(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Face au nombre croissant de personnes âgées
abandonnées par leur famille au Rwanda, les quelques centres d'accueil tenus par
les Sœurs sont bien insuffisants. Pourtant, les vieux retrouvent là le goût de
la vie et se rendent utiles.
"À mon âge, je vis seule. Mon seul fils est allé à Kigali sans rien laisser pour
m'aider. Ainsi, je me suis retrouvée dans la rue pour quémander." À 67 ans,
Joséphine Umuhoza est contrainte, pour survivre, de mendier dans les rues de
Musanze, au nord du Rwanda. Considérés comme une charge par leur famille, de
nombreux vieux sont aujourd'hui délaissés dans ce pays. Pour Sœur Marie Vestine,
de la congrégation Abizeramariya, qui a créé 8 centres d'assistance aux
personnes âgées à travers tout le Rwanda, l'égoïsme a gagné le cœur des gens :
"Actuellement beaucoup de Rwandais cherchent leurs propres intérêts. Le peu de
moyens qu'ils trouvent est affecté à beaucoup de choses et les personnes âgées
sont oubliées." Dans le temps, poursuit-elle, en l'absence des enfants, la
famille élargie s'occupait des vieux, mais actuellement ils ont peur de trop
dépenser pour des personnes qui ne sont plus productives.
Pourtant, lorsqu'on s'occupe d'eux, les vieux restent actifs et retrouvent le
sourire. C'est le cas dans les centres d'accueil de Ngoma, à l'est du Rwanda,
tenu par les Sœurs. Dans la cour intérieure du centre, l'activité est intense.
Un homme âgé de plus 70 ans, aux cheveux blancs, sarcle le jardin. Avec fierté,
il confie : "C'est moi qui m'occupe du jardin du centre. J'enlève les mauvaises
herbes et je coupe le gazon. Comme ça, le jardin reste propre." Une vieille
femme revient du champ avec des herbes pour nourrir les lapins. Un homme aveugle
d'une soixantaine d'années lave son linge. Il est presque 10 heures du matin et
d'autres personnes plus âgées sont étendues au soleil en causant tranquillement
après
avoir pris leur petit déjeuner.
Retrouver une famille
Les pensionnaires participent aussi à la préparation de leurs repas. Dans la
cuisine du centre, ça sent l'oignon et autres condiments. Deux femmes d'environ
70 ans assises, dos courbés, sont en train d'enlever la peau des haricots secs,
trempés dans l'eau, pour les pensionnaires qui souffrent de l'estomac. L'une
d'elles explique : "Cela nous fait plaisir de faire la cuisine ; c'est quelque
chose qu'on avait oublié. Ici, on a retrouvé la vie". Ceux qui en ont encore la
force font la cueillette des légumes, d'autres lavent leurs habits ou ceux de
leurs collègues plus âgés incapables
de quitter le lit. D'autres enfin nettoient les sols à grande eau... Pour Sœur
Marie Vestine, ces activités redonnent le goût de la vie à ceux qui l'avaient
perdu et améliorent la vie au centre.Certains trop âgés, malades ou invalides ne
peuvent plus quitter leur lit. Les Sœurs de la congrégation s'occupent de leur
toilette, les nourrissent et les gardent. M. Tekereza a plus de 60 ans, il est
aveugle et vit depuis longtemps au centre : "Quand je suis arrivé, je n'avais
pas de famille, mais aujourd'hui j'ai retrouvé une famille de gens de mon âge.
On partage tout. C'est très important d'avoir quelqu'un avec qui vous échangez
des idées. Ici, on est moins isolé".
Capacité d'accueil limitée
Malheureusement, le nombre de places est limité dans ce centre qui comporte deux
dortoirs de 20 lits confortables, couverts de draps orange et de couvertures
bien propres. De vieilles mamans de plus de 80 ans, incapables de marcher, y
restent toute la journée en écoutant la radio et en priant. Selon les
responsables du centre, plus de 20 demandes par an sont enregistrées rien qu'au
centre de Kibungo, le seul dans la province de l'Est. Le coût de la prise en
charge des 20 pensionnaires s'élève au moins à 800 000 Frw (environ 1400 $) par
mois. D'où les difficultés financières, car ils ont un seul bailleur de fonds,
le Catholic Relief Services. Selon les responsables du centre, d'autres demandes
de financement
ont été faites car le nombre de nécessiteux ne cesse d'augmenter. C'est la
conséquence du génocide et de la pauvreté comme en témoigne avec chagrin Mme
Isabelle, 83 ans : "Le génocide m'a rendue invalide et a emporté mes enfants. Je
n'avais personne pour s'occuper de moi." Dans les campagnes, les conditions de
vie ne favorisent pas les vieux. "Même les jeunes qui ont encore la force de
travailler ne sont pas en mesure de trouver du travail, car les terres sont
insuffisantes et peu fertiles, explique Mme Uwanyirigira, 60 ans, habitant au
nord du pays. Ils préfèrent résoudre leurs propres
problèmes, car les vieux constituent pour eux une charge inutile.". Une femme
âgée et handicapée, ici depuis 5 ans, raconte qu'à cause de la pauvreté, les
membres de sa famille se sont approprié ses biens et l'ont abandonnée sans
assistance. C'est la paroisse qui l'a amenée au centre.
Face à l'afflux de demandes, les centres donnent la priorité aux personnes les
plus démunies, âgées d'au moins 50 ans. Elles doivent avoir des attestations
administratives ou fournies par la paroisse prouvant qu'elles sont pauvres et
sans assistance.
06-12-2007
Rwanda
Solange Ayanone