Prodi sait-il qui est celui qu'il récompense ?

Que personne ne touche Kagame.

L'Italie l'accueille avec tous les honneurs et le président du Conseil lui remet un prix contre la peine de mort. Nigrizia est surprise : que l'on ne touche pas un Caïn, d'accord, mais qu'on le récompense…

Paul Kagame, président du Rwanda, ayant conquis le pouvoir par les armes en 1994, est l'un des hommes politiques les plus controversés d'Afrique. Controversé parce que les circonstances qui ont donné lieu au génocide de 1994 (pas moins de 500.000 Tutsis et Hutus modérés y ont perdu la vie) n'ont été éclaircies en rien, de même que le rôle éventuel de Kagame lui-même. Controversé pour la manière dont il a agi au cours des dernières années dans la zone des Grands Lacs, et notamment envers la République démocratique du Congo, contre laquelle il a mené une guerre (1998-2003) dans le but de s'approprier les ressources et certaines parties du territoire de cette dernière. Controversé pour la manière dont il se comporte avec les différents tribunaux chargés du génocide. Controversé pour la manière dont il dirige, au sein du pays, l'administration de la justice concernant les suspects et les condamnés pour le génocide. Controversé parce que son régime ne garantit pas les libertés fondamentales. Malgré tout cela, “Nessuno tocchi Caino”, l'association présidée par Marco Pannella, a eu la bonne idée de récompenser le président Kagame, parce qu'il a aboli la peine de mort. Ce prix lui sera remis cet après-midi par le président du Conseil Romano Prodi. Nigrizia, qui suit jour après jour les cas de pays africains, estime qu'il s'agit d'une récompense paradoxale, qui joue le jeu d'un régime autoritaire et qui ne tient pas compte des nombreux aspects "problématiques" qui ponctuent la carrière politique et l'actuelle vie publique du général Kagame. À ce propos, nous signalons la réaction de Père Aurelio Boscaini, un missionnaire combonien qui a longtemps travaillé dans cette aire et qui a fait parvenir hier aux organisateurs du prix sa protestation. Nous en reproduisons ci-après quelques extraits. "J'exprime toute mon indignation en apprenant que le prix "L'Abolitionniste de l'année 2007" sera conféré aujourd'hui au président du Rwanda, Paul Kagame. C'est comme si l'on me racontait – à moi qui ai été missionnaire au  – une blague ! Je me demande si vous connaissez réellement cet assassin, qui devrait avoir sur la conscience plusieurs millions de morts. Ou bien pensez-vous que ce général est Caïn converti ? Malheureusement non !!! Qui a tué les millions de personnes dans la République démocratique du Congo, après le génocide de 1994 ? Qui a déclaré la guerre à Kabila père ? Qui a abattu l'avion sur lequel se trouvait Habyarimana ? Ou bien faites-vous partie de ceux qui croient au film Hotel Rwanda ?!". "Il suffit qu'un général annonce l'abolition de la peine de mort, et vous devenez assez… naïfs pour le croire ? Où se trouve la démocratie au Rwanda ? Avez-vous demandé à Bizimungu, premier président après le génocide, ce qu'il pense de Kagame ? Et l'avez-vous demandé aux dizaines de milliers de personnes qui moisissent dans les prisons rwandaises ? Voulez-vous remettre le Prix Nobel de la Paix à un Hitler ?". "Je suis absolument contre toutes les guerres (et combien en ai-je vu en Afrique !) et absolument contre la peine de mort. Vous devez requérir l'abolition, et non pas le moratoire. Même si je sais parfaitement que l'on fait un pas à la fois ! Il me semble que vous voulez crier : "Vive l'Afrique des généraux !". Les Tutsis ont réalisé une entreprise médiatique fantastique, et vous, vous vous y joignez !". "L'Italie qui récompense un génocidaire !? Si les Tutsis avaient été vraiment tués en aussi grand nombre (comme tout le monde le raconte), il n'y en aurait plus ! Mais je sais que l'on ne doit parler ni de Tutsis ni de Hutus, comme si nos frères africains avaient oublié l'ethnie ou le clan auxquels ils appartiennent ! Mais les Africains sont fiers de leurs origines ethniques, et ceux qui n'ont rien à perdre les reconnaissent avec joie !". "Vive l'Afrique tout de même, et ceux qui y meurent pour la liberté, sans avoir jamais tiré un coup de feu. Le jour de la liberté est proche pour le Rwanda aussi, si les États-Unis ne soutiennent plus Kagame et s'ils n'achètent plus le coltan que le général-président va voler au Congo !". [Traduit de l'italien]