Rwanda: Personnel soignant frustré, malades malmenés
(Syfia Grands Lacs/Rwanda)
Mécontents de leurs nouveaux salaires basés sur la performance, les professionnels de santé du Rwanda se vengent sur les malades qui protestent.. .
Au Rwanda, les 
formations sanitaires sont de plus en plus débordées et le personnel soignant de 
moins à moins motivé… Depuis près d’un an, les médecins et les infirmiers 
jouissent pourtant d’un statut particulier, avec des salaires majorés, basés sur 
un contrat de performance, mais qui restent impayés et varient d’une formation 
sanitaire à l’autre. Pour obtenir l’augmentation de leurs rémunérations, les 
professionnels de la santé font chaque jour un peu plus la grève du zèle. 
Le mécontentement gronde et depuis un mois, les agents de santé des centres 
hospitaliers universitaires de Butaré et Kigali menacent d’arrêter le travail. 
"Nous en avons marre de ces promesses. Il est temps que les décideurs de ce pays 
prennent en considération la valeur du personnel soignant", se révolte un 
infirmier du centre hospitalier de Kigali (CHUK). 
Salaires variables selon la performance
Depuis août 2006, les employés des hôpitaux publics travaillent avec un contrat 
de performance qui détermine chaque mois le niveau de leur salaire. Ainsi, un 
infirmier A1 signe pour un salaire de 24 000 Frw, soit 
44 
$ 
au lieu 
de 450  
, dont les trois 
quarts sont des allocations de performance. D’après le docteur Protais Munyarugamba, directeur du CHUK, cette partie du salaire est payée, tous les 
trois mois, par le ministère de la Santé en fonction de la prestation de 
l’employé telle que jugée par son responsable hiérarchique. Le salaire de base 
mensuel est, lui, payé par le ministère de la Fonction publique.
La grogne s'est généralisée lors de la première cotation à la mi-février 
dernier. Aucun des infirmiers ou médecins n’a eu son salaire complet. "Les 
salaires sont proportionnels à la cote de l’employé", explique un administrateur 
de CHUK. Pour donner un ordre d'idées, sur le salaire de celui qui avait une 
cote de 14 sur 20, ont été retenus environ 50 000 Frw, soit 100 $.
Une méthode qui, bien sûr, n'est guère appréciée. "Si on veut encourager les 
travailleurs, qu’on augmente leur salaire et non la prime, suggère un infirmier 
du CHUK. Si la pratique continue, un grand nombre seront découragés et le 
rendement va manquer". Le système appliqué au personnel soignant l'est aussi aux 
formations sanitaires qui bénéficient de subventions liées à un certain nombre 
de critères, essentiellement quantitatifs : nombre de consultations, de soins, 
d'accouchements… L'objectif étant d'améliorer l'efficacité globale du système de 
santé au Rwanda.
Mais cette méthode d'application récente (2005) dans tout le pays reste mal 
perçue par les soignants et pour l'instant, ce sont les malades qui en 
souffrent. Ces derniers temps, il n’est pas rare de voir un infirmier renvoyer 
un malade sale ou mal habillé. "Retourne à la maison, tu reviendras quand tu 
seras propre", intimait ainsi récemment une infirmière de l’hôpital Rwamagana 
(Est), à un homme d’une quarantaine d'années. Tel médecin frustré ne supporte 
pas les cris de douleurs des patients. Ainsi, monsieur H. V s’est vu chassé de 
l’hôpital de Kigali, malgré sa jambe fracturée qui lui faisait très mal, car "il 
faisait beaucoup de bruit". Au centre de santé de Gikondo, la chargée de la 
mutuelle, qui n'arrive pas à s'occuper des nombreux malades, demande à chacun de 
chercher sa fiche dans les rayons de l’armoire. Et tant pis pour ceux qui ne 
savent pas lire contraints de retourner chez eux.
Patients et soignants fatigués
Actuellement, les agents soignants ne se soucient guère des patients qui 
s'agglutinent devant leurs portes. "De la réception au laboratoire, en passant 
par la consultation ou la pharmacie, ils sont à longueur de journée au 
téléphone, à discuter sur l’évolution de leur situation", témoigne un patient 
fatigué de ce comportement. Lors de la célébration de la Journée internationale 
des malades, le 11 février dernier, les usagers des services de santé ont 
demandé à être bien accueillis par les soignants. "Nous sommes fatigués du 
dégoût que manifestent nombre de médecins et infirmiers envers les souffrants 
qui ont recours à eux", déclare un malade. 
Mais le personnel soignant lui aussi est fatigué, car le nombre de patients, 
assurés d'être pris en charge par la mutuelle de santé, ne cesse d'augmenter. 
Les uns s'estiment dans leur droit de se faire soigner et respecter, les autres 
réclament des salaires adaptés au marché et au surplus de travail auquel ils 
doivent faire face. 
Las de cette mauvaise humeur grandissante, les patients qui en ont les moyens 
recourent aux nombreux cabinets médicaux privés montés par des médecins 
qualifiés. Là, ils sont très bien accueillis. Le contraste est saisissant : un 
même médecin désagréable dans un centre sanitaire public peut devenir très 
souriant dans le cabinet privé où il fait des heures supplémentaires. .. 
Laetitia Umugwaneza
source : http://syfia- grands-lacs. info/index. php5?view= articles&action=voir&idArticle=596