Les confidences de Carla del Ponte à Charles Onana
expliquent pourquoi l’ex-procureure du TPIR, Carla
Del Ponte, a été renvoyée d’Arusha et pourquoi
l’ONU pour la remplacer a préféré jeter son dévolu
sur un paisible magistrat gambien proche de la
retraite. Une trouvaille du secrétaire général Kofi
Annan.
Interrogée par le quotidien suisse « La Liberté »
sur la version de Charles Onana, Carla Del Ponte
confirme les révélations du journaliste. « La
procureure affirme avoir rencontré le journaliste et
reconnaît lui avoir bien tenu les propos cités dans
son livre » intitulé Les secrets de la justice
internationale, Editions Duboiris, 480p. 20 euros.
Comment Paul Kagame a saboté le travail de Carla
del Ponte
Dans une interview au quotidien italien La Republica,
Carla del Ponte dira avoir été menacée pour ses
enquêtes au TPIR par le chef de l’Etat rwandais.
Interrogée sur le malaise et la nervosité de Kagame
à propos des crimes commis par l’APR, qu’il
dirigeait en 1994, Carla del Ponte nous a raconté :
« Lorsque nous avons commencé à mener nos enquêtes
sur l’APR, nous nous sommes demandé s’il était nécessaire
d’informer le gouvernement du Rwanda. Après réflexion,
nous avons décidé qu’il fallait non seulement
avertir le gouvernement de nos investigations mais
qu’il fallait surtout essayer d’obtenir sa
collaboration dans ces investigations. J’ai donc décidé
de rencontrer le président Kagame à ce propos. […]
Je dois préciser que nous avions identifié treize
sites correspondant à des lieux où des crimes
avaient été commis par l’APR. Parmi ces sites,
nous avons choisi de travailler sur deux sites
importants où nous avions recueilli le plus
d’indices concrets et d’éléments de preuve.
Lors de notre première rencontre, le président
Kagame m’a assurée de sa coopération en me disant
qu’il demanderait à l’auditeur militaire de coopérer
avec nous. A mon grand étonnement, lorsque j’ai
rencontré l’auditeur militaire, il semblait me dire
qu’il n’était pas sûr que le président Kagame
avait vraiment accepté une quelconque coopération
avec le TPIR à propos de nos enquêtes portant sur
l’APR. Après plusieurs mois de silence, je suis
repartie à Kigali pour rencontrer le président
Kagame. Je me souviens bien qu’il avait demandé à
l’auditeur militaire d’être présent à notre
entretien. Le procureur rwandais M. Gahima était également
venu. J’ai à nouveau fait état du manque de coopération
du Rwanda par l’intermédiaire de l’auditeur
militaire à nos enquêtes sur l’APR.
Dans une attitude assez catégorique, le président
Kagame a dit à la fois à l’auditeur militaire et
au procureur Gahima de coopérer avec le TPIR. En
sortant de cette rencontre, je croyais que les
obstacles étaient levés. J’avais même envoyé une
requête écrite à l’auditeur militaire.
Malheureusement, il n’y a plus eu de suite. Nous
avons naturellement continué nos enquêtes à l’étranger.
J’ai recueilli des preuves suffisantes sur les
crimes commis par l’APR mais j’avais aussi besoin
de poursuivre mes investigations sur le territoire
rwandais. J’ai donc demandé une troisième
rencontre avec le président Kagame. Lors de cette
nouvelle entrevue, son attitude a complètement changé.
Il m’a clairement dit que ce n’était pas ma tâche
de conduire les enquêtes sur l’APR.
Il a souligné que de telles enquêtes relèvent plutôt
de la compétence des autorités rwandaises et pas du
TPIR. Il me dira donc d’abandonner ce travail. Je
lui ai néanmoins rappelé que le TPIR est indépendant
et que si les enquêtes sur l’APR relevaient
vraiment de la juridiction nationale rwandaise, je
n’avais pas de preuve que la moindre enquête avait
été menée jusque-là sur l’APR.
Par conséquent, je réaffirmai mon intention de
continuer à enquêter sur l’APR ».
