Jean
Paul Munyarukato
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Chers
Collègues,
Nous
avons l’honneur de porter à votre attention cette proposition sur la mise
en place d’une journée consacrée à la mémoire des victimes du Front
Patriotique Rwandais (FPR) dans l’intention de susciter de plus amples
discussions sur ce sujet au sein
de vos associations respectives.
Cette
proposition s’inscrit dans une logique de campagne pour une justice
impartiale au Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Ce tribunal
a toujours poursuivi une politique du fait accompli vis à vis des crimes de
guerre et des crimes contre l’humanité qui ont été commis par les membres
du FPR. Du nouveau, cependant : le discours officiel à Arusha
s’articule désormais au tour d’un sophisme jallowien qui dit :
« Nous avons clôturé la phase des investigations et continuons à
examiner les allégations de massacres contre les éléments du FPR.»
La
commémoration des victimes du FPR servira à préserver la connaissance des
crimes du FPR dans l’espoir de pouvoir un jour traduire les auteurs de ces
actes devant la justice. Il s’agira d’une mesure de soutien aux efforts
visant à redresser l’injustice et à désamorcer la tension sociale
qu’entraîne le silence sur les
crimes du FPR. En effet, ce silence met sérieusement en péril la stabilité
des institutions de l’Etat et les chances d’émergence d’une société
rwandaise réellement réconciliée, une société confiant dans son avenir et
dans l’intégration dans l’EAC (East African Community), une société
consciente de son rôle dans l’établissement d’une paix durable dans la
sous région des Grands Lacs.
La
proposition d’une journée consacrée à la mémoire des victimes du FPR ne
dispute pas légitimité et opportunité à la journée nationale consacrée
à la mémoire des victimes du génocide rwandais. Elle est formulée dans
l’esprit de promouvoir l’idéal
d’une journée nationale unique consacrée à la mémoire de toutes les
victimes du génocide et autres actes d’extermination des masses au Rwanda.
De notre point de vue, il s’agira d’ailleurs d’une mesure temporelle qui
perdra sa raison d’être à partir du moment où le gouvernement rwandais
reconnaîtra d’une manière
transparente et vérifiable les massacres du FPR et la nécessité de rendre
justice aux victimes de ces massacres.
Cette
proposition est principalement inspirée par l’ampleur inouïe des massacres
systématiques que les éléments du FPR ont commis au Rwanda et dans les
camps des réfugiés rwandais en RDC. Elle
prend en compte le contexte actuel de justice déniée où les
criminels du FPR bénéficient d’une protection absolue de la part de l’Etat
Rwandais. Le gouvernement rwandais ne reconnaît pas l’existence de ces
massacres. Il ignore totalement les victimes au Rwanda.
Originaire
de Byumba, nous sommes en mesure de confirmer et parler objectivement de l’énormité
des massacres qui ont été organisé par le FPR sur les populations civiles
à Byumba dans la deuxième moitié du mois d’avril 1994. Immense est la
connaissance jusqu’ici rassemblée sur des massacres de même ordre que le
FPR a perpétré partout ailleurs au pays. Ces massacres étaient assez
distinctifs dans leur préparation et exécution pour indiquer un cerveau
organisateur dans la hiérarchie du FPR. A propos, Sous Lieutenant Aloys
Ruyenzi du FPR a publié l’année passée un témoignage troublant sur la
participation en personne du Général Major Paul Kagame, l’autorité suprême
du FPR depuis fin 1990, dans le massacre des paysans dans le marché de Muhura
en avril 1994.
Concernant
les massacres qui ont été perpétrés en RDC, les reportages qui viennent
actuellement du Nord-Kivu font état de la découverte de plusieurs fosses
communes relatives aux massacres perpétrés par l’armée du FPR dans cette
région en octobre - novembre 1996. On se souviendra que les travaux d’une
mission spéciale des Nations Unies qui avait été chargée d’éclaircir la
disparition de plus de 200.000 réfugiés rwandais ont été promptement avortés
à la dernière minute pour empêcher la production d’un rapport final.
Autrement, les enquêteurs onusiens avaient déjà réussi en 1998 à réunir
plusieurs preuves de massacre qui incriminaient l’armée du FPR. Cinq ans
après, les enquêtes que le Tribunal International Pénal pour le Rwanda
(TPIR) menait sur les massacres attribués aux éléments du FPR au Rwanda ont
subi le même sort. Le procureur Carla del Ponte qui insistait pour conclure
ces investigations a été dessaisi de son poste en été 2003.
Une
analyse approfondie de ce contexte met en exergue une volonté manifeste de la
part des soutiens internationaux du régime du FPR d’empêcher par tous les
moyens qu’une information ou un événement de nature à obliger le TPIR à
enquêter sur l’attentat contre l’avion présidentiel le 06 avril 1994
puisse émerger et alarmer l’opinion internationale. D’aucuns
reconnaissent que l’attentat du 06 avril 1994 a été l’élément déclencheur
du génocide rwandais, un acte terroriste complètement irresponsable qui
cherchait délibérément à tirer profit de l’exacerbation de la tension
ethnique pour faciliter la prise du pouvoir par les armes. L’éternelle
question sera de savoir pourquoi le TPIR s’est-elle refusé à ouvrir
ce Pandora’s box, au point de trahir sa mission, au risque de
laisser, au terme de son mandat en 2010, un héritage nuisible aux efforts
d’éradication de l’impunité au Rwanda ?
Pour
terminer, nous voudrions aussi vous proposer, chers collègues, que la commémoration
des victimes du FPR puisse se tenir le 05 juin (2dlr
ku
italiki ya gatanu y’ukwezi kwa kamena)
de chaque année. Cette date a été choisie aléatoirement dans l’intention
d’éviter la longueur des débats que pourrait entraîner un choix référentiel.
Notez que ces débats seront naturellement délocalisés au sein des différentes
associations qui s’occupent de la question de l’éradication de
l’impunité au Rwanda, suivant la distribution de la diaspora rwandaise dans
le monde. L’essentiel pour le moment est de permettre à l’idée de faire
son chemin chez les activistes et les victimes des atrocités du FPR. Ensemble
on fera en sorte que la première journée consacrée à la mémoire des
victimes du FPR puisse avoir lieu en 2006.
Nous
vous remercions.
Jean Paul Munyarukato Fait à Stockton-on- Tees, Ce 27 Octobre 2005