ses ennemis, se retrouvèrent ainsi, les tenants du pouvoir de l'époque?Kanyarengwe a passé dix ans en Tanzanie et, il devint l'un des fers de lance de la rébellion du FPR qui allait attaquer le pays?Ce fut le tour du ?hutu power? de le prendre comme leur ennemi juré?A la fin de la guerre et du génocide, les hutu qui avaient élu domicile dans les camps de Tingi Tingi, Benako, du Burundi et d'ailleurs l'accusèrent, à leur tour d'être la source de leur mésaventure? »

Des ennemis, oui, il ne pouvait qu'en avoir, lui qui avait trop pesé, pendant longtemps, sur la destinée des millions de Rwandais. Mais, comme l'écrit le confrère du journal Rushyashya , le colonel Kanyarengwe a le mérite d'avoir toujours pris de grandes décisions- notamment celle de rejoindre la rébellion du FPR inkotanyi, à majorité tutsi, en 1990- mais également celle d'avoir accepté de faire profil bas toutes ces dernières années quand il s'est rendu compte qu'il n'était plus le bienvenu au Palais présidentiel ; refusant ainsi de prendre la voie de Pasteur Bizimungu et compagnie.

Le journal Umuseso, préfère, lui, revenir sur les derniers mois du colonel Kanyarenwe, son regret d'avoir perdu tous ses honneurs de militaire et de militant, et l'hypocrisie qui a caractérisé les prises de position des ténors du FPR juste après sa disparition.

« En juillet de l'année dernière, nous avons pu interviewer le vieux Kanyarengwe. Il en a profité pour remercier le gouvernement pour tout ce qu'il fait pour le pays, mais il a regretté que certains oublient trop vite et lui manquent de respect ! Kanyarengwe s'est demandé pourquoi il n'est pas invité aux cérémonies de la journée de la libération alors qu'il a dirigé le parti qui en est responsable. Il a dit : ? Ils ne respectent pas, ils ne seront pas non plus respectés?.

Il nous a avoué aussi que personne ne lui rendait plus visite et qu'il ne recevait rien d'eux. Quand j'ai entendu le message du président de la république et du FPR, je me suis immédiatement rappelé les propos du vieux et je me suis posé bien de questions. Au départ, j'étais même convaincu que le FPR n'organisera pas les cérémonies funéraires' Et puis, je me suis rappelé la tradition qui veut que toute personne disparue est toujours qualifiée de brave. Dans mon for intérieur, je me suis dit : Le moment de dire qu'il était bon est enfin arrivé??

La rupture avec son parti avait été consommée, depuis belle lurette, comme le dit Umuseso ?

« Il y a lieu de s'interroger pourquoi, comme le disait Kanyarengwe, le gouvernement avait toujours refusé de le faire soigner. Il a révélé qu'il ne comprenait pas pourquoi on ne voulait pas le faire soigner après tout ce qu'il a fait pour le FPR et les RDF ! Le vieux Kanyaregwe ne devrait pas être content de son sort?Le secrétaire général du FPR a menti en déclarant inopinée la mort de Kanyarengwe, parce qu'en 2005, quand il a rencontré les journalistes d'Umuseso, il était déjà malade?

Un militaire haut gradé que nous avons contacté s'est interrogé : ? Pourquoi Kanyarengwe croyait que le gouvernement était obligé de le faire soigner ?? Quelqu'un m'a ensuite rappelé que, même si Kanyarengwe a fait beaucoup pour le FPR, beaucoup de Rwandais ne l'oublieront jamais pour les exactions qu'il leur a fait subir. C'est vrai, l'Histoire du Rwanda est si terrible que nous en subissons encore les conséquences. Que Dieu lui accorde un repos éternel. »

La Rédaction

Chef de Publication : NDAYISHIMIYE Jovin Assisté de Niyibizi Boniface