NIYONGIRA Janvier  
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Rennes le 25 juillet 2007

 

Lettre ouverte à Monsieur Bernard Kouchner
Ministre des affaires étrangères et européennes de la France
37, Quai d’Orsay - 75351 Paris
 

 

Objet : Rwanda – Kagame est-il digne de confiance ? 

 

Monsieur le Ministre,

C’est pour quatre  raisons péremptoires que je me permets de m’adresser à vous. La première est de vous faire prendre conscience à vous et à l'opinion publique que vous avez été systématiquement intoxiqués, manipulés ou en tout cas sérieusement mal informés sur le rôle de Kagame et/ou du FPR dans le génocide rwandais et figurez-vous monsieur le ministre que j’ai parfaitement conscience de combien cette mission est difficile vu votre implication aux côtés du FPR, particulièrement suite à votre déclaration de confiance au président rwandais Kagame.

La deuxième c’est pour la mémoire de ces centaines de milliers de victimes innocentes qui, apparemment, risquent d’être les oubliés de cette mascarade politique. La troisième c’est pour mettre les véritables responsables de ce scandale de l'histoire face à leurs responsabilités dont Kagame lui-même et certains de ses proches du FPR;

Et enfin comme tout citoyen du monde militant pour les droits et les libertés de chaque peuple, je fais honneur à mon engagement pour  une justice impartiale, une réelle réconciliation nationale et une paix durable au Rwanda. Monsieur le ministre, permettez-moi pour commencer, de revenir sur trois extraits de déclarations ci-dessous : 

1.- « Le président rwandais Kagame réplique au juge Bruguière, article publié le 24 Novembre 2006 par Philippe Bernard,Source LE MONDE Extraits : …L'actuel président rwandais, Paul Kagamé, a vivement répliqué, mercredi 22 novembre, aux accusations du juge. « M. Bruguière est un imposteur, un politicien. Ce n'est pas un juge, a-t-il déclaré sur France Culture. » 

2.- "La France tente de détruire notre gouvernement ; nous ne voyons aucune nécessité de garder des relations avec un pays hostile", a martelé Charles Murigande, le ministre rwandais des Affaires étrangères, pour qui toute cette affaire est politique alors que Paris s’abrite derrière le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs pour ne pas commenter une décision de Justice. » 

3.- Bernard Kouchner souhaite que les relations entre la France et le Rwanda soient rétablies « au plus vite ». En visite, jeudi, à Addis Abeba, le ministre français des Affaires étrangères a révélé qu’il s’était entretenu au téléphone avec le président rwandais Paul Kagame : « Je lui ai renouvelé la confiance que j’avais personnellement en lui et que la France mettait dans le rétablissement de relations normales au plus vite avec ce pays ». 

 

Monsieur le ministre,

 

Les sentiments personnels peuvent parfois nous priver de notre lucidité, mais jusqu’à remettre en doute les décisions des institutions judiciaires de son propre pays en accordant une pleine confiance et une couverture à des criminels poursuivis par la justice française, c’est un vrai mystère. Faut-il vous rappeler monsieur Kouchner que vos sentiments d’aujourd’hui sont ceux du ministre des affaires étrangères de la France ; or vous semblez ne pas connaître ou connaître très peu le FPR, et moins encore son chef suprême monsieur Paul Kagame. 

Vu les déclarations ci-haut citées, votre homme de confiance a le privilège devoir de juger et de condamner, assorti d’une jouissance de droit d’impunité, d’une immunité qui s’étend sur tous ses proches et d’une obligation de protection de tous les criminels du FPR. Ses propos révèlent pourtant le désir profond du Président Kagame de vouloir dissimuler ses responsabilités dans le génocide et sa banalisation de la justice. Kagame veut voir tout le monde jugé sauf lui et ses proches. Comment expliquer monsieur le ministre, que ce juste et irréprochable Kagame puisse avoir peur de la justice alors qu’il ne cesse de clamer haut et fort son innocence. 

 

Monsieur le Ministre,

 

Pourquoi Kagame peut-il, lui, instruire un procès, uniquement à charge, contre la France, et pousser de l’urticaire quand cette même France s’intéresse à son implication supposée ou réelle dans la pulvérisation du Falcon 50 où deux présidents burundais et rwandais et trois ressortissants français ont péri ? Cette frilosité est très suspecte. C’est vrai, il n’est jamais aisé de parler du Rwanda qui a souffert le martyre, de sorte que la moindre critique peut paraître déplacée, avec le risque d’être traité de négationniste comme cela arrive souvent. Pour autant, il faut prendre garde à ce qu’il ne devienne pas l’Israël des Grands Lacs, un pays intouchable parce qu’il a vécu l’innommable, mais qui peut se permettre tout et son contraire, déstabiliser par exemple une région entière pour, dit-on, assurer sa propre sécurité, condamner ou faire condamner des innocents, sans qu’on puisse émettre le moindre reproche sur ses dirigeants sous peine d’être traité de révisionniste. Car, ce pourrait être la porte ouverte et le prétexte à tous les abus, si ce n’est déjà le cas.

