Renonciation des Fdlr à la lutte armée : Kigali incapable de
justifier sa bonne foi |
Par Angelo Mobateli
La déclaration politique des Forces démocratiques de libération
du Rwanda (Fdlr), annonçant leur renonciation à la lutte armée
pour se transformer en parti politique, semble avoir placé les
autorités rwandaises sur la défensive.
Kigali, par la voix de son ministre des Affaires étrangères,
Charles Murigande, a déjà fait connaître son refus d´être
partie prenante dans cette affaire. Ce qui a justifié l´absence,
samedi denier à Rome, de représentants du gouvernement
rwandais à une réunion consacrée à l´examen des mesures d´accompagnement
de l´Accord auquel ont abouti les pourparlers engagés entre
Kinshasa et les responsables des Fdlr.
MESURES D´ACCOMPAGNEMENT
Les Fdlr ont fait plusieurs propositions en termes de mesures d´accompagnement
de leur déclaration politique de Rome. La première requête s´adresse
aux Ong internationales des droits de l´homme présentes au
Rwanda, sollicitées pour «garantir les
conditions de sécurité des personnes rapatriées».
Dans la seconde, les Fdlr réclament l´application d´une «justice
équitable» à tous les génocidaires, qu´ils soient dans les
rangs des ex-Far/Interahamwe ou dans les institutions en place
à Kigali.
Ensuite, elles demandent à la communauté internationale d´«obliger»
le gouvernement de Kigali à «reconnaître» les Fdlr comme
mouvement politique de l´opposition. Entre autres requêtes,
il y a la « sécurité des responsables
des Fdlr » qui souhaiteraient rentrer au Rwanda et le
droit d´asile à accorder aux réfugiés rwandais «non
impliqués dans le génocide».
DISCORDANCE DE SONS A KIGALI
A l´annonce de la renonciation à la lutte armée par les
Fdlr, Kigali a affiché une attitude diffuse. Tous les génocidaires
rentrés au pays passeront devant la justice pour «répondre
de leurs actes», a menacé en substance le ministre rwandais
des Affaires étrangères, déclarant ne pas reconnaître l´Accord
de Rome et indiquant que son gouvernement ne participerait pas
à la rencontre de samedi 2 avril 2005 à Rome pour discuter
des mesures d´accompagnement avec les Fdlr.
Dans une interview accordée il y a quelques semaines à la
presse internationale, l´ambassadeur du Rwanda à Paris, Dr
Emmanuel Ndagijimana, avait donné des indications sur la
question des ex-Far/Interahamwe.
Quand un journaliste de la presse internationale lui avait
demandé « comment le Rwanda, qui n´a pas réussi à
enrayer toute menace des ex-Far et des miliciens interahamwe
à l´époque où il était officiellement présent en Rdc,
peut-il agir de manière efficace aujourd´hui contre ces
forces négatives », il avait eu la réponse suivante. «
... Lors de la première guerre, celle de 1996, nous avons
essayé de rapatrier les Rwandais qui voulaient rentrer
(...mais), nos concitoyens qui sont restés au Congo ont
toujours voulu revenir au Rwanda pour déstabiliser le régime
actuel au pouvoir à Kigali ».
Evoquant différents cas de figure pour résoudre cette
question, il en avait cité trois. « Cela peut se faire
de plusieurs manières. Soit on les transfère dans un
autre pays, c´est-à-dire le plus loin possible des
frontières rwandaises afin qu´ils ne constituent plus
une source d´insécurité pour le Rwanda. Soit on les désarme,
c´est ce qu´a demandé aussi le Rwanda. Soit on rapatrie
ceux qui le veulent, et on accorde à ceux qui ne
souhaitent pas rentrer au Rwanda la possibilité de
solliciter l´asile politique ailleurs ».
C´est en cela, avait-il soutenu, que le Rwanda pourrait
justifier sa bonne foi. Néanmoins, avait-il insisté,
« il est normal que ceux qui ont commis le génocide
soient traduits en justice. Tous les ex-Far et les
Interahamwe - même ceux qui sont, parmi eux, des génocidaires
- peuvent rentrer mais désarmés, et moyennant le fait
que ces derniers doivent être jugés par les
institutions judiciaires rwandaises compétentes ».
Il y a lieu de rappeler que les Fdlr, dans la déclaration
rendue publique le 30 mars 2005 à Rome sous la
signature de leur président, Dr Ignace Murwanashyaka,
ont aussi demandé «l´ouverture dans les meilleurs délais
d´une enquête internationale pour qualifier ces
crimes, identifier et punir leurs auteurs ». Elles ont
même affirmé leur « ferme volonté à lutter contre
toute forme d´impunité».
S´agissant des modalités du retour volontaire des réfugiés
rwandais dans leur pays, les Fdlr se sont engagées à
en « convenir » avec les gouvernements de Kinshasa et
de Kigali.
En optant pour la lutte politique au détriment de la
lutte armée, les Fdlr ont par ailleurs exprimé la «
ferme volonté à apporter leur concours à la résolution
durable et pacifique des conflits non seulement au
Rwanda mais aussi dans la région des Grands Lacs ».
A ce propos, le Ralliement des forces démocratiques
de libération du Rwanda (R-Fdlr, une dissidence créée
en septembre 2004), quoique n´ayant pas participé
aux pourparlers de Rome, suggère la convocation d´un
Dialogue inter-rwandais pour «garantir» la paix, la
réconciliation et la stabilité, afin d´éviter à
cet Accord de «se solder par un échec». Les deux
sons de cloche, apparemment discordants, émis par les
autorités rwandaises, ne peuvent cependant pas
surprendre les observateurs avertis. Parce qu´ils s´inscrivent
dans la stratégie de Kigali en matière de gestion de
la question des ex-Far/Interahamwe et de la sécurité
dans la région des Grands Lacs. Somme toute, le
gouvernement de Kigali vient de dévoiler son véritable
jeu, en étalant son incapacité à justifier sa «
bonne foi » dans la résolution de cette question.
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