Dès cet instant, Carla del Ponte devient l’ennemie
jurée du chef de l’Etat rwandais. L’entêtement
du procureur à conduire un travail impartial sera perçu
comme un défi, un affront insupportable à celui qui
n’a jamais hésité à faire assassiner ou à
emprisonner ceux qui lui tiennent tête. […] Comment
les ennemis de Carla del Ponte vont-ils se manifester
? Le procureur raconte ainsi les premiers coups tordus
de Kigali :
« Je me souviens bien qu’on a immédiatement
commencé à avoir des problèmes dans nos procès à
Arusha. Nos témoins ne pouvaient plus venir du
Rwanda, certaines lois ont été modifiées par le
gouvernement rwandais. Les difficultés devenaient
trop nombreuses. Naturellement, personne ne m’a dit
que c’était à cause des enquêtes spéciales
contre l’APR. J’ai quand même bien compris
qu’elles jouaient évidemment un rôle non négligeable
dans tout ce qui nous arrivait. Comme les ennuis
s’accumulaient et que la situation ne se débloquait
pas, j’ai dit à la présidente du TPIR, Mme
Nevanethem Pillay qu’il devenait urgent d’aller
devant le Conseil de sécurité pour expliquer la
situation ».
Kofi Annan a empêché Carla del Ponte de
poursuivre les criminels du FPR
La Suissesse avait mis la main sur un autre dossier gênant
qui montre indiscutablement que les extrémistes tutsi
de l’APR ont commis des crimes atroces au cours de
l’année 1994. Ce dossier communément appelé «
rapport Gersony » a été rédigé par un expert américain
mandaté par l’ONU. Une fois achevé, ce rapport a
été remarquablement étouffé par le gouvernement
Clinton. […] Soucieux d’en savoir davantage sur le
rapport Gersony et sur l’étrange comportement de
l’ONU et des Etats-Unis devant les crimes contre
l’humanité commis en 1994 par l’APR, nous avons
demandé des détails à Mme Carla del Ponte. Son témoignage
est stupéfiant :
« Ce que je peux dire est que le fameux rapport
Gersony est très important. Nous l’avons retrouvé
et il est aujourd’hui dans les dossiers du TPIR. Il
y a tout de même une lettre de quelqu’un qui nous a
fait croire que ce rapport n’avait jamais existé.
Nous avions surtout retrouvé M. Gersony, l’auteur
dudit rapport. Il nous avait avoué que son rapport
existait bel et bien.
Un jour, nous avons reçu un document expurgé qu’on
nous a présenté comme étant le rapport Gersony.
Nous avons finalement interrogé M. Gersony. Il était
prêt à répondre à nos questions, mais il lui
fallait une autorisation de l’ONU. L’ONU lui a
malgré tout refusé l’autorisation de nous parler.
Nous avons tout fait pour obtenir le droit
d’entendre M. Gersony. On nous a dit non. J’en
ai parlé personnellement au Secrétaire général de
l’ONU, Kofi Annan. Mais il n’y avait rien à
faire. C’était non !
Comment comprendre que c’est l’ONU qui refuse que
le TPIR recueille le témoignage d’un homme qui a
enquêté sur les crimes de l’APR en 1994 ? ».
En définitive, rien ne justifie l’absence de l’APR
dans le box des accusés du TPIR. Accusée par Kagame
de « mettre sur un même pied d’égalité les présumés
génocidaires et les gens qui ont arrêté le génocide
» par le ministre rwandais de la Justice, M. Jean de
Dieu Mucyo, Carla del Ponte précise :
« Vous savez, Kagame a aussi dit cela à maintes
reprises. Il me l’a d’ailleurs répété. En réalité,
je ne suis pas là pour faire une évaluation
politique. Je ne mets personne sur le même niveau. Je
travaille sur la responsabilité personnelle et je
traduis en justice ceux contre qui j’ai des preuves.
Mais, enfin, qu’est-ce que ça veut dire mettre
‘‘sur le même pied d’égalité ?’’. Je
n’ai jamais compris ce que cela signifie vraiment.
Car le mandat du Conseil de sécurité ne fait pas de
distinction entre les criminels. Ce mandat n’a
jamais dit qu’il fallait mettre en accusation
seulement les Hutu pour le génocide du Rwanda. Le
mandat dit clairement que chaque Rwandais coupable de
crime en 1994 doit être poursuivi par la justice
internationale. Les preuves que j’ai recueillies sur
l’APR ont été remises à mon successeur, le
nouveau procureur Hassan Bubacar Jallow. C’est à
lui de continuer le travail »1.
A vrai dire, le procureur gambien, Hassan Bubacar
Jallow, n’a pas été nommé pour poursuivre le
travail initié par Carla del Ponte, même s’il
voulait donner l’impression qu’il était ouvert à
tout dialogue. Le 17 janvier au cours d’un entretien
à Radio France Internationale, il n’a pas hésité
à dire que son mandat ne lui permettait pas
d’engager des poursuites contre l’APR. Sa position
est donc claire …et l’ONU laisse faire.
