WOLUWE-SAINT- PIERRE, 7 AVRIL 2009
Monsieur le Chargé d'Affaires,
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs,
Tout au long de cette semaine, le monde entier fait bloc derrière les
Rwandais pour se souvenir avec eux du génocide de 1994. Sachant à quel point
cet horrible événement a marqué les Belges, ma collègue Museminali m'avait
convié aux cérémonies qui se tiennent aujourd'hui à Nyanza, au Rwanda. Je ne
pouvais malheureusement pas m'y rendre et j'ai donc absolument tenu à me
joindre à vous tous aujourd'hui, ici à Woluwe-Saint- Pierre.
Nous sommes ici au cœur de l'Europe mais nos pensées sont à six mille
kilomètres d'ici, au cœur de l'Afrique, avec tous les Rwandais et tous ceux,
rescapés ou familles de victimes, qui commémorent aujourd'hui le 15ième
anniversaire du génocide de 1994. Mes pensées vont aussi aux familles de nos
soldats tombés lors de cette tragédie sanglante.
15 ans après les faits, en entendant les propos qui sont parfois tenus ici
ou là, certains en arrivent parfois à se poser des questions qui mettent mal
à l'aise. « Tout cela a-t-il eu lieu ? » « Est-ce vraiment possible que cela
se soit passé comme on nous le dit ? » « La vérité n'est-elle pas tout autre
? »
C'est justement parce que de telles questions sont posées qu'il convient de
se souvenir. Le débat sur les responsabilité s des uns et des autres dans le
génocide ne sera sans doute jamais tout à fait clos. De nouveaux faits
viendront immanquablement alimenter ce débat. Longtemps encore, les échanges
de vue seront vifs sur les réparations apportées ou encore à apporter ; et
les discussions sur la justice à rendre ou la manière dont elle est rendue
auront cours encore pendant des lustres. Ces échanges sont nécessaires,
salutaires dirais-je même. Mais il importe d'éviter qu'en se focalisant sur
l'arbre, ils n'en arrivent à cacher la forêt. Et la forêt dont il est ici
question, ce sont ces centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants
fauchés en 1994, assassinés par la folie meurtrière des hommes. C'est cette
multitude de victimes innocentes massacrées en raison de leur appartenance
ethnique ou en raison de leur refus de faire une différence entre Hutu et
Tutsi. C'est ce million d'êtres humains qui étaient et qui depuis 1994 ne
sont plus. Oublier ces victimes, ou bien pire encore, nier leur disparition,
c'est un outrage fait à leur mémoire.
Je sais que tous les Rwandais, qu'ils soient là-bas ou dispersés à travers
le monde, ne se reconnaissent pas nécessairement dans les cérémonies du
souvenir organisées par les autorités rwandaises au cours de cette semaine.
Les raisons en sont multiples et certaines d'entre elles sont tout à fait
compréhensibles. Mais dans mon message adressé aujourd'hui en priorité à
tous les Rwandais, je veux simplement dire que l'heure n'est pas à la
polémique mais seulement au souvenir de tous les morts ; l'heure n'est pas à
la division mais bien au ralliement du « plus jamais ça ! »
En effet, il importe de commémorer le passé douloureux pour éviter qu'il se
répète et parce qu'un pays qui oublie son histoire risque de bâtir son
avenir sur du sable. Au Rwanda plus qu'ailleurs, c'est particulièrement
crucial car victimes et bourreaux sont issus du même pays et l'avenir de ce
dernier ne pourra être réussi que si les adversaires d'hier, les anciens
bourreaux et leurs victimes, acceptent l'idée même de la
réconciliation et du dialogue.
Ce n'est certes pas facile car il faut pour cela transcender
les haines, les rancœurs et les sentiments d'injustice et d'abandon. Pour
mener à bien ce difficile exercice, les Rwandais pourront compter sur toute
l'aide que la Belgique pourra leur prodiguer.
Mais ils devront surtout compter sur eux-mêmes.
La Belgique continuera à soutenir le Rwanda en étant pleinement consciente
que ce soutien n'aura de sens que si les Rwandais eux-mêmes parviennent à
cicatriser leurs blessures par des solutions consensuelles,
courageuses, réalistes et ambitieuses. C'est là une condition sine
qua non pour que leur pays renoue définitivement avec le développement et
qu'il se reconstruise. C'est aussi un impératif pour que toute la région des
Grands Lacs respire et tourne définitivement la page de la violence.
Je vous remercie de votre attention. |