Camp de Réfugiés de Kintélé
Kintélé, Brazzaville
République du Congo
VISITE DES DELEGATIONS DES GOUVERNEMENTS RWANDAIS ET CONGOLAIS AU CAMP DE KINTELE EN DATE DU 06 JUIN 2003
RAPPORT DE VISITE
Ce vendredi 06 juin 2003 de 10 h à 12 h 45, nous avons accueilli les délégations du Gouvernement Rwandais et du Gouvernement Congolais au Camp de Kintélé. L’objectif était de sensibiliser les réfugiés au retour volontaire au Rwanda. A cette occasion le représentant du Camp a prononcé un mot d’accueil que vous trouverez en document annexe.
LES MOTS DE BIENVENUE
Monsieur le Conseiller du Ministre de l’Intérieur, le Colonel Mongo, Chef de la délégation du Gouvernement Congolais a prononcé un discours de bienvenue.
Il invité les réfugiés a bien accueillir la délégation rwandaise « nous vous connaissons tous depuis votre arrivée dans notre pays, dans les camps de Ndjoundou, Loukolela, Liranga et maintenant à Kintélé ».
Il a rappelé que « la situation des réfugiés est des plus précaires » et que « le Congo a octroyé aux réfugiés l’hospitalité à la mesure de ses moyens » laissant au HCR selon les conventions internationales, « l’assistance et la protection des réfugiés ».
Cependant, il a regretté que cet organisme international a coupé l’assistance pour ses raisons propres. Le Gouvernement congolais est intervenu, mais en vain, auprès du HCR pour la résolution de ce problème. Malheureusement, le HCR n’a pas répondu favorablement à ses préoccupations. De même il a déploré l’absence de son représentant convié aujourd’hui, avec les délégations, à participer à la rencontre des réfugiés à Kintélé.
Le « statut de réfugié étant toujours incertain », il a encouragé les réfugiés à penser au retour. « Il faut penser à votre pays. Le rapatriement forcé ne se fera pas. Je sais que les conditions politiques vous ont amenés à quitter votre pays il y a bientôt 9 ans, et à rejoindre le nôtre il y a 6 ans maintenant. J’espère qu’il y a des changements et qu’aujourd’hui vous les connaîtrez avec la délégation du Gouvernement Rwandais ».
Ensuite, le délégué du Gouvernement Congolais a rappelé aux réfugiés la visite qu’une délégation du Gouvernement Congolais a effectué au Rwanda, il y a quelques mois. Les délégués ont rencontré des Rwandais qui, après leur séjour au Congo en qualité de réfugiés, sont rentrés au pays. « C’est un beau pays, a-t-il dit, et les rapatriés n’ont pas de problèmes ».
Il a rappelé aussi que lors de sa dernière visite à Brazzaville, la délégation rwandaise avait rencontré des réfugiés au Ministère de l’Intérieur. « Aujourd’hui nous avons jugé bon que la délégation puisse venir au camp pour que vous puissiez poser toutes les questions dans votre langue nationale. J’espère que vos débats seront fructueux ».
Ces paroles de bienveillance et d’encouragement ont été très appréciées par la population du camp qui a marqué son approbation par de vifs applaudissements.
Après ces paroles, le Chef de la délégation Rwandaise Monsieur Cheik Harelimana Abdul Karim, Conseiller du Président de la République et Président de la Commission chargée du rapatriement des réfugiés rwandais, a pris la parole en Kinyarwanda.
Il a d’abord salué, en langue nationale, la population du camp qui a répondu par des vifs applaudissements. Ensuite, il a présenté les membres de sa délégation.
Dans son adresse à la population, il a rappelé qu’il était venu au Congo, il y a quelques mois, visiter les réfugiés qu’il avait reçus au Ministère de l’Intérieur. « Nous avons eu, a-t-il dit, un entretien avec une trentaine de réfugiés rwandais ». Il a expliqué que sa délégation a pour mission de visiter les réfugiés dans d’autres pays, dans le but de les sensibiliser au retour au Rwanda.
