Les dessous de l'affaire de l'airbus de SN
Brussels Airlines
par J.B Mberabahizi
L’affaire
de l’A330 de SN Brussels Airlines immobilisé à Kigali cache une affaire
autrement plus sérieuse qu’un simple contrôle technique comme le prétend
Kigali, par la voix de Joshua Mbaraga, le directeur de l’Office de l’Aviation
Civile, à Kigali. Il prétend que cet avion a été immobilisé après
qu’un contrôle de routine a révélé une fuite de carburant ! Au-delà
des déclarations officielles par ailleurs contradictoires des agents du régime
FPR, tout un faisceau d’informations montre que cette affaire en masque une
autre.
Représailles
et chantage ou comment récupérer l’avion de Silverback Cargo
Freighters bloqué en Belgique depuis le 09 avril 2005.
L’immobilisation
de l’airbus A330 de SN BA survient plusieurs mois après la décision des
autorités aéroportuaires belges d’interdire l’usage de l’espace aérien
belge et d’immobiliser à l’aéroport d’Ostende, un DC-8 appartenant à
la société Silverback Cargo Freighters basée à Kigali en avril 2005. Et
c’est là que les choses se compliquent.
D’après
Amnesty International (AI Democratic Republic of the Congo : arming the
east, p15, July 2005), le
DC-8 de Silverback Cargo Freighters fait partie d’un lot de 2 achetés
depuis les Etats-Unis à un prix symbolique de 10$ US chacun, à
l’occasion d’un deal d’une grande complexité ! La source ne
précise pas pourquoi. Ce type d’opération est courant dans les opérations
couvertes des services de renseignements occidentaux. Il s’agit de transférer
du matériel à des fins d’opérations spéciales couvertes de façon à
brouiller les pistes.
Toujours
est-il que, continue le rapport d’AI, Silverback Cargo
Freighters a reçu ces avions en mai 2002. Ensuite, cette société,
dirigée par un certain Mupenzi Innocent, a utilisé ces
avions pour transporter du coltan de Kigali à Ostende, à l’aller et des
cargaisons d’armes et de munitions de Tirana (Albanie) et de Bosnie-Herzégovine
via Belgrade à Kigali, au retour.
AI
ajoute que « d’après des responsables albanais, Siverback Cargo
Freighets a organisé entre avril et juin 2003, au moins 4 vols de
Tirana à Kigali transportant des armes. Ils ajoutent que de larges quantités
de munitions ont été transportées. Il s’agit de 3,590,000 de cartouches
de 7.62mm (munitions pour AK-47) et de 85,000 cartouches de 9mm (munitions
pour pistolet ou fusils mitrailleurs). Les officiels albanais ajoutent qu’au
moins un vol a impliqué des transports d’explosifs à partir de Belgrade.
En
octobre 2003, Mupenzi Innocent, le manager de Silverback a proposé ses
services au Ministère de la defense pour transporter des missiles et de
larges quantités de munitions en provenance de Pologne. AI ajoute que “des
sources fiables aux Nations-Unies affirment que l’un des DC-8 de Silverback
Cargo (9XR-SC ) a été loué à une compagne appelée International Air
Services (parfois appelée aussi International Air Express) enregistrée au
Liberia mais basée dans la Zone Franche Ras-al-Khaimah aux Emirats Arabes
Unis. Cet avion a été utilisé entre mars et septembre 2004 pour transporter
des armes des Balkans vers Kigali. Cette compagnie a loué un Boeing 707 de
Air Memphis, une compagnie enregistrée en Egypte, également impliquée dans
des transports de coltan vers l’Occident (Allemagne et les USA). Or Air
Memphis figure également sur la liste des compagnies don’t les avions sont
interdits de survol du territoire belge.
Une
compagnie portant un nom similaire “Regional Internatinal Air Services”
formée en 2003 au Rwanda et exploitant un avion de Moldtransavia, une société
impliquée dans de le traffic d’armes en direction du Libéria et du Burundi
et don’t les operations conduisent à Victor Bout, un intermédiaire cite à
plusieurs reprises dans les rapports concernant les traffic d’armes et de
coltan dans les Grands Lacs.
Le
gouvernement FPR a reçu des armes en provenance de Bosnie Herzégovine et du
commandement US de la SFOR, prélevés sur ses surplus. Ce transfert a été
approuvé le 18 novembre 2004. Après les protestations d’Etats-membres de
l’Union eupéenne, don’t l’opération EUFOR/Althea a pris le relais du
commandement US, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a decide d’annuler
ces exportations vers Kigali et l’annoncé publiquement le 10 décembre
2004.
Il
faut noter, que ces achats d’armes et de munitions ont coincidé avec les
tentatives avortées de prise de Bukavu du Col Jules Mutebutsi et du Gén
Nkundabatware, en juin 2003 d’une part ainsi qu’avec les tentatives de
reprise de la guerre et les operations de Kanyabayonga de décembre 2004.
Au
vu de tout cela, il n’y a pas de doute que l’immobilisation de l’airbus
de SN BA est un acte de représailles et de chantage dont l’intention est de
permettre un marchandage entre Kigali et Bruxelles, en vue de récupérer le
DC-8 de Silverback Cargo Freighters, une compagnie-écran montée par les
forces spéciales de l’APR et qui sert au transport d’armes et de
munitions pour ses opérations couvertes en RDC.
