(Kagame,Rwanda,génocide,FPR)
Lettre
ouverte à l'attention du Président de la République française.
Cpi: - Assemblée Nationale
- Sénat français
- Parlement européen
- Presse internationale
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Je suis, comme beaucoup de citoyens français,
sérieusement interpellé par l'annonce de la prochaine "visite d'affaire" du
Général Paul Kagamé, prévue à Paris en mars 2011, à l'invitation du MEDEF
(1).
Pour bien comprendre le malaise que partagent avec moi nombre de vos
concitoyens, il est important de mettre en perspective plusieurs
évènements. D’une part les accusations infondées et le comportement odieux
dont ont fait preuve ces dernières années les autorités de Kigali à
l’encontre de personnalités politiques et militaires françaises accusées
sans preuve de complicité de génocide au Rwanda en 1994. D’autre part, les
lourdes charges portées à l’encontre de Paul Kagamé par le rapport mapping
de l’ONU dans le cadre des violations massives des droits de l’homme
commises en RDC par les troupes du FPR.
Ces charges font sensiblement écho aux graves accusations de massacres et
de crimes contre l’humanité formulées à l’encontre du président rwandais
et de ses proches dans les rapports d’enquêtes judiciaires menées par les
juges d’instruction français et espagnol suite aux évènements survenus au
Rwanda en été 1994 et qui ont amené chacun des magistrats à décerner des
mandats d’arrêts internationaux.
Monsieur le Président,
L’examen approfondi de tous ces éléments critiques ainsi que de nombreux
rapports des Nations Unies et des ONG sur l’exploitation illégale des
ressources en RDC par les autorités de Kigali doivent vous faire réfléchir
sur l’opportunité politique d’une telle visite.
Il en va de l’honneur d’un pays et de son peuple tout entier, sa grandeur
et son rôle malheureusement déjà fort amoindri sur la scène internationale
et plus encore sur la scène africaine.
Il ne s’agit assurément pas d’un détail mais d’une réalité que je vous
exhorte à prendre en considération afin de ne pas élargir encore plus le
fossé regrettable qui s’est creusé ces dernières années entre vous, le
peuple français et une grande partie de ses élites.
Mes préoccupations, loin de se vouloir choquantes, s’accordent
parfaitement avec les considérations qui ont poussé les Premiers ministres
espagnol et belge à refuser de rencontrer officiellement le général Paul
Kagamé. Monsieur Jose-Luis Zapatero a en effet préféré décliner sa
rencontre avec Paul Kagamé initialement prévue à Madrid le 17 juillet 2010
lors du Sommet des Nations Unies sur la pauvreté (2) et Monsieur Yves
Leterme a quant à lui également renoncé à cette rencontre lors de la
visite de Paul Kagamé à Bruxelles le 6 décembre 2010 à l’occasion des
Journées européennes du Développement (3).
Monsieur le Président, les impératifs économiques de la France ne laissent
personne indifférent. Tout le monde est conscient que la grandeur de la
France dans le monde passe aussi par la vigueur de son industrie
internationale. Mais je doute qu’au regard de la situation qui prévaut en
Afrique centrale, les intérêts de la France y trouve un quelconque
intérêt. Ils ne sauraient servir que quelques appétits d’ordre privé, sans
ambition et sans vision, qui misent à tort sur le processus d’implosion de
la RDC et sur une hypothétique hégémonie rwandaise dans la région des
grands Lacs. Des intérêts qui ne s’encombrent pas des considérations
d’ordre moral, ce qui est regrettable. On en voit la limite aujourd’hui
avec les évènements en Afrique du nord.
L'image de marque du Général Kagamé s'est fortement détériorée ces
dernières années. Il ne bénéficie plus de la moindre entrée à la Maison
blanche et ses soutiens internationaux se sont érodés même s’ils demeurent
tenaces. L’atrocité des exactions qu’il a commises en RDC ainsi que son
rôle actif dans les évènements de l’été 1994, trop longtemps couverts par
le voile d’une culpabilité dont on comprend à présent qu’elle n’était pas
justifiée, comme se plaisait au contraire à le soutenir Monsieur Kouchner,
sont devenus évidents. Plus aucune tolérance ne devrait dès lors être
affichée à l’égard de pareil personnage. Ce serait une faiblesse dans le
chef de la France, une faiblesse incompréhensible. La France et avec elle
certains de ses concitoyens les plus honorables ont vu leur honneur sali.
Vous devez, Monsieur le Président, rapidement entreprendre une œuvre de
réhabilitation à leur égard. Ils la méritent et n’attendent que cela de
vous. Pas de la compromission.