De même il a rappelé que la délégation du Gouvernement Congolais avait visité le Rwanda, en particulier « les provinces de Kigali-Rural, de Ruhengeri et de Gisenyi ». A l’occasion de leur visite, des engagements avaient été pris pour rencontrer les réfugiés du Congo.
Depuis la prise du pouvoir par le FPR, beaucoup de changements se sont produits au Rwanda en matière de politique, de sécurité et de justice.
En politique
« Le Gouvernement s’est engagé dans une politique du retour des réfugiés « , de la façon suivante :
Et pour atteindre cet objectif : il a mis en place une Commission chargée du rapatriement des réfugiés et dont je suis le Représentant ».
Il a ensuite rappelé les événements douloureux qu’a connus le Rwanda en 1959, 1970, et en particulier en 1994 où il y a eu génocide et déplacement de 3.000.000 personnes qui se sont réfugiés dans les pays voisins. « Après la prise du pouvoir par le FPR, peu à peu, les réfugiés sont rentrés. Actuellement, nous comptons entre 75.000 et 85.000 réfugiés encore à l’extérieur de nos frontières et qui restent à rapatrier dans notre pays ». L’Etat rwandais fait tout son possible pour que tous les rwandais vivent ensemble sans aucune ségrégation tant régionale, que religieuse, ou ethnique… Nous voulons une réconciliation de tout le peuple rwandais. Dans ce cadre, nous avons mis en place une Commission chargée de la réconciliation ».
Le délégué a ensuite présenté la nouvelle situation du pays :
Mr Kagame Paul, Mr Nayinzira et Mr Twagiramungu ont déjà présenté leur candidature pour la présidence : peut-être il y en aura d’autres ».
En matière de sécurité
Le Gouvernement a mis en place une Police Nationale depuis 1997, il a organisé une nouvelle Armée Nationale. « Les frontières sont bien gardées Une fois nous avons dû faire la guerre contre la RDC dans le but de sécuriser nos frontières ». Des engagements ont été pris entre la RDC et le Rwanda, à la réunion de Pretoria. « Pour le moment la guerre est finie et nos militaires sont rentrés au Rwanda ».
En matière de justice
Après le génocide, beaucoup de gens ont été emprisonnés à tel point que les prisons étaient surpeuplées d’environ 135.000 personnes. « Peu à peu des instances judiciaires ont été mises en place au Rwanda et au niveau international ». « Jusqu’à maintenant nous avons traduit 50 personnes en justice et 9 au TPIR d’Arusha.
En vue d’accélérer les procédures de justice, « le Gouvernement a instauré les instances traditionnelles appelées « Gacaca » chargées de réconcilier les accusés et plaignants ». Selon un arrêté présidentiel, 40.000 prisonniers ont été libérés temporairement « notamment les vieux et les vieillards de plus de 45 ans en 1994, les enfants qui avaient moins de 14 ans en 94, et tous ceux qui n’avaient pas de dossiers ».
En conclusion, le Chef de la Délégation a donné à la population le droit de poser toutes les questions d’éclaircissement, et de lui donner les suggestions pouvant renforcer la réconciliation entre tous les rwandais.
Après cette présentation du Chef de la Délégation du Gouvernement Rwandais, le Représentant du camp a remercié le Gouvernement Rwandais pour avoir pensé « à ses réfugiés et en particulier à nous qui sommes au Congo-Brazzaville, après 8 ans d’exil ». Puis, il a demandé à tous les réfugiés de poser les questions qui leur semblent utiles et nécessaires. Sur le plan de la méthodologie, 5 questions étaient posées. Le Chef de la délégation répondait aux 5 questions avant de passer à la suite du débat. Dans notre compte rendu, nous avons choisi de rapporter successivement les réponses à chaque question.
Le premier réfugié a exposé que les membres du gouvernement et tous ceux qui ont travaillé ou qui travaillent pour le pouvoir en place n’ont pas de garantie en matière de sécurité. Il a justifié son propos par les fuites de Hautes Autorités « notamment des deux premiers Ministres : Twagiramungu et Rwigema, de l’ancien Président de l’Assemblée : Sebarenzi et de l’ex-ministre de la Défense : le Général de Brigade Habyarimana et d’autres anciens dignitaires tant politiciens que militaires qui sont tous en exil ».
