June 13, 2003
Deux officiers
rwandais en fuite se confient au « Soir »
COLETTE BRAECKMAN
"J'ai été soupçonné de vouloir
rivaliser avec Kagame lors des prochaines élections
présidentielles car j'ai beaucoup d'amis tutsis dont certains
que
j'avais sauvés durant le génocide " (Général
de Brigade Habyarimana Emmanuel)
Nous
nous en doutions.
"Après avoir parié sur la réconciliation
nationale, dit le général Habyarimana, nous avons commencé
à ouvrir les yeux lors du départ du Premier ministre
Twagiramungu, puis de
l'assassinat à Nairobi de Seth Sendashonga, un Hutu, l'un des
fondateurs du FPR." (Général
de Brigade Habyarimana Emmanuel)
"quand la Banque mondiale donne au
Rwanda des fonds pour démobiliser des Hutus, ces derniers
sont versés dans les troupes du RCD. Quant à l'accord de
paix, qui prévoit d'intégrer des officiers du RCD dans la
future armée nationale congolaise, il faut savoir que ceux
qui se retrouveront à
Kinshasa sont de véritables Rwandais, formés chez
nous..." (Général de
Brigade Habyarimana Emmanuel)
Si Kabila accepte de confier la défense
et la sécurité à ces représentants du RCD et les place à
la tête de l'état-major, dans deux mois il sera tué : ils
vont monter un coup contre lui. Quant à la frontière entre
les deux pays, elle est commandée et gardée par des
Rwandais." (Général de
Brigade Habyarimana Emmanuel)
"Les
nations, disait le Grand Timonier Mao Zedong, pourrissent
comme les poissons, par la tête". N'est-ce pas là le
mal rwandais (ce mal d'Etat, ce pourrissement par la tête,
si évident, si avancé) comme dirait, mutatis mutandis, Alain
Peyrefitte?
Deux
officiers rwandais en fuite se confient au « Soir »
COLETTE BRAECKMAN
Ministre de la Défense jusqu'au 15 novembre 2002, le général
Emmanuel
Habyarimana fut longtemps considéré comme un exemple au
Rwanda, tout
comme le colonel Ndengeyinka, député à l'Assemblée
nationale : ces
deux officiers supérieurs hutus, anciens membres des FAR, les
Forces
armées rwandaises, étaient parfaitement réintégrés dans
la nouvelle
armée nationale.
Aujourd'hui, les deux hommes ont trouvé refuge en Suisse après
avoir
transité en Ouganda. En avril dernier, ils avaient tout quitté
en
quelques heures, craignant d'être arrêtés ou liquidés.
Pour la
première fois depuis leur départces deux officiers, acteurs
et
témoins de premier plan, ont accepté deraconter leur désappointement
puis leur disgrâce. Après avoir parié sur la réconciliation
nationale, dit le général Habyarimana, nous avons commencé
à ouvrir
les yeux lors du départ du Premier ministre Twagiramungu,
puis de
l'assassinat à Nairobi de Seth Sendashonga, un Hutu, l'un des
fondateurs du FPR. J'ai été choqué par les discriminations
dont
étaient victimes les officiers francophones et je n'acceptais
pas que
certains militaires coupables de crimes de guerre puissent
continuer
à recevoir des promotions.
Le général Habyarimana, qui a fait l'Ecole royale militaire
en
Belgique attribue sa disgrâce au fait qu'il devenait de plus
en plus
populaire au sein de l'armée et dans l'opinion : J'ai été
soupçonné
de vouloir rivaliser avec Kagame lors des prochaines élections
présidentielles car j'ai beaucoup d'amis tutsis dont certains
que
j'avais sauvés durant le génocide et sous la présidence
de Habyarimana j'avais passé plusieurs mois en prison. Ecarté
de mes
fonctions, on m'a soupçonné d'être un sympathisant du MDR,
(Mouvement
démocratique rwandais) le principal parti politique hutu, qui
vient
d'être banni. Un dossier contremoi a été présenté à
l'Assemblée
nationale. Dans la nuit du 1er avril, j'aiappris que j'allais
être
arrêté à l'aube. Avec le colonel Ndengyinka nous sommes
partis à 4
heures du matin sans rien emporter.
Par la suite, un autre de leurs collègues, le lieutenant
colonel
Augustin Cyiza a disparu, peut-être assassiné.
Les deux officiers critiquent le rôle du Rwanda dans la région
: Des
opposantsougandais ont été regroupés dans un mouvement armé,
le
People's Redemption Army (Armée de rédemption du peuple),
dirigé
contre le président Museveni.Ils seraient 3.000 environ, formés
au
Rwanda ou dans la région de Rutshuru au Kivu, afin d'attaquer
un jour
l'Ouganda.
L'ancien ministre rwandais de la Défense explique aussi la
stratégie
de son pays au Congo : Tous les cadres du RCD-Goma sont
d'origine
rwandaise. L'armée du RCD reçoit de Kigali tous ses véhicules,
ses
moyens logistiques. En outre, quand la Banque mondiale donne
au
Rwanda des fonds pour démobiliser des Hutus, ces derniers
sont versés
dans les troupes du RCD. Quant à l'accord de paix,
qui prévoit d'intégrer des officiers du RCD dans la future
armée
nationale congolaise, il faut savoir que ceux qui se
retrouveront à
Kinshasa sont de véritables Rwandais, formés chez nous...
C'est ce qui expliquerait les bagarres actuelles à propos de
la
constitution de la nouvelle armée : Ceux que le RCD veut y désigner
comme de futurs générauxsont des Rwandais à 100 %. Le
RCD-Goma comme
tel n'existe pas. Si Kabila accepte de confier la défense et
la
sécurité à ces représentants du RCD et les place à la tête
de l'état-
major, dans deux mois il sera tué : ils vont monter un coup
contre
lui. Quant à la frontière entre les deux pays, elle est
commandée et
gardée par des Rwandais.
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