San
Finna (Ouagadougou)
OPINION
11 Avril 2004
Publié sur le web le 12 Avril
2004
TOZI.
Kagame a-t-il bien ou mal fait d'humilier la France?
Avant même la célébration du 10 ème
anniversaire du génocide rwandais, beaucoup d'encre coulait, révélant
l'intérêt que représentait non seulement pour le Rwanda mais
pour la communauté internationale, cette manifestation.
Effectivement, deux camps se sont opposés
: ceux qui mettaient en exergue la responsabilité de la
communauté internationale et ceux qui attiraient l'attention
sur la responsabilité essentielle de Kagamé dans le déclenchement
du génocide qui a fait plus de 800.000 victimes. En tout cas,
le 7 Avril dernier, à l'occasion du 10 ème anniversaire du génocide,
dans son intervention, le président rwandais n'est pas allé
par quatre chemins pour passer au laminoir la France, se
tournant vers le Secrétaire d'Etat Mr Renaud Muselier, pour
bien marquer le coup. C'est le grand scandale, certains diront
le grand " drap ". Beaucoup félicitent là cette
" impertinence " à la Sékou Touré, à la Thomas
Sankara alors que d'autres estiment qu'à vouloir rechercher le
spectaculaire, on a franchi toutes les limites, foulant même
aux pieds le sens légendaire de l'hospitalité africaine. Deux
sons de cloche.
PAUL KAGAME A DEPASSE TOUTES LES LIMITES
Même si la France, comme beaucoup
d'autres pays, n'a pas fait ce qu'il fallait pour prévenir le génocide
rwandais, il faut tout de même lui reconnaître d'avoir plus
que d'autres pays, essayé de soulager les souffrances des
Rwandais. On ne le souligne pas assez mais c'est la France qui
s'est investie pour les Accords d'Arusha, pesant de tout son
poids pour amener les Hutu à accepter le partage du pouvoir.
Contrairement à tous les pays présents dans le cadre de l'ONU
qui ont vite plié bagages, elle s'est battue au plus fort de la
crise pour lancer l'Opération Turquoise qui, dans une atmosphère
de désorganisation totale, de fin du monde dans cette partie du
monde, a permis d'apporter de l'espoir, de l'assistance, et
surtout de sauver des dizaines de milliers de vies humaines. On
ne peut pas, de façon assez macabre, lui reprocher à la faveur
de cette opération humanitaire, d'avoir empêché que des Hutu
ne soient massacrés. Il y a dans l'attitude du président
Kagame quelque chose de choquant, de peu conforme à la nature
profonde de l'Africain.
Non seulement lui même n'est pas blanc
comme neige dans cette affaire, lui dont tout porte à croire
qu'il a fait abattre le Falcon du président Habyarimana dans le
dessein cynique de déclencher effectivement le massacre et de
se présenter dans sa marche victorieuse comme un sauveur, mais
il a bafoué l'hospitalité africaine. En Afrique, on n'humilie
pas de la sorte un invité, c'est un sacrilège. Sur cette terre
africaine, on préfère comme dit l'adage, vider son grenier
pour l'invité quitte à rester le ventre creux, on préfère
offrir sa vie pour sauver la sienne. Qui plus est, on n'humilie
pas aussi impunément une grande puissance surtout lorsqu'on est
un petit Etat, pauvre de surcroît. Au surplus, ce dont le
Rwanda a besoin aujourd'hui, c'est de prendre appui sur cette
mauvaise conscience internationale pour permettre que des aides
substantielles soient accordées aux survivants, aux
ayants-droits des victimes, et aussi pour la reconstruction. Le
10ème anniversaire va passer et ce n'est pas sûr qu'une fois
l'émotion apaisée, le pays puisse récolter les dividendes
auxquels s'attendait légitimement la population !
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