Ensuite, il a cité « l’emprisonnement de l’ancien Président de la République : Pasteur Bizimungu et de l’ancien Ministre : Ntakirutimana Charles ». Et enfin, il a posé des questions sur les enlèvements dont celui de « l’ancien Vice – Président de la Cour de Cassation, le Major Cyiza ».
Ceux qui sont rentrés en leur temps, ils sont passés où ? Et moi si je rentre, que va-t-il se passer pour moi lorsque vus ne serez plus là, alors que vous m’invitez à rentrer ?
Le Chef de la délégation a dit que le gouvernement ne maltraite pas ses fonctionnaires. Il a expliqué que « la démission d’office est une procédure administrative, juridiquement reconnue pour radier un fonctionnaire pour des raisons définies par la loi ».
Quant aux emprisonnements des Hauts Fonctionnaires de l’Etat, il a ajouté que le « Rwanda est un état de droit où tous les citoyens sont égaux et que pour cela un Haut Fonctionnaire comme tout autre citoyen doit être poursuivi en cas de transgression des lois ».
Pour ceux qui fuient le pays, le Chef de la délégation a dit que « le Rwanda respecte les droits de l’homme dont la liberté de mouvement, et qu’il ne peut empêcher quiconque de quitter le pays ».
Il a aussi signalé aux réfugiés que « le Rwanda connaît un problème car les fonctionnaires démis n’acceptent pas leurs fautes mais ils essaient de justifier leur limogeage en recourant au chantage en disant qu’ils ont été démis à cause de leur ethnie et de leur région.
Concernant le cas de Bizimungu, il a dit que son emprisonnement ne devrait étonner personne « car il n’est pas le premier ex-Président rwandais à être en prison ». Il a rappelé que « l’ex-Président Kayibanda a été jugé, condamné et mis en prison chez lui jusqu’à mourir dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées ».
« Moi aussi, si je travaille mal, on me mettra en prison. Et si vous, vous rentrez, vous n’aurez pas de problèmes, si vous n’avez rien à vous reprocher au sujet du génocide. »
Il n’y a pas eu de réponses sur le problème des enlèvements.
Le 14 août 2002, le Président Paul Kagame intente un procès contre Charles Onana, journaliste camerounais, auteur du livre « les secrets du génocide rwandais, les mystères d’un Président », procès pour atteinte à la présomption d’innocence et diffamation publique à travers ce livre. Car l’auteur mettait en cause le Chef du Front Patriotique Rwandais dans l’attentat du 6 avril 1994, contre l’avion du Président Habyarimana. Cette plainte avait été déposée au Tribunal de Grande instance 17° chambre 1° section à Paris. Après avoir rappelé ce fait, un autre réfugié a poursuivi par cette question : « Au mois de février 2003, le Président a retiré sa plainte. Est-ce qu’il n’aurait pas accepté ces motifs d’accusation ?
R2 : Réponse brève du Chef de la Délégation « Ce que Charles Onana avait dit. Ça peut être juste ou bien faux.
Dans le cadre de l’inauguration du projet « eau » dans la province de Byumba le 31 Mars 2003, dans son discours, le Président Rwandais a prononcé les mots suivants : « celui qui se vante d’avoir une grande production de maïs et de sorgho nous lui répondrons que nous avons des machines appropriées pour les moudre. Nous avons une politique qui connaît bien moudre le maïs et qui ne le gaspille pas. (Radio Rwanda 31 mars 2003, journal de 19 heures de Kigali). Après avoir cité cet extrait de discours, le réfugié a poursuivi par cette question : « Quand est-ce que qu’il finira cette politique inquiétante (d’écrasement des personnes) pour que je puisse rentrer ?
