Rwanda: on ne nous dit pas tout.

 Umva aka karirimbo

Représentant du SG de l'ONU

Lorsque j'ai visité le Rwanda à  la demande de la Commonwealth Human Rights Initiative pour faire un rapport sur l'état des droits de l'homme et la démocratie au Rwanda (en relation avec la demande du Rwanda de rejoindre le Commonwealth) mes premières impressions, en dépit de certains rapports critiques que j'avais lu, étaient favorables:
Le traitement très efficace et courtois envers les passagers à  l'arrivée, une ville (de Kigali) sûre, propre et bien organisée ainsi que des fonctionnaires brillantes et suaves.

 
Le Rwanda jouit d'une bonne réputation au niveau international et son président Paul Kagame est régulièrement saluée par la Banque mondiale, les Etats-Unis et les administrations du Royaume-Uni pour son intégrité, les efforts de réconciliation et les politiques économiques. J'ai été fort impressionné par ses conseils aux Kenyans, lors du National Prayer Breakfast en Mai dernier, de suivre l'exemple de l’engagement de son gouvernement envers la diversité ethnique, la mise en place d’un consensus de bien commun, des valeurs nationales, et l'inclusion de toutes les opinions politiques dans la vie nationale et le développement.

Cependant, j'ai rapidement commencé à  me méfier lorsque chaque personne (en dehors des fonctionnaires) que j'ai interviewées, diplomates, journalistes, professionnels, collectivités locales et de responsables internationaux de la société civile, refusait de me parler, sauf sous conditions d’anonymat.

Quand j'ai lu la constitution, je n'ai trouvé aucune mention de groupes ethniques ou religieux, et suis même tombé sur une législation interdisant les discussions sur l'ethnicité (pourtant d’énormes affiches gouvernementales rappellent aux gens le génocide "contre les Tutsis", alors que beaucoup de Hutus ont également été massacrés). Ceux qui disent, même implicitement, que Kagame et son Front patriotique Rwandais (FPR) ont tués les Hutus inutilement sont lourdement pénalisés, tout comme le sont ceux qui osent remettre en question la version officielle du génocide. Tout cela « colle » difficilement avec le plaidoyer de Kagame pour la réconciliation, l'inclusion ou la confrontation avec le passé.

Les Exilés Hutus

Suite à  la lecture de nombreux rapports du Conseil de sécurité des Nations unies, du HCR ou des ONG internationales, des mémoires de certains hommes politiques rwandais clés et du commandant des forces de l'ONU Roméo Dallaire, ainsi que de la littérature érudite, j'ai appris que, même si bien sûr les Tutsi, avait beaucoup souffert de la main des Hutus, le FPR a également tué des milliers de Hutus, et conduit certains à  l'exil (et puis les a poursuivis dans leur pays d'exil). Les nouveaux arrivants Tutsis se sont approprié les terres appartenant à  des Hutus. Et lorsqu’il l’a estimé utile et nécessaire, le FPR a permis le massacre des Tutsis. Dallaire écrit que « tout ces morts peuvent également être imputés à  Kagame, le génie militaire qui n'a pas accéléré sa campagne (militaire) lorsque l'ampleur du génocide devenait évidente et qui a même ouvertement parlé avec moi, à  plusieurs reprises, du prix que ses compatriotes tutsis pourraient avoir à  payer pour la cause ». C’est ce même Kagame qui a refusé la proposition de cessez-le-feu du général Dallaire pour faire cesser le massacre, parce qu'elle ne convenait pas au grand projet hégémoniste tutsi de Kagame.
Le président rwandais a aussi été cité comme critiquant les gens qui voient la guerre en termes de droits de l'homme. Il a dit que certains conflits sont bons, « une sorte de purification» qui «éclate afin de permettre une véritable transformation (de la société)"..

Le régime de Kagame est basé sur des structures de pouvoir qui fonctionnent parfois en parallèle, et qui court-circuitent parfois, le gouvernement formel, et dans lequel l'armée joue un rôle central. Les recettes de l’état rwandais (qui financent non seulement les institutions publiques mais aussi les élites) dépendent énormément du pillage des ressources minérales de la RDC.

Mode d'extraction

Le régime de Kagame est le principal responsable de l’instabilité  politique et économique dans la région des grands lacs (y compris le renversement du gouvernement congolais), qui leur est bien utile à  son mode d’extraction des richesses du Congo ainsi qu’au maintien de sa suprématie régionale.

  
Le régime de Kagame a mis en place, un réseau régional complexe de transactions économiques illégales, de fraude aux sanctions de l'ONU, d'armement de milices et d’entreprises financières criminelles qui a considérablement appauvri la région.
Tout cela sans compter le mépris et les violations continuelles de l’intégrité territoriale des pays voisins et ainsi que de leurs systèmes fiscaux.

 
Le FPR a fait usage d’une violence extrême, tant au niveau national qu’international.
Il a massacré plusieurs centaines de milliers de Hutus, de citoyens et autres, et est responsable de la mort de plus encore à  travers le déplacement, la malnutrition et la faim. Il a refusé à  des centaines de milliers d'enfants l'opportunité de l'éducation, et privé à  plusieurs millions de personne d’une vie familiale et communautaire. Le FPR a enrôlé des enfants soldats.
L'ONU a documenté abondamment ces pratiques et a, à  plusieurs reprises, critiqué le Rwanda pour son comportement irresponsable en RDC.. Derrière la gentillesse des dirigeants du FPR, la propreté de Kigali, et la lueur de ses buildings à  l’américaine, j'ai trouvé un pays profondément fragmentée, opérant sous l'hégémonie d'une petite élite politique tutsi, qui dirige par l'oppression et la peur.

Un régime de communicants

 
J'ai découvert que ces dirigeants sont extraordinairement efficaces en relations publiques, en particulier vis-à -vis de l'Occident, pour tirer le maximum du sentiment de culpabilité de l'Occident pour n’avoir rien fait pour empêcher le terrible génocide de 1994, visant en grande partie mais pas exclusivement les Tutsis.

 

Traduit de l’anglais par Arthur Ngenzi / SaveRwanda

  Source : The Standard of Kenya