Le rapport de la CIA qui accuse la France dans
l’attentat du 6 avril 1994
Voici comment la CIA a remis un rapport erroné à
l’ancien Premier ministre Jean Kambanda pour
brouiller les pistes et compromettre la France dans un
attentat terroriste. C’est en novembre 1994, lorsque
le gouvernement intérimaire prend le chemin de
l’exil vers l’Est du Zaïre, que des agents de la
CIA entrent en contact avec l’ambassadeur du Rwanda
à Ottawa (Canada), le docteur Ségasayo. Ils lui
demandent de servir d’intermédiaire entre eux et
Jean Kambanda. Ils savent que l’ambassadeur rwandais
est très proche du Premier ministre et qu’il
facilitera la prise de contact. L’accès à Jean
Kambanda ne se fait cependant pas sans difficulté car
il se trouve dans les camps de réfugiés installés
à Bukavu, dans le sud-Kivu (Est du Zaïre). Les
agents de la CIA se font alors passer pour des hommes
d’affaires américains qui veulent organiser un
voyage avec le Premier ministre rwandais aux
Etats-Unis. […] Jean Kambanda se résout à
effectuer le voyage non sans se demander pourquoi tant
d’attention à son égard et surtout pour son pays,
que l’on vient d’abandonner à la folie génocidaire.
Lorsqu’il arrive à Nairobi, les agents de la CIA
lui présentent une série de documents dans lesquels
on trouve un rapport intitulé : Résultats de
l’enquête sur l’assassinat des présidents
Cyprien Ntaryamira du Burundi et Juvénal Habyarimana
du Rwanda, le 6 avril 1994. […]
Une chose est aujourd’hui sûre : ce rapport, venant
d’une agence canadienne dénommée ISTO
(International Strategical and Tactical Organization)
et travaillant pour le compte de la CIA, est un faux.
C’est un modèle du genre comme savent en fabriquer
les services de renseignements de tous les pays.
Quelques noms connus, un scénario invraisemblable,
des événements et des dates imaginaires, mêlés à
une logique apparente. Juste ce qu’il faut pour
laisser croire à l’ancien Premier ministre rwandais
qu’il détient un scoop. C’est ainsi que la
conviction de Jean Kambanda sera faite, que les Français
ont préparé l’attentat terroriste avec Kagame
contre Juvénal Habyarimana. Il y a aussi, dans les
valises des agents de la CIA, un dossier politique qui
affirme que seuls les anciens pays colonisateurs sont
responsables des conflits et de la dérive du
continent africain. Le dossier souligne que les
Etats-Unis, qui n’ont jamais eu de colonies sont
seuls capables de sauver l’Afrique de l’abîme
colonial. Il conclut que le FPR, pas très apprécié
de la population hutu, n’est pas la solution ni à
court, ni à moyen, et encore moins à long terme pour
le Rwanda. En conséquence, les Etats-Unis, qui ont
des intérêts immédiats à défendre dans la région,
préfèrent nouer des liens profonds et rapides avec
les Hutu, et précisément avec le gouvernement intérimaire
en exil. Le discours des agents de la CIA, tissé sur
mesure, est suffisamment éloquent pour persuader Jean
Kambanda d’envisager un voyage aux Etats-Unis.
La bombe qui sème la panique à l’ONU et au TPIR
Selon l’enquête de Charles ONANA
L’ONU n’a aucun fax du général Dallaire sur la
planification du génocide
L’histoire commence le 10 janvier 1994 lorsque ce
fameux Jean-Pierre rencontre le colonel Luc Marchal,
commandant belge du secteur Kigali, et lui raconte
qu’il est membre de la sécurité présidentielle
d’Habyarimana, responsable de l’entraînement des
miliciens hutu et membre de l’état-major des FAR.
C’est sur la base de ces affirmations qu’il aurait
été pris pour un informateur crédible et digne de
foi par le général Dallaire. C’est aussi après
les confidences de Jean-Pierre au colonel Marchal que
le général Dallaire aurait acquis la certitude que
les Hutu avaient planifié depuis un moment un génocide
contre les Tutsi. A l’issue de cette rencontre, le général
Dallaire aurait donc pris la décision d’alerter les
Nations Unies d’un plan des Hutu visant à éliminer
méthodiquement tous leurs compatriotes tutsi. Ce
message de Dallaire est devenu la preuve qu’évoquent
tous les experts et les journalistes sur « la
planification du génocide ». Que disent donc les
faits ? […]
En juin 2003, un avocat canadien, Me André Tremblay,
commis à la défense d’un officier rwandais réputé
être un des cerveaux de la « planification du génocide
» dans le procès des militaires, veut retrouver
l’original de ce fax. Il reçoit une réponse étonnante
de l’assistant du Secrétaire général de l’ONU,
Ralph Zacklin : « Nous avons mené une large
recherche dans les archives de l’ONU pour retrouver
à la fois l’original du document qui avait été
signé par le général Dallaire et transmis de Kigali
ainsi que l’original de la transmission qui avait été
reçu à New York. Nous regrettons de devoir vous
informer que ni l’un ni l’autre de ces documents
originaux n’ont été retrouvés ».
