La croissance est de retour au Rwanda mais les inégalités se sont accrues

 

KIGALI, 14 mars (AFP) - Dix ans après le génocide, l'économie rwandaise a renoué tant bien que mal avec la croissance mais les inégalités se sont creusées, au détriment de l'immense majorité des huit millions de Rwandais qui vivent dans les zones rurales.

La croissance du Produit intérieur brut (PIB), très soutenue en 2002 avec un taux de 9,4%, a toutefois nettement ralenti en 2003 pour n'atteindre que 3,5%, selon une estimation encore provisoire du ministère rwandais des Finances.

"Compte tenu de la mauvaise pluviométrie, la performance de 2003 n'a pas été très bonne, mais la croissance non-agricole a été satisfaisante, de l'ordre de 6,5%", explique le ministre de l'Economie, Donald Kaberuka.

Selon lui, le secteur de la construction a même connu une croissance de 16%. Le gouvernement rwandais espère renouer dès 2004 avec un taux de croissance de 6%.

Les économistes jugent la situation macroéconomique du Rwanda assez bonne.

Le pays s'est engagé dans une politique de privatisations qui devrait concerner à court terme l'opérateur de téléphonie terrestre Rwandatel, et deux des plus importantes entités théicoles du pays.

Le thé est devenu la principale exportation du pays, devant le café et le coltan (colombo-tantalite, minerai très utilisé dans la téléphonie mobile), dont les cours mondiaux se sont effondrés.

Des efforts ont été accomplis également en matière de lutte contre la pauvreté.

Le Rwanda, tout en demeurant l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, est passé de la 173e place à la 158e dans la liste des pays les plus défavorisés.

Le PIB par habitant a également progressé, passant de 228 dollars en 1994 pour s'établir à 260 dollars en 2002.

"Si le PIB par habitant est le double de celui du Burundi, il y a au Rwanda la même proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté", nuance toutefois un observateur étranger, sous couvert d'anonymat.

"Cela signifie que la richesse n'est pas bien distribuée, qu'elle est essentiellement captée par la population urbaine", ajoute-t-il.

L'importante croissance du secteur non-agricole, et notamment du bâtiment, confirme l'effort considérable accompli pour le développement des villes et notamment de Kigali, la capitale.

Cela pose d'autant plus problème que l'immense majorité de la population vit dans les zones rurales, qui sont aussi les plus défavorisées.

Plus de 90% de la population active travaille dans l'agriculture et l'élevage, qui ne représentent que 41% du PIB.

Cette situation pourrait s'aggraver: selon les prévisions, avec une croissance démographique annuelle de 3% (3,1% en 2001), la population rwandaise devrait doubler d'ici 2020. Le pays est déjà l'un des plus densément peuplés du continent.

"Pour l'instant rien n'est fait du point de vue du planning familial pour ralentir l'explosion démographique", regrette un observateur rwandais, qui a également requis l'anonymat.

"C'est une bombe à retardement: si on ne prend pas de mesures immédiatement, la violence risque d'éclater à nouveau entre voisins pour la propriété des parcelles", prévient-il.

Le gouvernement se dit conscient du problème aigu du partage des terres, et prépare une loi sur ce sujet.

Le parti au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR), assume son choix de développement urbain.

"Nous allons faire en sorte de ramener à 50% la part de la population qui vit de la terre, et de développer le secteur tertiaire et urbain", affirme Servilien Sebasoni, un conseiller du FPR.

Pour l'instant, les pistes à l'étude pour atteindre ces objectifs restent toutefois très vagues.