Il est vrai que le Rwanda, pays libre de droit et indépendant de fait, a tout le pouvoir de rompre ses relations diplomatiques avec qui il veut, notamment les Français, jugés hautains, méprisants, exploiteurs et responsables de tous leurs malheurs,

Et bien sûr que le courage de cet ancien guérillero-maquisard ougandais et ex-rebelle rwandais, Kagamé l’anglophone, de couper le cordon ombilical qui le reliait à la France a été vécu par certains comme une nouvelle décolonisation et un acte de bravoure, notamment dans de nombreux pays et dans beaucoup de milieux intellectuels africains. Une commission rwandaise de sensibilisation anti-française a été mis en place à cet effet avec pour mission de convaincre les pays africains à tourner le dos à la France et à adhérer à l’anglophonie, et détrompez-vous monsieur le ministre, ce ne sont  pas vos déclarations enjôleuses qui lui feront faire marche-arrière.Kagame peut toujours jouer à la vierge effarouchée, au vertueux outragé, il n’est certainement pas l’ange qu’il veut faire croire, vous devriez le comprendre monsieur Kouchner.

Comment vous expliquer que ce président rwandais utilise le génocide pour en faire une inépuisable exploitation politique, s’assurer d’une totale impunité, en finir avec toute les intentions ou volonté de contestation et de revendication en recourant à tous les moyens possibles pour bâillonner tous les leaders d’opinion et éliminer les interlocuteurs potentiels, bref, pour asseoir un régime autoritaire et dictatorial et museler l’opposition.

Prenons le cas des attaques de Kagame contre l’Opération Turquoise, j’espère que vous savez très bien qu’elles sont absolument sans fondement, inspirées par une dialectique propre aux régimes totalitaires. Il est vrai qu’il était trop tard pour empêcher le génocide, mais Turquoise a permis d’y mettre fin en sauvant des milliers de vies.

Pourtant quiconque voudra défendre ces militaires injustement attaqués ou contribuera  à l’établissement de la vérité sur ce drame sera traité par Kigali de « négationniste » ou « révisionniste » ; Kagame s’attribue à lui seul le droit exclusif de connaître la vérité, les justes, les innocents ou les coupables dans le drame rwandais.

Franchement, la question n’est pas de nier le génocide rwandais, mais de chercher à comprendre le pourquoi, le comment, et le rôle de Kagame et de son FPR. Et s’il s’avère que la réalité est plus complexe qu’on ne le pensait, c’est refuser de la voir que d’accuser de révisionnisme ou de négationnisme ceux qui cherchent à l’éclairer. Car dénoncer les crimes et les manœuvres de Kagame et du FPR au pouvoir ne consiste pas à nier le génocide ni à ignorer les responsabilités de l’équipe qui était antérieurement au pouvoir au Rwanda.

Les massacres commis à partir du 7 avril 1994 devraient encore faire l’objet de beaucoup d’investigations et il est évident que la présence de KAGAME et son FPR empêchent toute enquête sérieuse et indépendante. Les treize ans d’usure ont en fin de compte permis de démasquer le vrai visage du FPR, une organisation criminelle et terroriste qui ne peut apporter ni la démocratie au Rwanda ni la réconciliation entre les Rwandais. Le peuple rwandais continue à vivre sous la terreur de ses compatriotes qui se comportent comme une force d’occupation. Des révélations irréfutables mettant en évidence la responsabilité criminelle et politique des dirigeants du FPR dans le génocide rwandais continuent à s’accumuler.

Le FPR n’a ni la légitimité ni l’autorité morale pour continuer à diriger le pays. Celui qui le soutient ne diffère en rien de celui qui a soutenu les interahamwe.

Tous les prétendus modérés du FPR ont été assassinés ou mis à la porte et c’est aujourd’hui seulement qu’ils comprennent qu’ils ont été utilisés par des politiciens irresponsables, n’ayant pas prévu que KAGAME et ses militaires n’ont jamais eu la moindre intention d’installer un régime démocratique au Rwanda et qu’aujourd’hui ils décident du droit à la vie ou la mort.

