LETTRE OUVERTE A LOUIS MICHEL ET MARC VERWILGHEN

 

Messieurs,

Etant donné votre visite cette semaine à divers pays d’Afrique centrale, la Coalition du Mouvement Nord-Sud en Flandres -11.11.11 tient à formuler un nombre de préoccupations au sujet du Rwanda. Non pas parce que nous trouvons que les autres pays visités sont moins importants, mais parce que nous craignons que les élections qui ont eu lieu la semaine passée au Rwanda ne soient pas un progrès réel dans le processus de démocratisation. Elles rendent en effet un nombre de problèmes encore plus poignants.

Nous craignons que la qualité de vie des civils et des habitants des collines soit fortement menacée. D’autres tendances nous causent en outre de grands soucis :

L’absence d’espace démocratique : la victoire éclatante de Kagame et du FPR aux élections est le résultat de la fraude commise à grande échelle et de l’intimidation des opposants, électeurs et observateurs. Tout cela a démontré que le FPR ne tolère aucune forme d’opposition.

L’abîme de plus en plus profond entre riches et pauvres, entre la ville et la campagne : le Rwanda est un pays qui fonctionne à deux vitesses et cette tendance devient de plus en plus apparente. Les grands projets de construction à Kigali donnent l’impression que le pays profite d’un nouvel élan. Les populations rurales ne prennent pas part à cette dynamique et sont de plus en plus abandonnées à leur sort.

La presse est pieds et poings liés : l’espace dans lequel les médias indépendants avaient encore un rôle à jouer s’est rétréci au fil des ans et a été complètement anéanti durant la période qui a précédé les élections.

Les autorités rwandaises refusent de donner des explications sur un nombre de disparitions, d’arrestations et d’évacuations forcées. Elles vont même jusqu’à nier qu’il y a un problème.

La politisation des juridictions Gacaca étouffe tout espoir caressé au sujet de cette forme de juridiction. Ainsi, aucun crime contre l’humanité commis par le FPR depuis 1990 ne peut encore être puni.

Le rôle du Rwanda au niveau de la sécurité régionale et plus particulièrement au Congo : depuis plusieurs décennies, les problèmes rwandais ont des conséquences néfastes pour les pays voisins. Les dernières années, les troupes rwandaises ont occupé une grande partie de la République Démocratique du Congo. L’armée rwandaise aurait quitté le Congo en octobre 2002, mais tout porte à croire que les Rwandais jouent encore un rôle dans les menaces de guerre au Congo et ce, malgré le gouvernement de transition congolais.

L’absence d’un espace pour une société civile autonome : les autorités rwandaises empêchent les réseaux d’organisations locales et nationales de se montrer critiques et indépendants. Plusieurs conventions internationales ont pourtant prévu des mécanismes afin de permettre à la société civile de participer aux prises de décisions au sujet du développement. Or, au Rwanda, la société civile est considérée comme le prolongement de l’Etat ; on essaie donc de la réduire au silence en nommant des individus au service du pouvoir à la tête des organisations les plus importantes.

La Coalition du Mouvement Nord-Sud en Flandres -11.11.11 apprécie votre mission qui vise à montrer que l’Afrique centrale reste au centre de nos préoccupations et elle fonde de grands espoirs sur votre initiative. Nous osons toutefois espérer que vous profiterez de l’occasion pour faire part de nos observations aux dirigeants rwandais. Et nous espérons que vous pourrez nous rassurer à votre retour dans une lettre ouverte des garanties offertes par le Rwanda à l’occasion de votre mission et du progrès envisagé dans ces divers domaines.

Salutations distinguées,

Mieke Molemans

Présidente