Pas d'ouverture démocratique en vue au Rwanda après les élections

 

KIGALI, 4 oct (AFP) - Le président rwandais Paul Kagame monopolise plus que jamais le pouvoir au terme du processus électoral qui s'est terminé cette semaine, mettant fin à la période de transition en cours depuis le génocide, et qui ne débouche pas, selon des observateurs, sur l'ouverture démocratique escomptée.

Le 25 août, le président sortant Paul Kagame a été élu avec 95,05% des voix, et cette semaine la coalition autour du Front patriotique rwandais (FPR), l'ex-rébellion tutsie du chef de l'Etat, a largement remporté les élections parlementaires.

Paul Kagame, homme fort du pays depuis la fin du génocide de 1994, détient donc tous les leviers des pouvoirs exécutif et législatif. Le gouvernement sortant était dirigé par le principal parti à dominante hutue (ethnie majoritaire), le Mouvement démocratique républicain (MDR).

Le FPR est arrivé au pouvoir il y a neuf ans en mettant fin au génocide, qui a fait environ un million de morts parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon les autorités rwandaises.

Avec les scrutins présidentiel et parlementaires, présentés par Kigali comme les premières élections pluralistes depuis l'indépendance du Rwanda en 1962, le camp présidentiel acquiert une légitimité démocratique.

Mais ces victoires ne sont pas une surprise. L'opposition a d'abord été discréditée et accusée de prêcher la division ethnique, un crime très grave dans ce pays encore traumatisé par le génocide. Puis, avant les élections, les partis et candidats en mesure d'inquiéter le FPR ont été interdits ou disqualifiés.

"Après la victoire de M. Kagame à la présidentielle, le régime avait encore le choix entre deux options", estime un diplomate occidental à Kigali, sous couvert d'anonymat. "Fort de son succès, il pouvait s'ouvrir à une certaine opposition; ou bien, galvanisé par son score écrasant, il pouvait se durcir. C'est ce chemin qu'il semble prendre à la lumière des législatives", ajoute-t-il.

Le FPR et sa coalition ont obtenu la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés.

Selon plusieurs sources proches du parti présidentiel, cette coalition décroche environ 58 des 80 sièges à la chambre basse.

Quant aux deux autres partis représentés à la Chambre des députés, il s'agit d'alliés du FPR.

Dans ce contexte, le partage du pouvoir au sein du gouvernement, prévu par la Constitution adoptée par référendum fin mai, risque de se faire entre une poignée de partis qui sont tous issus de la même mouvance.

"Paradoxalement, le paysage politique à la fin de la transition est plus monolithique qu'après le génocide", relève un observateur de la région, qui a également requis l'anonymat.

Dans l'Assemblée nationale de transition, mise en place après le génocide, huit partis, plus l'Armée patriotique rwandaise (APR), émanation du FPR, disposaient du même nombre de députés.

Parmi ces formations figurait le MDR, qui a dirigé le gouvernement pendant les neuf dernières années et a tant bien que mal servi de contrepoids au FPR, avant d'être dissout cette année pour "divisionnisme ethnique".

Les observateurs de l'Union européenne ont estimé que les élections n'avaient pas eu les effets escomptés en matière d'ouverture démocratique.

"Il est regrettable qu'elles n'aient pas contribué à ouvrir davantage la société rwandaise et à renforcer les libertés fondamentales", a estimé vendredi la chef de la mission d'observation, Colette Flesch, qui a relevé des "irrégularités" et des "fraudes" lors de la présidentielle et des législatives.

"Les éléments concernant la période pré-électorale indiquent qu'il y a du chemin à faire en matière de pluralisme politique", a-t-elle ajouté, en évoquant une "opposition entravée".

Selon certains diplomates européens, les irrégularités constatées par les observateurs seraient d'ailleurs plus graves que celles officiellement relevées. "Il y a eu certaines pressions diplomatiques pour atténuer le rapport" des observateurs de l'UE, a affirmé l'un d'entre eux.