LE GÉNÉRAL PAUL KAGAME ET LE PRÉSIDENT MUSEVENI, CRIMINELS CONTRE L'HUMANITÉ

UN MILITAIRE DE L'ARMÉE PATRIOTIQUE RWANDAISE TÉMOIGNE

Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice au Rwanda
Communiqué nº 45/99
Bruxelles
04.02.99


Le Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice au Rwanda vient de prendre connaissance du témoignage d'un ancien militaire de l'Armée Patriotique Rwandaise exilé en Belgique et estime utile de le diffuser en substance.

TEMOIGNAGE RECUEILLI AUPRES D'UN ANCIEN MILITAIRE DU F.P.R. (*)

«Le témoignage a été réalisé grâce à l'intermédiaire d'un ami connaissant et vivant dans la même ville que cet ancien soldat au grade de sergent au sein du FPR.

Tout au départ de notre conversation, il s'agissait de l'analyse sur la situation actuelle du Rwanda, surtout en ce qui concerne sa sécurité. Au moment où j'ai voulu lui faire comprendre que les choses ne changeront que grâce à la détermination du peuple rwandais, c'est là qu'il m'a avoué que son expérience indiquait qu'on se fait des illusions. Il connaissait tous les méandres du FPR, sa puissance, sa malignité, sa méchanceté et ses calculs.
Quand il a été engagé au FPR, c'était sous des promesses et des pressions de sa tante maternelle. Alors qu'il était sur le point de terminer ses études secondaires à X (**) ( 5ème ), il est parti aux entraînements militaires en Ouganda en 1991(*). C'était le début de sa carrière militaire.
Selon ce témoin oculaire, le FPR n'est pas seulement KAGAME et ses collaborateurs rwandais, c'est aussi et surtout l'Ouganda qui a engagé un grand budget pour le Rwanda. C'est donc comme si KAGAME gérait une province ougandaise. En effet, tous les grades les plus importants comme ceux des officiers (AFANDI selon le terme courant dans l'armée APR ou NRA) se donnaient en Ouganda devant les officiers supérieurs ougandais, bien sûr sur approbation du High Commander. Par exemple, lorsque le rébellion ougandaise intensifiait ses attaques, certains officiers supérieurs dont KAGAME lui-même se rendaient à KAMPALA pour donner leurs conseils. Il est bien sûr de même quand il y avait des difficultés sur le terrain, au sein du FPR, MUSEVENI suivait régulièrement la situation, dépêchait ses conseillers, dont MUSANGWA, pour essayer de redresser la situation.
Les tueries et les massacres se faisaient sous plusieurs systèmes ayant chacun son but et sa signification:
- Concentrer des gens comme des prisonniers dans des maisons et brûler. Chaque fois qu'on conquérait une localité, on prenait des gens et les mettait dans des maisons. Constatant qu'on risquait de perdre la localité en faveur des F.A.R. (***), on brûlait ces maisons pour que les crimes soient attribués à l'ennemi. A Byumba, à Ruhengeri, à Kibungo, la méthode a été utilisée surtout en 1993.
- La dernière méthode, c'était enterrer les personnes vivantes dans des fosses communes. On libérait les gens par dizaine et on les conduisait vers l'endroit où on avait creusé. Au dessus on mettait des feuilles de bananiers. Ils marchaient et enfin ils tombaient dans le trou. A ce moment là, on ne pouvait pas savoir exactement où les morts se trouvaient. Ces gens (au nombre de dix) partaient accompagné par un soldat. Les trous étaient creusés soit derrière les maisons ou des buissons. Ainsi, à un moment donné, le soldat ordonnait le départ en courant un à un, au moment où les autres restaient en attente de l'autre côté de la façade de la maison ou du buisson. Un autre militaire caché à côté du buisson venait les achever par dizaine. Ainsi de suite. On a appliqué cette méthode après avoir appris que les occidentaux filmaient par satellite les tueries et les massacres au Rwanda. Mais aussi lorsqu'il y avait des gens qui, plus tard pouvaient témoigner comme les journalistes, des ONG ou les gens de la MINUAR.
- Une autre méthode consistait à terroriser la population qui avait réussi à se cacher. C'était la méthode de ligoter, éventrer et égorger des individus qu'on attrapait, alors qu'ils étaient des autorités locales, des intellectuels ou d'autres personnes influentes. Leurs corps devaient être exposés sur le passage des fuyards en vue de les inciter à ne plus revenir dans leurs biens.
- C'était au même moment qu'on utilisait AGAFUNI (sorte de houe usée). Tout soldat qui devait garder les positions devait se munir d'AGAFUNI, de couteaux, de grenade et bien entendu des balles et un fusil. Néanmoins, il faut noter qu'en tuant des individus isolés, on faisait l'économie des balles.
- Une autre méthode, c'était rassembler des gens comme si on faisait une réunion pour de nouvelles directives à suivre. Avec des haut parleurs, on lançait des appels aux éventuels populations en cachette. Une fois réunies, on lançait des grenades et on les tuait par des rafales automatiques.
- Des fois, on dirigeait les gens vers une localité minée. Pendant la guerre de 1994, on a utilisé des machettes importées d'Ouganda et celles qu'on avait pillé dans les magasins des commerçants de KIGALI, KIBUNGO et RWAMAGANA. En effet, les machettes qu'on a montré à la presse n'étaient pas celles utilisées par INTERAHAMWE (****); c'était plutôt celles du FPR qui étaient destinées à semer la confusion sur les auteurs des crimes. C'est comme cela qu'au moment de la victoire du FPR, on a filmé beaucoup de machettes qui étaient rassemblées à NYAMIRAMBO, REMERA, NYABUGOGO et à GITI CYINYONI. On les a filmé alors qu'aucun INTERAHAMWE n'avait déposé sa machette par terre jusqu'à sa fuite. C'était plutôt celles qui étaient préparées par le FPR.
Certains combattants s'étaient infiltrés dans les Interahamwe. A Butare par exemple, après le discours de SINDIKUBWABO, ce sont les soldats déguisés en INTERAHAMWE qui ont commencé à tuer par machettes des hutu en vue de pousser d'autres à tuer les tutsi aussi. Mais on pensait que avant que la situation ne s'envenime, les vrais combattants venant du Burundi devraient être déjà là pour protéger le reste des tutsi. C'est le même cas à Kibuye. Notez que si on a bien suivi les événements, on parlait des tueries des INTERAHAMWE avant même qu'elles n'aient eu lieu. Après un certain temps, les tueries commençaient à se faire remarquer.