Permettez-moi pour vous en convaincre davantage de vous remémorer encore
bien les faits suivants :
* LE REGIME DE PAUL KAGAMÉ A L'EXTERIEUR
Dans un récent rapport des Nations Unies (4), le président rwandais a été
directement mis en cause dans des massacres qui ont provoqué la mort de
plusieurs centaines de milliers de rwandais hutu - sans compter encore le
triste décompte de morts congolais à venir - au Congo-Zaïre :
" ... Au moment des incidents couverts par le présent rapport, la
population hutu au Zaïre, y compris les réfugiés venus du Rwanda,
constituait un groupe ethnique au sens de la Convention susmentionnée.
Plusieurs incidents répertoriés semblent confirmer que les multiples
attaques visaient les membres du groupe ethnique hutu comme tel, et non
pas seulement les criminels responsables du génocide commis en 1994 à
l’égard des Tutsi au Rwanda et qu’aucun effort n’avait été fait par l’AFDL/APR
pour distinguer entre les Hutu membres des ex-FAR et les Hutu civils,
réfugiés ou non.
... L’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux) et
les massacres systématiques de survivants après la prise des camps
démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la
guerre ou assimilables à des dommages collatéraux [4]. De nombreuses
atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe
ont été également commises, avec un nombre très élevé de Hutu blessés par
balle, violés, brûlés ou battus ... "
Ce rapport, publié officiellement le 1er octobre 2010, est loin d'être le
premier du genre aboutissant aux mêmes conclusions.
Depuis 1994, d'autres rapports de l'ONU et d'ONG internationales mettent
en évidence l'implication directe du régime de Kigali dans les crimes de
guerre et les crimes contre l'humanité commis au Rwanda et au Congo-Zaïre,
de même que dans le pillage des richesses minières de la République
démocratique du Congo (5).
Cette surabondance d'éléments attestant l'existence d'un régime criminel à
Kigali, nous en ferait presque oublier les enquêtes judiciaires menées par
le juge français Jean-Louis Bruguière et le juge espagnol Fernando Andreu
Merelles (6) qui, elles aussi, pointent la responsabilité de Paul Kagamé
et de certains de ses proches collaborateurs (voir ci-dessous le tableau
synoptique de comparaison).
* LE REGIME DE PAUL KAGAMÉ A L'INTERIEUR
La situation interne au Rwanda s'est fortement dégradée depuis l'élection
présidentielle fin 2010 qui a accordé un plébiscite stalinien au général
Paul Kagamé (7). L'arrestation de l'opposante Victoire Ingabire, le climat
de terreur et les meurtres politiques ont jeté le discrédit sur ces
élections.
La contestation interne au régime de Kigali (8) et la dénonciation de sa
véritable nature (9) ne peuvent plus être passées sous silence :
- le 29 décembre 2010, Gérard Gahima, ancien Procureur général du Rwanda,
membre du noyau fondateur du Front patriotique rwandais, a expliqué que «
deux raisons expliquent pourquoi ce dialogue interrwandais qui rassemble
Hutus et Tutsis, représentants de l’ancien régime et déçus du FPR, doit se
poursuivre en exil : au Rwanda même ce type d’exercice n’est pas possible.
En outre, la diaspora rwandaise est nombreuse, dépassant, en Europe
seulement, les 40.000 personnes. Presque tous les cadres de l’ancien
régime demeurent en exil où ils représentent une opposition forte et
organisée… » (10)
- le 8 février 2011, le Docteur Theogene Rudasingwa, ancien Secrétaire
général du Front Patriotique Rwandais, ancien Directeur de cabinet du
président Paul Kagamé, ancien Ambassadeur du Rwanda à Washington a accusé
Paul Kagamé d'être un tueur et a confirmé le rôle de l'armée de Paul
Kagamé dans les atrocités commises par ce dernier contre les populations
hutu au Rwanda et en RDC (11).
* UN REGIME DECLINANT
Le général Paul Kagamé est donc rattrapé par la vérité historique et il
fait face à une opposition sans précédent alliant les représentants de
l’ancien régime et les déçus du FPR.
L'arrestation et l'emprisonnement à Kigali de Maître Peter Erlinder,
avocat de la défense au TPIR, et son inculpation pour « négation du
génocide » en juin 2010 ainsi que la condamnation de l’assassinat du
conseil Mwaikusa par les Avocats de la Défense du TPIR en juillet 2010
(12) ont fait éclaté au grand jour la distorsion entre la vérité
judiciaire du Tribunal Pénal International pour le Rwanda et les
informations communiquées par certains médias et groupe de pression.
