Diplomatie Belgique-Rwanda. Florilège de couleuvres que le régime du FPR fait avaler à la Belgique depuis 1994

 
 

20 octobre 2020

 

Introduction

 

Tout observateur avisé de la scène politique et diplomatique de la Belgique aura noté que depuis un quart de siècle, les gouvernements belges successifs, toutes coalitions confondues,: tripartite traditionnelle, arc-en-ciel, rouge romaine, turquoise, jamaïcaine, suédoise,…, jusqu’à la Vivaldi aujourd’hui aux affaires, ont tous fait profil bas quand il s’agissait des affaires touchant le régime installé au Rwanda depuis 1994.

 

Si tous se sont inclinés systématiquement face aux caprices du régime dictatorial de Paul Kagame, certains en sont arrivés ou en arrivent à se compromettre avec ce régime non recommandable et même à humilier la Belgique en tant qu’Etat.

 

La plus récente illustration de cette docilité frisant la soumission de la Belgique au régime du FPR de Paul Kagame est donnée par l’affaire “ Paul Rusesabagina”.  Voici un citoyen belge que le régime de Kagame accuse de crimes graves dont ’’le terrorisme” et pour qui le gouvernement belge autorise le travail d’une commission rogatoire venue du Rwanda.

 

La commission rogatoire rwandaise n’était pas composée uniquement de magistrats. Mais aussi et surtout des agents du Service des Renseignements militaires de Paul Kagame. Ceux-ci furent autorisés à perquisitionner de fond en comble la résidence de Paul Rusesabagina et à emporter tout ce qu’ils voudraient. Mais voici que quelques jours après, le même Rusesabagina est kidnappé par les mêmes services secrets de Kagame et ramené au Rwanda sans qu’il ne s’en rende compte. La Belgique, pays dont il est citoyen a, comme d’habitude, fait profil bas pour ne pas froisser le régime dictatorial de Kagame.

 

Comble d’ironie, l’avocat de Paul Rusesabagina en Belgique se hasarda à aller au Rwanda de sa propre initiative pour rencontrer son client. Mais mal lui en pris, car il y passa une semaine en suppliant de rencontrer son client, mais en vain. Il revint bredouille sans être autorisé à voir Rusesabagina. Encore une fois la Belgique officielle qui, pourtant, avait autorisé même les agents (non magistrats ou avocats) de Kagame à venir perquisitionner chez Rusesabagina en Belgique, fit profil bas pour ne pas froisser le régime dictatorial du FPR de Paul Kagame.

 

Mais pour constater l’étendue des dégâts de cette soumission de la Belgique au régime dictatorial du FPR de Kagame, nous avons relevé quelques faits et dossiers qui montrent la constance et le réflexe d’avaler toutes les couleuvres présentées par le régime de Paul Kagame à la Belgique depuis 1994.

 

Relevé non exhaustif des “couleuvres avalées” par la Belgique depuis 1994

 

  1. Demande de pardon du Premier Ministre belge Guy Verhofstadt à Kigali

 

L’on se souviendra qu’en 2000, le Premier ministre belge, le libéral Guy Verhofstadt, fut parmi les tout premiers dirigeants occidentaux à se rendre à Kigali depuis la conquête militaire du pays par les éléments de l’armée régulière de l’Ouganda sous l’étendard  du FPR et sous le commandement de Paul Kagame, alors Chef des Renseignements militaires de l’Armée Ougandaise.  Il est vrai que la mouvance libérale belge avec le parti PRL de Jean Gol et de Louis Michel avait soutenu de tout son poids l’invasion et la reconquête du Rwanda par les descendants des féodo-monarchistes qui avaient été chassés du pouvoir par une révolution populaire en 1959.

 

Dans le cadre de la politique belgo-belge, ceci était compréhensible dans ce sens que les libéraux devaient damer le pion aux sociaux-chrétiens, leurs adversaires traditionnels alors au pouvoir et censés être plus favorables aux Hutu. Mais de là à aller s’incliner à Kigali devant Paul Kagame et demander pardon au nom de la Belgique pour des crimes non définis et non prévus par la loi et donc inexistants selon le principe de droit : « Nullum crimen sine lege » (il n’y a pas de crime, il n’y a pas de peine sans loi.), que ce pays aurait commis au Rwanda, le geste de Guy Verhofstadt restera dans les annales diplomatiques comme inédit et lourd de conséquences quant aux relations entre les deux pays.