MOTIVATION:

Tout soldat devait obéir à ses supérieurs. Mais le problème, c'est que on ne pouvait pas savoir exactement qui contrôlait qui. Chaque soldat pouvait à tout moment être convoqué pour aller rencontrer high Commander qui passait sa journée entrain de recevoir par groupe, les combattants. A la fin, on pouvait être tué si on s'était mal comporté, ou si on était accusé de désengagement sur le terrain. On n'a jamais su exactement qui dénonçait les autres. Et puis, on ne pouvait jamais rester tout seul ou à un petit groupe pour causer.

Quand on n'était pas au front, on faisait de l'animation, on creusait des trous, on cherchait de l'eau eu groupe, on mangeait rapidement en groupe. Celui qui finissait le dernier était puni et des fois, quand c'était exagéré, on se faisait tuer, pour dire que vous n'étiez pas contents de la situation. Tout le monde devait manifester un air joyeux.
Mais quand vous aviez un grand nombre de tués, vous accédiez au grade supérieur. Quand il s'agissait d'un soldat des F.A.R. tué, même un simple soldat, vous sautez au moins deux grades. Un caporal des F.A.R. valait le grade d'officier même si vous étiez soldat simple. Pour devenir sergent, le témoin en question avait tué un soldat des FAR. Il a fallu qu'il ait des témoins dont son supérieur hiérarchique gradé sergent.
Ce qui fait mal au témoin, c'est d'avoir été à l'origine de la mort d'un grand nombre de son village dont ses deux oncles paternels. Lui même n'avait pas la possibilité de les sauver de peur d'être tué aussi.
Autre motivation, c'était le moment de l'acquisition du grade d'officier qui se donnait en présence de MUSEVENI en Ouganda et plus tard à MULINDI. A ce moment là, vous devenez officier au même rang que des officiers ougandais et c'est uniquement à cette occasion que vous avez un salaire. Donc, tout le monde combattait pour avoir un jour le grade d'officier, un très grand privilège dans le F.P.R.

