Depuis
plus de dix ans, la cause semblait entendue : des extrémistes de
l’ethnie hutu ont abattu l’avion du président Habyarimana le 6 avril
1994, afin de pouvoir exécuter le génocide planifié des Tutsis du Rwanda.
De surcroît, avec une complicité de l’Eglise Catholique et de la France,
dont la contreversée opération « Turquoise »aurait visé à
effacer les traces. Le FPR de l’actuel président rwandais Paul Kagamé
aurait sauvé les derniers Tutsis grâce à l’offensive militaire qui
l’a amené au pouvoir le 17 juillet 1994. Et le régime dictatorial
qu’il impose aujourd’hui au Rwanda n’a d’autre but que d’éviter
l’_expression des antagonismes ethniques.
Vous
y avez cru, nous y avons cru, presque tout le monde y a cru. Pourtant
c’est faux. C’est ce que démontre la nouvelle enquête de Pierre péan,
qui retrace la genèse d’un drame qui remonte … en Belgique, avec les
efforts du PRL de Jean Gol pour retrouver le chemin du pouvoir au début des
années ’90. A la tragédie humanitaire se superpose désormais un
scandale politique… et médiatique.
Laurent
Arnauts
Episode
No 2
Dossier
Rwanda : Reproduction intégrale du “Journal
du mardi” Publié à Bruxelles, Bld Emile Bockstael 230. No de Tél.
+32 2 425 04 82
Un
génocide
peut
en cacher
un autre
Même
Si Pierre Péan est coutumier du
fait, rarement un livre d’enquête journalistique n’aura provoqué une
relecture aussi radicale de l’histoire récente. Une relecture à la mesure
des mensonges qui ont été proféré, devrait-on dire. Paul Kagamé, présenté
comme “l’homme providentiel” qui avait mis fin au génocide perpétré
par un peuple Hutu désormais
cloué au pilori, apparaît en effet comme le responsable à la fois direct et
indirect des millions de morts que la région déplore depuis les onze dernière
années. Et le plus effrayant, c’est de constater que la presque totalité
des acteurs européens de cette tragédie rwandaise qui étaient au courant ou
se devaient de l’être, a préféré persister dans l’erreur, si nécessaire
en sacrifiant délibérément la vérité, plutôt que de se déjuger. Sur la
famille libérale en particulier (entendez ici de la Belgique pour les non
avertis), Pierre Péan fait peser le lourd soupçon d’avoir instrumentalisé
à des fins politiciennes un des pires drames que la terre ai connu.
Et
encore ne sait t’on pas exactement jusqu’où a été l’activisme des
thuriféraires du FPR dans notre pays (Belgique) de l’attentat contre
l’avion présidentiel rwandais, le 6 avril 1994, alors que les missiles
utilisés étaient entreposés dans les locaux de l’assemblée nationale
dans la capitale, une escouade de paras belges emmenés par le lieutenant
Lotin a en effet accompli une mystérieuse mission, qui l’aurait amenée,
selon les témoins, à proximité de l’aéroport de Kigali. Un aéroport qui
était contrôlé, lui aussi, par les troupes belges mandatées par l’ONU.
Ce volet des événement, en quelque sorte escamoté par les accusations lancées
contre la France – qui se sont révélés sans fondement – resurgit
aujourd’hui avec d’autant plus de force. Est-ce que, oui ou non, les
Belges ont été jusqu’à prêter main forte à Kagamé dans sa mortifère
ascension vers le pouvoir ? Est-ce que la Belgique, après avoir été
– injustement – soupçonnée d’avoir favorisé les exactions commises
par les Hutus, pourrait être suspectée d’avoir permis celles, tues
jusqu’ici, commises par le FPR tutsi ?
L’accusation
portée à la face du monde par le livre de Pierre Péan est aussi gravissiste
que bien argumentée et étayée. Il faut que notre pays lui aussi apporte une
clarification à la mesure. On ne peut que constater que toutes les raisons
qui ont lieu à la première commission d’enquête sénatoriale sur le
Rwanda en 1997, sont présentes aujourd’hui, suite à la révélation de ces
faits nouveaux, à la puissance
dix. Guy Verhofstadt ne peut plus considérer qu’avec son acte de contrition
il a soldé les comptes de notre pays et de ses responsables. Il faut que
toute la lumière, vraiment toute la lumière soit
faite.
Doit-on
encore présenter Pierre
Péan?