 

  1. Le Falcon 50 abattu à Kigali le 06 avril 1994 : indemnités versées à Paul Kagame et pas aux familles des victimes.

 

L’avion présidentiel qui transportait les présidents du Rwanda et du Burundi avec leurs suites et qui fut abattu au-dessus de Kigali par des missiles sol-air le 06/4/1994 était de type Falcon 50 de fabrication française de l’entreprise française Dassault Aviation, mais assuré auprès d’une société d’assurance ayant son siège en Grande Bretagne. Lorsque les avocats des familles des victimes ont soulevé la question des indemnisations par la société d’assurance comme il se devait, il leur fut répondu, preuves à l’appui, que ces indemnités avaient été versées et qu’un cabinet d’avocats belges avait obtenu que ces indemnités soient versées à Paul Kagame, celui-là même qui avait descendu l’avion ! Ce qui fut fait aussitôt. Ce genre de cynisme est exprimé par un adage en Kinyarwanda qui dit : “Umugabo ugusuzuguye iwanyu  yica so agacyura nyoko”. Littérallement cela peut se traduire : “Un homme qui te méprise toi et ta famille, tue ton père et prend ta mère comme concubine !”.

Certains répliqueront que cette affaire est purement privée et qu’elle a été traitée par les instances judiciaires qui sont “indépendantes”. Mais personne n’est dupe ! C’est seulement en Belgique et lorsque le contentieux oppose les familles des victimes, toutes de l’ancien régime d’un côté  et le nouveau régime de Paul Kagame au Rwanda d’un autre, qu’une telle décision peut passer ni vue ni connue comme une lettre à la poste.

 

  1. Les Forces spéciales de Paul Kagame opérant ouvertement et impunément en Belgique

 

Le régime dictatorial de Paul Kagame sachant que la Belgique accueille le plus grand nombre de ses opposants disséminés dans les pays d’Europe, n’a jamais résiné sur les moyens pour terroriser ceux-ci et pour les faire taire. Lors de chaque visite de Paul Kagame en Belgique, ses agents, arrivés en éclaireurs ou en sa compagnie, n’ont pas hésité à tabasser ceux qui se retrouvaient légalement sur leur passage ou à callaisser les véhicules de ceux qu’ils avaient identifiés comme opposants. Ce fut le cas lors du fameux Rwanda Day quand Kagame devait s’exhiber devant ses fans à “Tour et Taxis” à Bruxelles mais où  les opposants s’étaient aussi donnés rendez-vous pour manifester dans la rue, car ils en avaient reçu les autorisations requises. Les agents de Kagame, en armes, se sont chargés de disperser les manifestants pacifiques en les tabassant au passage et en endommageant leurs  véhicules au su et à la vue de tous les médias tant nationaux qu’internationaux. Quant aux autorités belges, elles se sont confondues dans des excuses et autres explications incompréhensibles mais sans qu’une suite diplomatique ne soit réservée à de tels incidents graves. Bien mieux, la Belgique aurait promis à Kagame en guise d’excuses, qu’elles ne permettraient plus que les opposants manifestent contre lui quand il séjourne en Belgique. Depuis lors, il n’est pas encore revenu pour voir si la promesse serait tenue.

 

  1. Menaces contre des citoyens belges, des résidents ou des visiteurs en Belgique sans protestations : Cas de Faustin Twagiramungu et de Judi Rever

 

Les escadrons de la mort du régime dictatorial de Paul Kagame opèrent en toute impunité à travers le monde surtout en Afrique mais aussi en Europe. Plus particulièrement en Belgique. Les services de sécurité de ce Royaume en sont au courant et tout ce qu’ils font, c’est de prévenir les cibles potentielles que sont les opposants au FPR et quelques fois assurer leur protection rapprochée. Mais ce qui étonne, c’est de constater que les instances politiques n’osent pas lever le petit doigt pour dénoncer ces pratiques du régime dictatorial de Kagame sur le territoire belge et encore moins prendre des mesures coercitives contre le régime qui les commandite.