Après des échanges et des questions d’éclaircissement entre le délégué et le réfugié qui a cité le Président Kagame, le Chef de la délégation a dit qu’il ne faut jamais retirer un mot de discours et de l’interpréter isolément plutôt que chaque mot du discours doit être interprété dans le contexte général où le discours a été prononcé : « Quand vous écoutez les radios ou vous lisez les journaux, il ne faut pas y croire, car il peut y avoir des mensonges ou des exagérations ».
Une 4ème question a été posée sur la façon dont on considère les réfugiés du Congo qui seraient tous « des Interahamwe ». « Est-ce que vous ne mentez pas ? Il a rappelé qu"en avril 94, il y avait beaucoup de partis politiques : MDR ? PL, MRND, CDR". Et que tout le monde n’était pas dans le MRND.
Le Chef de la délégation a répondu que « tous les réfugiés ne sont pas des Interahamwe. Les Interahamwe se trouvent à Arusha. Pour le moment, la punition est personnelle et pas collective ».
Un réfugié a témoigné que plusieurs membres de sa famille, non militaires, ont été massacrés, en 1996, par l’APR dans les forêts de l’ex-Zaïre, lors de la destruction des camps. Ensuite lui-même a réussi à rejoindre, à pieds, le Congo, avec ses deux frères. Ceux-ci ont décidé de rentrer volontairement au Rwanda.
Récemment, il a reçu une lettre de la part de ses amis lui annonçant que ses deux frères étaient bien arrivés et qu’ensuite « ils avaient été arrêtés puis exécutés ». « Pour moi, rentrer serait un suicide, car je crains de subir le même sort».
Il a poursuivit sa question en évoquant « l’impunité des criminels bien identifiés par le gouvernement de Kigali » en citant l’exemple « des officiers qui ont massacrés les 3 évêques Hutu à Kabgayi en 1991 ». Aujourd’hui, ces évêques « ne sont pas encore enterrés dignement malgré la demande introduite par l’Eglise Catholique auprès du Président Kagame. »
De même, il a été constaté que lors des cérémonies d’investiture des évêques catholiques, le gouvernement n’a jamais été représenté. Il se demande pourquoi « cette haine envers les hautes autorités de l’Eglise Catholique. Est-ce que cela peut nous amener à la réconciliation que vus dites ? »
Pour les frères de l’intéressé, massacrés au Rwanda, le Chef de la délégation a dit que « le Rwanda n’est pas un paradis. Il y a des bonnes et des mauvaises personnes. Heureusement que les bonnes sont les plus nombreuses que les mauvaises ». Il a reconnu qu’après la prise du pouvoir par le FPR ? le Rwanda a connu des moments difficiles d’insécurité liés surtout à la vengeance et aux règlements de compte « Dans les premiers jours après la prise de pouvoir par le FPR, certains rescapés ont pratiqué la vengeance. Pour le moment la situation a changé ; la sécurité est revenue « comme le confirment les rapports de la Communauté Internationale.
Au sujet des évêques arrêtés et exécutés sans jugement par ces officiers, le Chef de la délégation a dit que « la justice suit son cours » et qu’elle attendait les dépositions des témoins contre ces officiers.
Au sujet des difficiles relations entre le Gouvernement et l’Eglise Catholique, il n’y a pas eu de réponse.
Un autre réfugié a expliqué qu’au Rwanda, aujourd’hui, il n’y a pas de démocratie. Tous les partis politiques exceptés le FPR, n’ont aucun droit de se rassembler ou de convoquer leur congrès sous prétexte de l’unité et de la réconciliation nationale. Ceux qui tentent de créer des partis politiques, sont arrêtés et même emprisonnés. « Après le vote de la constitution, vous avez dit que le peuple rwandais a le droit de former les partis politiques et de se présenter aux élections présidentielles et parlementaires. Est-ce que les deux mois suffisent pour eux de faire campagne ? ».