Troublantes
coincïdences
D’une
part, cette affaire survient quelques semaines après l’éruption de combats
au Nord-Kivu entre de prétendus « mutins » rwandophones des FARDC
basées dans la région de Masisi. Cette affaire survient ensuite au moment où
Azarias Ruberwa, l’homme de paille de Kigali à Kinshasa, vient de séjourner
au Rwanda, dans le cadre d’une visite dont l’objet n’a pas été révélé
au départ. Elle survient enfin au lendemain de l’adoption de la loi électorale
en RDC. Une loi électorale qui ne laisse aucune chance au RCD-Goma depuis que
les parlementaires congolais ont refusé le principe des listes bloquées et zébrées
qu’il réclamait ainsi que l’érection de Minembwe et Nyabibwe en
territoires, ce qui aurait permis au RCD-Goma d’espérer y avoir deux sièges
de députés.
Communiqué
de presse du Ministère des affaires étrangères du Royaume de Belgique.
Date: 24/02/2006
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Le Premier Ministre
Verhofstadt et le Ministre De Gucht s'expriment sur l'affaire de
l'Airbus SNBA à Kigali
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Le
gouvernement belge est indigné de l'attitude des autorités
rwandaises dans l'affaire de l'Airbus de la SNBA, qui, du 21 au 24
février 2006, est resté bloqué à Kigali. L'appareil n'a
seulement pu quitter le Rwanda qu'après 72 heures de retard et
qu'après des interventions répétées du Premier Verhofstadt et
du Ministre De Gucht. Ceux-ci se réjouissent que les passagers
bloqués ont enfin pu regagner leur foyer.
Ne pas autoriser le départ d'un avion sans raison légitime est
tout à fait contraire au droit international. C'est pourquoi le
Chargé d'affaires rwandais a été convoqué aujourd'hui au
Ministère des Affaires étrangères.
Un
appareil rwandais de la compagnie Silverback est retenu au sol en
Belgique, depuis août 2005, pour des motifs de sécurité, après
que de sérieux problèmes techniques qui contreviennent aux règles
internationales en vigueur y aient été constatés. Les autorités
rwandaises en ont été informées dans le détail.
En décembre 2005, un règlement visant à établir une liste
communautaire de compagnies aériennes qui ne peuvent plus
desservir les aéroports européens a été adopté par le
Parlement européen et (à l'unanimité) par le Conseil. En
application de ce règlement, la Belgique a fait savoir à la
Commission que la compagnie Silverback fait l'objet d'une
interdiction d'exploitation sur son territoire parce que celle-ci
ne satisfait pas aux normes de sécurité internationales.
Afin de respecter les droits de la défense ( art.7 de ce règlement),
la Commission européenne a adressé un courrier le 21 février
2006 à Silverback. Le règlement européen prévoit clairement
que les compagnies aériennes concernées peuvent être entendues
et qu'elles peuvent faire connaître leurs arguments.
Le même jour encore, les autorités rwandaises ont retenu au sol
l'appareil de SNBA sans en communiquer de raisons fondées aux
autorités belges.
Des tous derniers contacts avec le gouvernement rwandais, il est
apparu que ce dernier a établi un lien évident entre le blocage
de l'avion SNBA et toutes les mesures susmentionnées prises à
l'encontre de Silverback. Ceci est totalement inacceptable,
d'autant plus que l'avion de SNBA répond à toutes les normes
techniques internationales et est en état de navigation.
La Belgique ne manquera pas d'informer
ses partenaires de ces pratiques inadmissibles qui risquent
d'entacher sérieusement l'image du Rwanda auprès de la Communauté
internationale. Si de tels faits devaient se reproduire, cela
risquerait alors d'avoir un effet néfaste sur la coopération
entre les deux pays.
Les relations entre la Belgique et le Rwanda sont au plus
bas. Après l'affaire du père Theunis, le blocage de l'avion
SN pendant 72 heures à Kigali conduit le gouvernement belge
à hausser le ton. Il dénoncera à ses partenaires
internationaux les pratiques rwandaises inadmissibles.
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Convoquée vendredi après-midi par le cabinet du ministre De Gucht,
la chargée d'affaires rwandaise à Bruxelles s'est vu signifier que
les deux pays étaient désormais dans une phase de crise. Bruxelles
n'est pas loin de considérer que les autorités rwandaises se sont
livrées à une prise d'otages sur les passagers de l'airbus belge,
l'appareil ayant en plus été encerclé par des militaires pour en
empêcher l'accès.
Pourquoi cette dégradation des relations ? « Ca ne vient pas
de nous » assure-t-on à Bruxelles, mais le Rwanda joue avec le
feu. Un interlocuteur nous fait remarquer que le Rwanda compte
depuis des années sur la bonne volonté de la communauté
internationale, mais que cette même communauté à mis aujourd'hui
des limites. A commencer par les Etats-Unis de Georges Bush beaucoup
moins conciliants que son prédécesseur Clinton, ami du président
Kagamé.
Depuis le génocide, le Rwanda a occupé le Congo. Plusieurs
rapports de l'ONU l'ont accusé d'avoir pillé les richesses de la
RDC et des voix s'élèvent pour réclamer une plus grande démocratisation
du régime. L'affaire de l'avion SN serait une mesure de rétorsion
suite à la décision belge de clouer au sol un avion rwandais il
y a 6 mois. Mais elle ne doit pas cacher non plus l'irritation
grandissante de Kigali qui accuse Bruxelles d'abriter des génocidaires
et de faire preuve d'arrogance envers ses interlocuteurs
africains. Les menaces du gouvernement belge après l'affaire SN
risquent bien de ne pas apaiser les esprits.
2006/02/27
09:08:59
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