Ces modérés qui ont travaillé aux côtés du « pacifique démocrate Kagame » sans partager ses crimes ont tous fini par la mort, la prison, ou l’exil.

La liste est longue mais je me limiterais à quelques cas :          

- Exil : Les 2 des 3 premiers ministres du FPR Twagiramungu Faustin et Rwigema Pierre Célestin, Le Président de l’Assemblée Nationale Sebarenzi Joseph, Le Ministre de la Défense Col. BM Emmanuel Habyarimana, es 2 des 3 Ministres FPR des affaires étrangères Gasana Anastase et Ndagijimana JMV, 7 autres ministres de différents ministères, Des officiers supérieurs ou subalternes, des députés, des évêques, des hauts fonctionnaires…

- Prison :  L’Ex-président Bizimungu Pasteur, Le Ministre des travaux publics Ntakirutinka, Beaucoup d’officiers supérieurs, militants des droits de l’homme, journalistes, religieux, …

- Assassinats  : Le Ministre de l’intérieur Sendashonga Seth, Le Préfet Kabera Assiel, Le Député Colonel Lizinde, Major Cyiza, etc…Le cas du génocide rwandais est une affaire très particulière et n'a pas de précédent dans 1'histoire de l'Humanité ! Le comprendre n'est pas chose aisée pour un non-Rwandais et des personnes de bonne foi peuvent se laisser abuser.

 

Monsieur le ministre,

 

Vous n’êtes donc pas le premier à tomber dans le piège du FPR, Bien d’autres avant avaient la même vision que vous sur ces événements tragiques qui ont endeuillé le Rwanda et considéraient votre protégé Kagame « l’Innocent, le grand Libérateur et Justicier » comme l’homme qui a mis fin au génocide. Mais à la différence de vous, c’est que ces autres, s’appuyant  sur de nouvelles sources, de nouveaux témoignages, de nouvelles révélations, ont pu se rendre compte de la manipulation du FPR et revenir sur leurs considérations et ce sont eux qui, aujourd’hui, demandent que la vérité sur le rôle du FPR dans le génocide et les crimes contre l’humanité soit établie, particulièrement celui de Kagame, vrai responsable et coupable. Il ne sert donc à rien de faire de l’autisme polico-diplomatique, scientifique ou historique, en s’arc-boutant sur des connaissances obsolètes depuis bientôt douze ans, une prise en compte de leur évolution s’impose, les preuves, les documents et les témoignages nouveaux dont certains sont joint en pièces annexes à la présente, devraient vous aider à mieux comprendre et à changer votre analyse.

Les rwandais n’ont besoin d’autre réconciliation que d’avoir un Etat de droit, une justice impartiale, indépendante et effective, et une paix durable. La solution aux problèmes rwandais exige un dialogue entre les différentes composantes de la société pour qu’ils se mettent d’accord sur un meilleur système de gouvernance et les règles de la gestion du pouvoir politique, en établissant des mécanismes constitutionnels et institutionnels qui sécurisent et rassurent tout un chacun. Ce processus devrait aboutir à la mise en place d'une démocratie consensuelle susceptible d'assurer la coexistence pacifique entre toutes les communautés rwandaises, où les individus se reconnaissent d’abord autour des idées politiques ou autres qu’ils partagent et non sur base de l’ethnicité. Il est essentiel pour instaurer une paix durable au Rwanda d’établir des responsabilités individuelles, la vérité sur les faits commis au Rwanda avant, pendant et après le génocide de 1994 et d’accorder des réparations aux victimes.

Votre déclaration , Monsieur le Ministre, n’a fait que redonner espoir aux criminels dans leur climat d’impunité. Tous les responsables de cette triste tragédie doivent être traduits en justice. Après le premier échec dû à l’incapacité d’éviter le génocide, la communauté internationale et la France en particulier, ne devraient plus fermer les yeux devant les pratiques antidémocratiques et inhumaines du régime de Kigali. Car, la dictature actuelle, tout comme la précédente, constitue un terrain favorable à de nouvelles violences politiques et sociales. Soutenir l’action de la justice et lutter contre l’impunité, c’est rendre un service aux rwandais.

Connaissant votre attachement au principe d’"ingérence humanitaire" et votre combat pour le respect des droits de l’homme et la dignité des peuples, je suis persuadé, Monsieur le Ministre, que cet appel ne vous laissera pas indifférent et que votre réaction sera à la mesure des espoirs légitimes du peuple rwandais.

Dans l’espoir que vous tiendrez compte de mes sentiments personnels et de mon avis sur la question rwandaise en général et sur Kagame en particulier, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération. 

 

NIYONGIRA Janvier