LA SITUATION DES COMMANDOS EN BELGIQUE:

Le FPR a envoyé beaucoup de commandos en Belgique. Mais, il y en a d'autres qui ont fui par leur propre gré à cause du mécontentement existant à l'intérieur même de l'armée. Mais pour la plupart de ceux qui sont au service du FPR sont payés par l'ambassade en espèce. Il y en a d'autres qui sont venus en signe de récompense et dans le cadre de la démobilisation pour effectuer leurs études en Belgique. Mais le FPR dit qu'en cas de besoin il peut rapatrier tout le monde. Cependant, les opérations pourront se faire par le biais des arabes en Belgique. Il y en a d'autres qui sont en France et en Hollande. La personne qui est le plus visé est Faustin Twagiramungu, en Belgique.

Le circuit est long, le lieu de rencontre à Bruxelles c'est à Ixelles au café I. et environnants. A Liège, il y a aussi un point de rencontre, mais surtout le lieu d'achat et de passation des armes. Néanmoins, parmi les gens qui sont le plus à l'oeuvre figure P.R (**) dont les numéros de téléphone sont : (**) GSM (**). Figurez-vous qu'il y a des militaires à MATONGE (*****) qui assurent une sorte de service de sécurité dans les lieux de rencontre des opérateurs du FPR .

CONCLUSION

Le constat est que la personne vit encore les horreurs auxquelles lui-même a participé. Il vit une situation de peur, mais il ne sait de quel moyen il peut se racheter auprès des rwandais. D'autre part, il sait que le FPR est capable de tout; même là où il est, il se voit aussi dans l'insécurité pour lui-même et ses parents restés au Rwanda. De toutes les façons tôt ou tard, il pourra témoigner en public s'il constate que les conditions de sécurité sont réunies. »


Notes du transcripteur:
(*) Front Patriotique Rwandais : Mouvement politico-militaire, majoritairement tutsi qui a lancé une attaque contre le Rwanda le 1er octobre 1990, à partir de l'Ouganda, a mis fin au génocide des tutsi dans lequel il a une responsabilité, et responsable du génocide des hutu, toujours en cours, mais aussi de l'extermination des populations non tutsi du Kivu.
(**) Par Mesure des sécurité, les indications pouvant permettre l'identification du témoin ou pouvant mettre en cause inutilement des tiers ont été volontairement escamotées ou modifiées.
(***) Forces Armées Rwandaises : Forces armées de l'ancien régime, défaites en 1994 par les forces du Front Patriotique Rwandais.
(****) Milices extrémistes hutu, responsables, avec certains éléments des FAR, du génocide des tutsi en 1994.
(*****) Quartier africain situé dans la commune d'Ixelles à Bruxelles.

COMMENTAIRES DU CENTRE DE LUTTE CONTRE L'IMPUNITÉ

Ce témoignage assez précis corrobore les informations recueillies par le Centre depuis plusieurs années sur les massacres à grande échelle, commis délibérément par les militaires du Front Patriotique Rwandais (FPR).