 

L’ancien Premier ministre du Rwanda de 1994 à 1995, Faustin Twagiramungu, aujourd’hui exilé et ayant acquis la nationalité belge, doit se soumettre à être escorté et se déplacer en véhicule blindé quand le régime de Kagame envoie des signaux selon lesquels cet opposant devrait être éliminé. Il en est de même de la journaliste et écrivaine canadienne Judi Rever quand elle séjourne en Belgique. Mais le plus étonnant est que la diplomatie belge ne peut jamais oser signifier à Paul Kagame que ses agissements sur le territoire belge sont inadmissibles, et encore moins que les autorités belges prennent des sanctions  contre ce régime. Au contraire la Belgique se perd dans des courbettes et excuses benoites au régime de Paul Kagame au moment où elle prend des sanctions sévères et injustifiées contre des pays qui sont accusés pour moins que ça et beaucoup plus démocratiques que le Rwanda. Exemple : le pauvre Burundi qui a le tort d’être plus démocratique que son redouté voisin du Nord et qui doit en être sanctionné.

 

  1. Le cas du Major Ntuyahaga Bernard

 

Le Major Ntuyahaga Bernard est un ancien officier rwandais des ex-FAR. Voyant les rumeurs courir comme quoi il serait recherché par le TPIR  pour son rôle présumé dans l’assassinat des 10 casques bleus belges au Camp Kigali le 07 avril 1994, il s’était lui-même livré au TPIR d’Arusha en 1998. Cependant, ce Tribunal de l’ONU estima qu’il ne le poursuivait plus en retirant l’accusation (Case ICTR-98-40). La Belgique demanda aussitôt qu’il lui soit livré pour qu’elle le juge, les Casques bleus tombés à Kigali étant tous de nationalité belge. C’est ainsi que le Maj Ntuyahaga fut livré à Bruxelles et plus tard jugé par une Cour d’Assises et condamné à 20 ans d’emprisonnement. Après avoir purgé la totalité de sa peine, il fut, comme il se devait, libéré de prison mais placé directement au Centre fermé pour demandeur d’asile. En effet, après le refus de sa demande de titre de séjour en Belgique, il demanda qu’il lui soit permis de rejoindre sa famille vivant au Danemark car il n’avait nulle part ailleurs où aller car il n’avait plus aucune attache dans son pays d’origine le Rwanda.

 

Aussitôt le régime du FPR de Kagame, apprenant la sortie de prison du Major Ntuyahaga Bernard après 20 ans, multiplia les appels par les médias à sa solde interposés demandant que le Major Ntuyahaga devrait lui être livré car la peine encourue ne serait pas assez lourde et que de toutes façons, le régime dictatorial l’accusait d’autres crimes pour lesquels il devrait être condamné au Rwanda. Malgré les supplications de l’intéressé et surtout de sa famille, le gouvernement belge s’exécuta pour satisfaire le régime dictatorial du FPR de Kagame et livra, les mains liées, le major Ntuyahaga à Kigali. Depuis lors, on n’entendra plus jamais parler de lui et peu de personnes, à part ses bourreaux, connaitront quel aura été son sort.

 

  1. Expulsion de l’Attaché militaire et du Conseiller d’Ambassade belges à Kigali ; pas de mesures de réciprocité

 

Une autre couleuvre du Rwanda de Kagame avalée par la Belgique et qui se situe près de nous dans le temps a eu lieu en avril 2020. L’attaché militaire belge à l’ambassade de Belgique à Kigali en compagnie du premier conseiller de cette ambassade ont eu la mauvaise inspiration d’aller déposer une gerbe de fleurs sur le lieu de l’assassinat des 10 Casques bleus belges lynchés par les mutins et blessés de guerre des FAR le 07 avril 1994 au camp Kigali. Comme à la date du 07 avril 2020, ils avaient d’autres  engagements, ils ont décidé d’aller accomplir ce geste annuel la veille, soit le 06 avril 2020. Aussitôt après, le régime dictatorial du FPR de Kagame donna à ces diplomates moins de 48 heures pour avoir quitté le territoire rwandais. Sinon ils seraient arrêtés et écroués pour “négationnisme et révisionnisme” car ils ont accompli ce geste la même date à laquelle certains opposants hutu osent commémorer la mémoire du président Juvénal Habyarimana assassiné le 06 avril 1994. Ils furent donc embarqués manu-militari sur le premier vol vers Bruxelles. Le gouvernement belge, comme à l’accoutumée, ne fit pas grand bruit de cet incident diplomatique et encore moins n’osa pas appliquer la réciprocité indiquée dans pareils cas. Mais plutôt, il poussa l’autoflagellation pour contenter le dictateur de Kigali jusqu’à en réprimander ces pauvres diplomates dont on peut parier que leur carrière est définitivement brisée par la volonté du régime FPR de Kagame du Rwanda.