Journaliste d’enquête, il a déjà publié quelque vingt-quatre ouvrages
depuis 1974, dont beaucoup ont suscité un important débat public. Ces dernières
années, Une jeunesse française
(1994) a notamment révélé le passé de François Mitterrand. Plus récemment,
La face cachée du Monde, écrit
avec Philippe Cohen, a créé une onde de choc qui a sérieusement écorné la
réputation jusque-là intouchable du quotidien de référence français. Le
nouveau livre de ce journaliste atypique, qu’il a choisi de dévoiler dans
le « Journal du Mardi », est aussi volumineux(544 pages tout de même)
et fouillé que les précédents. Pourtant, il se lit presque comme un roman.
Et pour cause.
Il
s’attaque à ce qu’il faudra désormais qualifier de mythe contemporain.
Et son enquête touche non seulement certains milieux humanitaires et médiatiques,
moins accoutumés à la remise en question.
Une
remise en question à multiples entrées, qui chacune font tomber un pan de
l’histoire officielle de l’ancienne colonie allemande tombée dans
l’escarcelle belge après la première guerre mondiale, et
indépendante depuis 1962. Les (très) granges lignes, d’abord. Avant les événements
de 1994, le Rwanda était constitué de 85% à 90% de Hutus, et de 8 à 14% de
Tutsis. Dans un premier temps, suivant en cela leurs prédécesseurs allemands,
les mandataires belges (le Rwanda n’était pas à proprement parler une
colonie, mais était administré au nom de la société des nations, puis de
l’ONU) ont favorisé l’ethnie Tutsi minoritaire, à laquelle ils prêtaient
des qualités intellectuelles supérieures – un mythe bien dans l’air du
temps.
Après
la seconde guerre mondiale, la majorité hutue va cependant progressivement
intensifier sa revendication d’une égalité de droits, qui prendra la forme
du « Manifeste des Bahutu » en 1957. Une revendication qui
aboutira vraiment lors de la proclamation de la République le 28 janvier
1961, et la victoire écrasante du parti MDR- Parmehutu du premier président
rwandais(hutu), Grégoire Kayibanda. Par crainte(justifiée) des représailles,
des milliers de Tutsis se réfugièrent dans les pays voisins. Les autres
resteront dans le pays, où ils seront victimes
des représailles hutues à chaque incursion militaire de la diaspora
tutsie. C’est dans ce contexte qu’en 1990 Paul Kagamé, à la tête du FPR
tutsi basé en Ouganda, se trouve face
à Juvénal Habyarimana, président
hutu.
Selon
la version officielle, il est intervenu militairement pour « protéger »
les Tutsis de l’intérieur. Ce que le livre de Pierre
Péan tend à démontrer, c’est qu’en réalité Paul Kagamé
entendait restaurer l’ancienne domination de la minorité tutsie au Rwanda
– et dans la région. Pour ce faire,
il lui fallait un prétexte pour faire la guerre dans un premier temps, et une
légitimation pour asseoir un pouvoir minoritaire tutsie au Rwanda par la
suite. A ces fins, tout porte désormais à croire qu’il a délibérément
« sacrifié »les Tutsis de l’intérieur. Et n’a pas hésité
à se livrer à son tour à un véritable génocide, un deuxième donc, à
l’égard des élites hutus qu’il convenait de décapiter, au sens propre
comme au sens figuré.
L’élément
déterminant de cette nouvelle lecture de la tragédie rwandaise est
la question de savoir qui est l’auteur de l’attentat qui a coûté
la vie au président Habyarimana
le 6 avril 1994, des lors que c’est cet attentat qui a déclanché les
massacres de Tutsis de l’intérieur par les milices extrémistes hutus.
Jusqu’en
2004, la vérité officielle était assez abracadabrante : Ce seraient
les extrémistes hututs eux-mêmes qui l’auraient perpétré, dans le but de
fournir un prétexte pour exécuter un génocide planifié d’avance. Le fait
que le FPR de Kagame ait réussi à imposer cette idée a priori peu logique,
et ce de surcroît sans aucune preuve matérielle, en dit long sur sa capacité
d’influence. Car la longue instruction du juge français antiterroriste
Bruguière, confirmée par celle de son homologue espagnol, Baltasar Garzon,
établit exactement le contraire, sur base des témoignages et d’écoutes
radio, et sur la base de la recherche de la provenance des armes utilisées.
C’est bien le FPR de Kagame qui
a mis le feu aux poudres. Pierre
Péan termine d’étayer ce constat
avec le témoignage d’un membre du « Network Commando» qui s’est
chargé de la besogne.
Doit-on
encore présenter Pierre
Péan?
