Présidentielle au Rwanda: début de campagne dans un climat tendu
KIGALI, 3 août (AFP) - La campagne pour
l'élection présidentielle du 25 août au Rwanda s'est ouverte dans un climat
politique tendu, l'opposant Faustin Twagiramungu, principal adversaire du président
sortant Paul Kagame tirant à boulet rouge sur le régime au pouvoir.
M. Twagiramungu, un Hutu modéré qui fut Premier ministre dans le premier
gouvernement formé en juillet 1994, après le génocide, par le Front
patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion tutsie) de M. Kagame, a accusé
vendredi, dès l'ouverture de la campagne, le pouvoir de mettre en place une
"dictature dure".
Ce petit pays d'Afrique centrale s'apprête pourtant à vivre la première élection
présidentielle pluraliste depuis son indépendance en 1962, et le plus
important scrutin depuis le génocide.
En adoptant par référendum le 26 mai une nouvelle Constitution qui autorise le
multipartisme tout en l'encadrant, les Rwandais ont tourné la page de la
transition, en cours depuis neuf ans.
Outre MM. Kagame et Twagiramungu, deux candidats mineurs briguent la présidence
: Alivera Mukabaramba, candidate du Parti du progrès et de la concorde (PPC,
gauche) et Jean-Népomuscène Nayinzira (indépendant), un ancien ministre écarté
de la scène politique l'an dernier pour "mauvaise moralité".
"Parler de dictature alors qu'on a autorisé le multipartisme, c'est de la
mauvaise foi", a affirmé samedi à l'AFP le responsable de la
communication du FPR, Servilien Sebasoni, en réponse aux accusations de M.
Twagiramungu.
"Une dictature ne l'aurait pas autorisé à rentrer, mais c'est vrai qu'il
a un handicap: sa longue absence du Rwanda lui a fait accumuler un retard énorme".
Rentré en juin après huit ans d'exil en Europe, M. Twagiramungu a estimé que
la campagne commençait "sur de mauvaises bases", et assuré que le
FPR avait "réservé à l'avance tous les stades pour empêcher les autres
candidats de faire campagne".
"Le FPR part avec un avantage tellement grand en termes de moyens et de présence
sur le terrain, qu'aucune concurrence n'est possible", a pour sa part déclaré
samedi à l'AFP un diplomate occidental en poste à Kigali, qui a requis
l'anonymat.
"Des personnes censées être neutres, comme des fonctionnaires locaux ou
des militaires, +sensibilisent+ les gens pour qu'ils votent Kagame. Parfois,
cette +sensibilisation+ va jusqu'à l'intimidation", a-t-il ajouté.
Qui plus est, M. Twagiramungu, contraint de se présenter en tant qu'indépendant,
ne dispose pas du soutien d'une structure politique.
L'exécutif a en effet réclamé au printemps la dissolution de son parti, le
Mouvement démocratique républicain (MDR), principale formation à dominante
hutue, accusée de "divisionnisme ethnique".
Cette accusation est très grave dans ce pays de huit millions d'habitants
encore traumatisé par les massacres de 1994, qui ont fait près d'un million de
morts parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon Kigali.
Le MDR n'a pas pu demander un nouvel agrément au gouvernement comme étaient
censés le faire les anciens partis après l'adoption de la Constitution.
L'Alliance pour la démocratie, l'équité et le progrès (Adep-Mizero), une
formation censée naître des cendres du MDR, n'a toujours pas reçu l'agrément
gouvernemental.
Son président, Célestin Kabanda, ainsi que quatre autres ex-membres du MDR, Léonard
Kavutse, Innocent Sibomana, Jean-Marie Vianney Karengera et Faustin Minani ont
été interrogés à plusieurs reprises cette semaine par la police, qui les
accuse de "divisionnisme ethnique".
M. Kavutse et M. Minani, le secrétaire général de l'Adep, rentré vendredi de
l'étranger, étaient toujours interrogés samedi, a déclaré à l'AFP le
porte-parole de la police, Tony Kuramba.
Il a précisé qu'ils n'étaient pas en état d'arrestation et qu'ils seraient
autorisés, comme chaque jour, à regagner leur domicile pour la nuit.