 

Essai de compréhension des causes de la servilité de la Belgique face au régime dictatorial installé au Rwanda en 1994

 

Un de mes anciens professeurs du Département de “ Problèmes de Défense “ au troisième cycle  à l’IRSD (Institut Royal Supérieur de Defense) de Bruxelles,  année académique 1987-1988, nous disait que depuis 1945, la Belgique n’avait plus de “politique étrangère”. A notre étonnement et pour étayer ses propos, il expliquait que dès sa création en 1830, la Belgique avait opté pour une politique de “neutralité” par rapport aux puissances qui l’entouraient. Puis il lâchait qu’à cause de cette neutralité, elle fut envahie et occupée à deux reprises à moins de 25 ans, soit en 1918 et en 1940.

 

Depuis donc 1945, la politique étrangère belge se résume à s’aligner sur une Superpuissance dont elle partage la vision du monde et donc à qui elle confie sa destinée, en l’occurrence les Etats-Unis d’Amérique. Concrètement donc, les politiciens et diplomates belges, en guise de définition et d’application de la politique étrangère du pays, doivent plutôt se concentrer à déceler les penchants et les volontés de la Super puissance entre les mains desquelles elle a placé son destin, pour s’y conformer et naviguer dans le sens du courant américain.

 

Certains analystes en arrivent à dire que ceci explique pourquoi les gouvernements belges, quelles que soient leurs connotations politiques, sont naturellement contraints à s’incliner face aux caprices d’un régime dictatorial du Rwanda dès lors que ce régime est la création de la Super-puissance à laquelle la politique étrangère belge doit se soumettre.

 

D’autres relèvent que malgré son alignement sur les Etats Unis depuis 1945, la Belgique a aussi quelques forums dans lesquels elle pourrait supplier la Superpuissance de dire à son enfant gâté qu’est le régime du FPR de Paul Kagame de tempérer son obsession à humilier un autre état souverain et allié depuis 1945 aux USA. Ces derniers analystes montrent que la Belgique, en tant qu’Etat, possède plus d’atouts que le régime du FPR de Kagame pour faire comprendre aux USA que leur enfant gâté, le FPR de Paul Kagame, ne devrait pas continuer à humilier politiquement et diplomatiquement la Belgique. Ainsi, la Belgique abrite le siège de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) à  Bruxelles, le siège du SHAPE (Supreme Headquaters Allied Powers Europe) à Casteau près de Mons, sans parler de la Base aérienne de Kleine-Brogel  à Peer au Limbourg qui a abrité (ou abrite encore ?) les ogives de missiles nucléaires à portée intermédiaire américains.

 

A ce titre la Belgique pourrait donc oser regarder le régime dictatorial du FPR de Kagame en face, mais la question est pourquoi tous les décideurs belges s’inclinent et des fois jusqu’à ramper systématiquement devant le FPR de Kagame.

 

D’autres analystes expliquent cet état de choses en faisant remarquer que certains lobbies pro-FPR de Belgique sont plus forts que l’Etat belge lui-même et que leurs intérêts passent avant ceux de l’Etat ‘‘artificiel et insaisissable’’ né du compromis entre les puissances en 1830 et maintenu en vie grâce au compromis entre les communautés qui l’habitent et les lobbies financiers dont il sert de repère, qu’est la Belgique.

 

Conclusion

 

A défaut de trancher entre ces deux essais d’explication de l’attitude de la Belgique vis à vis du régime installé au Rwanda par et avec la bénédiction de la Super-puissance que la Belgique doit singer en matière de politique étrangère, nous dirons que la vérité se situe entre les deux thèses. Autrement dit comme le dit la citation latine : “In medio state virtus” (la vertu se tient au milieu). Mais dans ce jeu politicien, ni le peuple belge et encore moins les Rwandais, n’y trouvent leurs intérêts, mais au contraire, sont réduits en pions manipulables et instrumentalisables par les lobbies qui n’ont que mépris envers eux. La question est de savoir qui, du peuple belge ou du peuple rwandais tels qu’ils apparaissent actuellement, a le plus intérêt, les moyens et la possibilité de se sortir de cette dépendance exacerbée par le libéralisme sauvage et la mondialisation. “That is the question !”

 

Emmanuel Neretse