Bimensuel
francophone indépendant spécialiste des Grands Lacs N°137 Spécial mois
d’avril 2004,
« En six mois près de 300 mille réfugiés hutu ont été volatisés. Beaucoup d’entre eux ont été tués par balles, d’autres à l’arme blanche. Dans les marécages de Liranza et de Ndgoundou au nord de Brazzaville des réfugiés hutu sont morts de faim et de maladie dans les conditions tragiques (…) D’autres se sont noyés dans le fleuve Congo, en tentant de rejoindre Liranza » (pp. 15-16).
« L’APR
et les réfugiés rwandais au Zaïre (1996-1997). Un génocide nié ».
Avec ce livre sorti chez L’Harmattan en 2004, son auteur Gaspard Musabyimana
vient jeter le pavé dans la marre.
Au moment où la communauté internationale s’associe aux populations rwandaises pour commémorer le dixième anniversaire du génocide des hutu sur les tutsi, la lecture de ce livre soulève beaucoup de points d’interrogation.
Mieux ou pire (c’est selon) il repose la complexité de la cohabitation de deux peuples dans un même espace. Il relance la problèmatique de la conspiration du silence qui s’accomode mal des critiques envers le FPR.
Il soulève amèrement l’hypocrisie des Grandes puissances et démontre qu’aucune théâtralisation de la souffrance d’une seule ethnie (hutu ou tutsi) du Rwanda ne peut amener le pays des Mille collines à se réconcilier véritablement avec soi-même. Comme avec le génocide contre les tutsi qui a fait dans les 800 mille morts, un autre génocide s’est commis et a été perpetré contre les hutu réfugiés au Congo.
Boutros Boutros Ghali et Kofi Annan n’avaient-ils pas eu le mot juste pour le qualifier de génocide par inanition (genocide by starvation) ? En ne plaisant qu’aux tutsi dans des célébrations pompeuses qui laissent les hutu les mains à la joue, n’est-ce pas que la communauté internationale prépare les hutu à célébrer aussi les leurs (près de 300 mille réfugiés) tués au Zaïre, le moment venu ? C’est-à-dire lorsque le pouvoir au Rwanda reviendra aux hutu. Gaspard Musabyimana écrit : « en poursuivant les réfugiés sur plus de 2000 Km de la plaine d’Uvira à Mbandaka, le FPR a démontré qu’il ne se satisferait pas de demi-crime. Il voulait un anéantissement total ».
Certes, mettre 800 mille tutsi sur la même balance que 300 mille hutu, le déséquilibre est total mais on devrait raisonner en terme de mort d’hommes et non dans une comptabilité macabre. Parce que ce faisant, le réfugié hutu est traité comme un pestiféré, un génocidaire qui ne mérite que la mort. Gaspard Musabyimana raconte ce que les congolais du Kivu (Goma, Bukavu, Kindu) ont vécu de leurs propres yeux : bombardements, destruction des camps des réfugiés hutu avec cynisme.
Le livre de Gaspard Musabyimana compte 5 chapitres, une préface, un avant-propos, une introduction et une conclusion.
Au
Chapitre 2, l’auteur décrit l’horreur dans les camps du Sud-Kivu. Le
Chapitre 3 aborde la destruction des camps du Nord-Kivu et le Chapitre 4, la
chasse à l’homme dans le Maniema et à Mbandaka.
Gaspard
Musabyimana est convaincu que l’APR n’est pas seule. De ceux qui ont
applaudi à ceux qui ont fourni les armes, la responsabilité ne peut
être que partagée. Au Rwanda – la communauté internationale doit le noter
une fois pour toutes – il y a deux mondes : des extrêmistes chez les
hutu et chez les tutsi. Des rescapés du côté tutsi et du côté hutu. Des
tués des deux côtés et enfin, les bons et les méchants de deux côtés. Ne
pas considérer cette réalité n’est qu’hypocrisie et menterie du vrai.
La question des réfugiés rwandais s’est revelée comme un problème insoluble par la communauté internationale.
Enfin,
à bien comprendre l’auteur qui est bien un rwandais, la préoccupation de
tout rwandais qui veut la paix dans son pays et dans la région des Grands
Lacs ne devrait être qu’une réconciliation sincère entre les rwandais
(hutu-tutsi) loin de la théatralisation. Cette manière présente n’est
que trompe-l’œil. On ne doit pas se leurrer. Présenter le hutu comme foncièrement
mauvais, habile à la machette serait une autre manière d’attiser la haine
et de créer un fossé béant.