Dallaire a-t-il donc réellement envoyé un fax sur «
le plan d’extermination des Tutsi » le 11 janvier
1994 à l’ONU ? […]
Après le départ de Jacques-Roger Booh Booh en juin
1994, son successeur, M. Shaharyar Kahn, réagit aux
vives attaques des autorités rwandaises qui accusent
l’ONU de n’avoir rien fait pour empêcher le génocide
alors qu’elle avait été alertée dès janvier 1994
par le fax du général Dallaire. […]. Voulant
comprendre ce qui s’est réellement passé, M. Kahn
diligente donc une enquête interne et demande la vérification
de tous les télégrammes, fax, et autres
correspondances échangés entre Kigali et New York.
Il veut savoir si le prétendu fax alarmant du général
Dallaire a été négligé. Il cherche surtout à
savoir comment une information aussi importante
qu’une « planification de génocide » a pu échapper
à l’attention de tous les fonctionnaires de l’ONU.
Il crée donc une commission d’enquête composée de
trois officiers supérieurs. Le 9 novembre 1995, une
note de l’un de ces officiers, le colonel J
Fletcher, au représentant spécial du Secrétaire général,
détaille tous les câbles de Dallaire à l’ONU
depuis décembre 1993 […]. Le 20 novembre 1995, M.
Kahn rend à son tour son rapport, non seulement sur
le fax de Dallaire mais aussi sur la planification du
génocide :
« Shaharyar Khan aux Nations Unies, New York
Objet : mises en gardes de la MINUAR contre le génocide
- Durant la récente conférence sur le génocide,
les officiels rwandais en arrivèrent une nouvelle
fois à la conclusion que les mises en garde du FPR
sur un génocide planifié de longue date par le précédent
gouvernement avaient été, soit supprimées [par le
représentant spécial du Secrétaire général Booh
Booh] soit négligées [au siège des Nations Unies
après les rapports du général Dallaire]. Les
accusations sont faites contre l’ONU, la MINUAR et
les principales puissances notamment la Belgique.
- J’ai nommé un comité constitué du colonel
Fletcher, de monsieur Tikoca qui était
l’observateur militaire en chef et présent au
Rwanda durant la période et de Isel Rivero qui
s’occupait du Rwanda à partir du siège des
Nations Unies à cette époque. Les conclusions de
ce comité sont jointes. Elles confirment le constat
selon lequel il n’y a eu aucune information ni
indication d’un génocide planifié. Il y a eu,
bien sûr, des mises en garde contre des
affrontements armés, de la violence et des tueries
pour des raisons ethniques.
- La note jointe avec les télégrammes vous est
envoyée pour des informations sur le climat
politique ».
Ce document est une véritable bombe au sein même de
l’ONU. Tout le monde s’est assis sur ce rapport
car l’on avait déjà diffusé partout que la tragédie
du Rwanda était un « génocide planifié » et
qu’un tribunal international était créé à cet
effet. Acculé dans la présentation de preuves sur
la « planification du génocide » et sur
l’authenticité de son fax, le général Dallaire
peine. Le TPIR aussi. Huit jours après les
conclusions de M. Kahn, le fameux fax de Dallaire est
mystérieusement introduit au département des opérations
de maintien de la paix alors dirigé par Kofi Annan.
Il viendrait d’une obscure ONG britannique dénommée
Connaughton Camberley Surrey. Cette organisation
aurait envoyé ce document le 27 novembre 1995 à
partir du numéro 0127625210 à 20h16. L’objectif était
probablement d’insérer le pseudo fax du 11 janvier
1994 dans les archives des Nations Unies un an après
les événements du Rwanda et de valider ainsi la thèse
d’un « génocide planifié ». L’administration
onusienne va repérer ce fax douteux. Une note d’un
employé de l’ONU affirme : Ce câble n’a
pas été retrouvé dans les archives du département
des opérations de maintien de la paix. La présente
copie a été introduite aux archives le 28 novembre
1995.
Docteur Tumba Tutu-De-Mukose
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