Les assassinats d'opposants politiques et militaires à l'extérieur du
Rwanda, dont la tentative de meurtre contre le général Faustin Kayumba
Nyamwasa en 2010 en Afrique du Sud, ne suffisent plus à endiguer le
mouvement de contestation.
La thèse officielle du génocide des Tutsis de 1994 ne résiste plus pour
sa part à la vérité judiciaire du TPIR et ramène inexorablement aux
événements qui ont menés à l'attentat contre l'avion des présidents rwandais
et burundais en 1994.
Le colonel belge Luc Marchal (numéro deux de la MINUAR 1993-1994) a donné
son point de vue début 2011 (13) et l'expert français auprès du TPIR
Bernard Lugan a expliqué dès avril 2010 (14) :
« ... Le génocide n'ayant pas été programmé, comme cela a été
clairement établi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
(jugement du 18 décembre 2008 dans l'affaire Bagosora et consorts, TPIR-98-41-T),
la France ne pouvait donc savoir qu'il allait avoir lieu.
... En réalité, ces attaques constituent une manœuvre servant à
masquer les véritables responsabilités dans le génocide.
... Le régime de Kigali est inquiet ; le moment approche en effet qui
verra éclater la vérité qui est que c'est en utilisant l'apocalypse du
génocide qu'il a pris le pouvoir et qu'il a été accepté par la 'communauté
internationale'.
Sa légitimité étant fondée sur le mensonge, il veille donc avec un
soin jaloux à ce que l'histoire 'officielle' qu'il a réussi à imposer aux
médias ne soit pas contestée.
... Le plus insolite est que, dans cette entreprise, il bénéficie de
l’aide d’alliés influents au sein de l’Etat français et notamment de la
plus haute hiérarchie du ministère des Affaires étrangères … »
N'est-il pas édifiant que les porte-voix de la thèse du génocide des
Tutsis continuent à nier cette vérité judiciaire du TPIR et qu'ils
continuent à parler de "renforcement du négationnisme du génocide des
Tutsis" ?
Benjamin Abtan s'y est risqué le dernier le 20 novembre 2010 dans Le Monde
mais il n'a jamais réagi à mon droit de réponse (15).
Benjamin Abtan se tait.
* RAPPROCHEMENT DE PARIS ET DE KIGALI
Force est de constater que votre voyage à Kigali le 25 février 2010 (16) a
eu lieu avant que les experts du TPIR ne renseignent correctement
l'opinion publique au sujet des sentences du TPIR détruisant la thèse de
planification de génocide avant l'attentat.
Votre reconnaissance d'"erreurs" françaises lors du génocide rwandais a
suscité un certain nombre de réactions (17).
Le principal objectif de ce voyage a été de renforcer les liens entre la
RDC et le Rwanda pour utiliser les richesses de l’Est que convoitent les
multinationales (18).
La prochaine arrivée du général Paul Kagamé à Paris en mars 2011, initiée
par le MEDEF, aura lieu dans des circonstances sensiblement différentes de
celles de février 2010
En suivant l'exemple des Premier Ministres Zapatero et Leterme qui ont
boycotté le général Paul Kagamé, vous disposerez d'une opportunité unique
pour rétablir l'honneur de la République et de l'armée française injustement
accusés de participation à un génocide : les sentences du TPIR sont
incontestables.
Vous permettrez aussi aux familles de français tués dans l'attentat
contre l'avion des présidents rwandais et burundais d'enfin accéder à la
justice.
En n'annulant pas la visite du général Paul Kagamé à Paris en mars 2011,
vous ne ferez que confirmer, dans la foulée de votre soutien contesté à la
présidentielle à un tour en RDC (19), les propos de ceux qui affirment que
vous êtes "l’ennemi des espoirs démocratiques africains" (20).
L'exploitation des matières premières de l'est congolais a un coût à payer
(21) :
« ... When we consider the suffering and the scale of the
atrocities in Congo, we cannot but recall our own 6 million victims of
Nazi genocide. The "hear nothing, see nothing and do nothing" approach
fails to fulfil the promise to "never again!" stand idly by while human
beings are slaughtered. It denies justice to the victims and questions our
very commitment to humanity. As rabbis we cannot ignore the call of our
tradition ...
Je vous prie d'agréer, Excellence, Monsieur le Président de la République,
l'expression de ma très haute considération.
Stéphane Sonck
Simple citoyen français
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