1) Il souligne la responsabilité du Front Patriotique Rwandais dans le génocide des Tutsi, rôle que ni la Commission parlementaire belge, ni la Mission française d'information n'ont mis suffisamment en évidence. Outre les faits de provocation des massacres contre les Tutsi rapportés par le témoignage ci-dessous, le Centre rappelle que le FPR s'est catégoriquement opposé au renforcement des forces de la Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) estimant début mai 1994, que le génocide était consommé et qu'il n'y avait plus rien à sauver (la réalité démontrera le contraire), car son principal souci, partagé par ses puissants alliés, était de prendre le pouvoir, quel que soit le prix.
Le Général KAGAME l'a d'ailleurs confirmé lui-même, en déclarant dans un discours prononcé au Parlement européen le 20 janvier 1998, que les pertes en vies humaines et les destructions matérielles étaient le prix à payer pour l'éradication des maux du passé. Le Centre estime que le FPR a instrumentalisé les tutsi qui vivaient au Rwanda avant 1994, comme il le fait aujourd'hui avec les Tutsi Banyamulenge, dans l'unique but de parvenir de s'emparer du pouvoir.
Le Centre formule le souhait que la responsabilité du FPR dans le génocide rwandais qui se poursuit, et des gouvernements étrangers qui l'ont soutenu soit examinée plus en profondeur par la Commission d'enquête de l'ONU à mettre sur pied.
2) Le témoignage illustre, si besoin en était encore, la duplicité, le mensonge et la manipulation des médias utilisés par le FPR pour attribuer ses crimes à ses adversaires. Ces manipulations ont été dénoncées avant nous, par «Amnesty International» («Rwanda - Recrudescence alarmante des massacres», 12/8/1996).
Il démontre aussi la stratégie utilisée systématiquement par le FPR, qui consiste à provoquer l'adversaire pour ensuite donner un prétexte à une action programmée à l'avance. Cette stratégie a été utilisée notamment: En 1994; en avril 1995 lors des massacres de Kibeho (Les témoignages récents indiquent que de faux miliciens hutu infiltrés dans les camps de déplacés ont commencé à tirer sur les militaires FPR qui ont aussitôt riposté à l'arme lourde et fait entre 4.000 et 8000 morts parmi la population civile non armée); lors de la première guerre du Congo-Zaïre en 1996, des organisations humanitaires et des journalistes occidentaux ont véhiculé volontairement ou non, de fausses informations selon lesquelles les anciennes forces armées rwandaises préparaient une attaque d'envergure du Rwanda, propagande qui a servi de prétexte au démantèlement meurtrier des camps et à l'extermination des réfugiés hutu; en 1996-1997 durant les massacres du Nord Ouest (RUHENGERI-GISENYI) où des attaques faussement attribuées à des infiltrés hutu ont été suivies de massacres à grande échelle des populations civiles non armées. Toute la région est aujourd'hui dépeuplée. Ce qui fait dire à certains observateurs étrangers, acquis au régime du Général KAGAME, bien qu'ils soient parfaitement au courant des crimes contre l'Humanité commis par ce régime, que le calme règne à Gisenyi et Ruhengeri, désormais débarrassées des rebelles hutu, repoussés loin au Congo.
Cet argument devrait servir de prétexte à une occupation prolongée du Kivu pour d'obscures raisons de sécurité, avancées bien tardivement, et qui du reste, n'expliquent pas le ballet aérien entre Goma et Kitona et les tentantives de prendre l'aéroport de Kinshasa .
Le Centre avait dans son communiqué n° 29/98 du 18/02/1998 («Plan d'attaque contre les populations civiles du Kivu») dénoncé l'existence d'un plan préexistant aux événements actuels visant à vider le Kivu de ses habitants considérés comme hostiles par le régime rwandais, en vue de les remplacer par des populations moins hostiles. Cette politique de «tutsilandisation» a été expérimentée avec succès au Rwanda, notamment dans le Bugesera.
3) Le témoignage conforte la thèse du Centre selon laquelle l'élimination, froide, systématique et méthodique des populations civiles hutu résulte d'une politique délibérée et conçue au plus haut niveau de l'Etat. La prime est accordée par la hiérarchie militaire au soldat qui tue le plus de personnes. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'ex Colonel KAYUMBA NYAMWASA, responsable de l'élimination physique d'une grande partie de la population civile du Nord Ouest du Rwanda (qui se chiffrait en 1996 à 1.500.000 habitants, dont il ne resterait que 630.000 et peut être même moins - voir communiqué n° 44/98), ait été promu, en guise de récompense, au grade de Général et chef d'Etat major de l'APR ! D'autres cas de promotion de militaires criminels ont été dénoncés par le Centre.
4) Le récit atteste enfin de la présence de commandos de la mort en occident, notamment en Belgique, chargés de traquer les opposants, les militants des droits humains etc. Le Centre a alerté tous les services de sécurité du Royaume de Belgique depuis 1996. Des informations récentes dans le même sens ont été diffusées par deux organisations politiques rwandaises, le Congrès Démocratique Africain et l'Union des Forces Démocratiques Rwandaises.
5) Enfin, le témoin met en évidence la responsabilité directe du Général Paul KAGAME mais aussi du Président ougandais YOWERI MUSEVENI dans les crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, commis au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 jusqu'à nos jours, mais aussi dans l'Est du Congo.
Le Centre demande en conséquence, que le Général Paul KAGAME, la hiérarchie militaire et civile rwandaise responsable de ces crimes, et le Président YOWERI MUSEVENI soient déférés devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, dont la compétence dans le temps et l'espace doit être élargie.
Le Centre exhorte les victimes rwandaises, les anciens militaires du FPR, miliciens et ex FAR, à témoigner, au besoin sous couvert de l'anonymat, et à dénoncer les membres de la hiérarchie militaire de l'APR et des ex FAR qui ont fait d'une bonne partie de la jeunesse rwandaise des assassins. C'est l'unique manière de sauver ceux qui sont encore en vie et qui ne le seront sans doute plus demain si tous les témoins se taisent. C'est l'unique moyen de se racheter au yeux du peuple rwandais.
Pour le Centre,
Joseph MATATA, Coordinateur