Journaliste d’enquête, il a déjà publié quelque vingt-quatre ouvrages
depuis 1974, dont beaucoup ont suscité un important débat public. Ces dernières
années, Une jeunesse française
(1994) a notamment révélé le passé de François Mitterrand. Plus récemment,
La face cachée du Monde, écrit
avec Philippe Cohen, a créé une onde de choc qui a sérieusement écorné la
réputation jusque-là intouchable du quotidien de référence français. Le
nouveau livre de ce journaliste atypique, qu’il a choisi de dévoiler dans
le « Journal du Mardi », est aussi volumineux(544 pages tout de même)
et fouillé que les précédents. Pourtant, il se lit presque comme un roman.
Et pour cause.
Il
s’attaque à ce qu’il faudra désormais qualifier de mythe contemporain.
Et son enquête touche non seulement certains milieux humanitaires et médiatiques,
moins accoutumés à la remise en question.
Une
remise en question à multiples entrées, qui chacune font tomber un pan de
l’histoire officielle de l’ancienne colonie allemande tombée dans
l’escarcelle belge après la première guerre mondiale, et
indépendante depuis 1962. Les (très) granges lignes, d’abord. Avant les événements
de 1994, le Rwanda était constitué de 85% à 90% de Hutus, et de 8 à 14% de
Tutsis. Dans un premier temps, suivant en cela leurs prédécesseurs allemands,
les mandataires belges (le Rwanda n’était pas à proprement parler une
colonie, mais était administré au nom de la société des nations, puis de
l’ONU) ont favorisé l’ethnie Tutsi minoritaire, à laquelle ils prêtaient
des qualités intellectuelles supérieures – un mythe bien dans l’air du
temps.
Après
la seconde guerre mondiale, la majorité hutue va cependant progressivement
intensifier sa revendication d’une égalité de droits, qui prendra la forme
du « Manifeste des Bahutu » en 1957. Une revendication qui
aboutira vraiment lors de la proclamation de la République le 28 janvier
1961, et la victoire écrasante du parti MDR- Parmehutu du premier président
rwandais(hutu), Grégoire Kayibanda. Par crainte(justifiée) des représailles,
des milliers de Tutsis se réfugièrent dans les pays voisins. Les autres
resteront dans le pays, où ils seront victimes
des représailles hutues à chaque incursion militaire de la diaspora
tutsie. C’est dans ce contexte qu’en 1990 Paul Kagamé, à la tête du FPR
tutsi basé en Ouganda, se trouve face
à Juvénal Habyarimana, président
hutu.
Selon
la version officielle, il est intervenu militairement pour « protéger »
les Tutsis de l’intérieur. Ce que le livre de Pierre
Péan tend à démontrer, c’est qu’en réalité Paul Kagamé
entendait restaurer l’ancienne domination de la minorité tutsie au Rwanda
– et dans la région. Pour ce faire,
il lui fallait un prétexte pour faire la guerre dans un premier temps, et une
légitimation pour asseoir un pouvoir minoritaire tutsie au Rwanda par la
suite. A ces fins, tout porte désormais à croire qu’il a délibérément
« sacrifié »les Tutsis de l’intérieur. Et n’a pas hésité
à se livrer à son tour à un véritable génocide, un deuxième donc, à
l’égard des élites hutus qu’il convenait de décapiter, au sens propre
comme au sens figuré.
L’élément
déterminant de cette nouvelle lecture de la tragédie rwandaise est
la question de savoir qui est l’auteur de l’attentat qui a coûté
la vie au président Habyarimana
le 6 avril 1994, des lors que c’est cet attentat qui a déclanché les
massacres de Tutsis de l’intérieur par les milices extrémistes hutus.
Jusqu’en
2004, la vérité officielle était assez abracadabrante : Ce seraient
les extrémistes hututs eux-mêmes qui l’auraient perpétré, dans le but de
fournir un prétexte pour exécuter un génocide planifié d’avance. Le fait
que le FPR de Kagame ait réussi à imposer cette idée a priori peu logique,
et ce de surcroît sans aucune preuve matérielle, en dit long sur sa capacité
d’influence. Car la longue instruction du juge français antiterroriste
Bruguière, confirmée par celle de son homologue espagnol, Baltasar Garzon,
établit exactement le contraire, sur base des témoignages et d’écoutes
radio, et sur la base de la recherche de la provenance des armes utilisées.
C’est bien le FPR de Kagame qui
a mis le feu aux poudres. Pierre
Péan termine d’étayer ce constat
avec le témoignage d’un membre du « Network Commando» qui s’est
chargé de la besogne.