La réponse du délégué a été brève. La démocratie existe au Rwanda. Mais, on ne peut fonder un parti à caractère ethnique. « Quand vous fondez un parti politique qui sème la division dans la population rwandaise, vous allez en dehors de la constitution. C’est pour cela que l’ancien Président a été arrêté et mis en prison. D’ici août, les partis politiques vont faire leur campagne sans problèmes, toujours en fonction de la constitution ».
Le groupe de danses folkloriques « Irindiro » a été accusé par le Gouvernement Rwandais à cause de ses chansons qui incitaient la population rwandaise à faire le génocide. Une réfugiée qui appartenait à ce groupe a posé cette question : « Comme je faisais partie de ce groupe, si je rentre, est-ce que je n’aurais pas de problèmes ? »
Pour le Chef de Délégation, une personne qui n’a pas participé au génocide et qui n’est pas accusé peut rentrer. « Si vous vous sentez innocente et que vous ne vous reprochez rien, vous pouvez rentrer. Car il y a ceux qui étaient dans ce groupe, qui dansent toujours au Rwanda, dans d’autres groupes ».
Entre l’association Tutsi des rescapés du génocide de 1994, « Ibuka » (souvenez-toi) et le gouvernement Rwandais, un réfugié se demande « qui gouverne le pays ? » Par la radio et les journaux, on apprend que le Gouvernement prend les décisions de libérer certains prisonniers soit par arrêté présidentiel, soit par décision de justice. Or les réfugiés savent que « cette association met un blocage en disant que si les libérés arrivent dans les villages, eux, ils vont tuer les rescapés et ces libérés sont remis encore en prison ».
Puis cette autre réflexion : « cette association a récemment empêcher des témoins d’aller témoigner devant la Justice au TPIR, alors que tout rwandais patriote et épris de paix et de réconciliation nationale souhaite que la justice soit rendue ».
Le Chef de la délégation a répondu que « le Gouvernement rwandais est le seul qui gouverne le pays » et que « cette association n’est pas au-dessus de la loi ».
Il a ensuite précisé que la décision de suspendre la coopération avec le TPIR à ARUSHA a été prise par le Gouvernement suite au fait « que les témoins de sexe féminin n’ont pas été bien traités par les avocats, les représentants du Procureur et les Juges. »
Un réfugié a rappelé au chef de la délégation qu’il y avait dit qu’avant le génocide, les éducateurs enseignaient aux enfants « la division, la haine entre les Hutu et Tutsi, raison pour laquelle en 1994, il y a eu génocide ». Et s’adressant au Président de la Commission : « Vous, vous étiez enseignant. Alors vous aussi, vous avez enseigné ces divisions ? »
Réponse négative. Cependant, il a confirmé qu’avant le génocide on enseignait les divisions entre les ethnies ; ce qui aurait influencé le génocide de 94. Mais il a nié sa participation à ce type d’enseignement. « Non. Si j’avais enseigné ces divisions, aujourd’hui, je ne devrais pas être devant vous. « Il a ajouté que sa confession religieuse, l’Islam, ne le lui permettait pas.
Et cette autre question : « Vous êtes venus nous sensibiliser. Pourquoi n’êtes-vous venus dans les camps du Sud et du Nord Kivu, à Tingi-Tingi et à Mbandaka ? »
Le Chef de la Délégation a expliqué que les politiciens et les militaires étaient parmi les réfugiés, pour attaquer le Rwanda. C’est ainsi que le Gouvernement s’est organisé pour détruire ces camps, d ‘«autant plus que l’ancien Président de la RDC, Mobutu, les soutenaient ». Et visiter les camps n’était guère possible.
« Car vous étiez mélangés avec eux. Maintenant vous êtes libre. La guerre est finie. Nous voulons que vous rentriez chez vous pour construire notre pays. »
En 1995, le Chef de la Délégation, Mr Abdul Karim Harerimana était Préfet de la Province de Cyangugu. Le réfugié raconte qu’il avait participé à une réunion tenue par le Préfet dans son secteur et à laquelle il avait participé. Le Préfet, Mr Harerimana, avait demandé à la population d’appeler leurs familles réfugiées à Bukavu, de rejoindre leurs collines. Bon nombre de familles qui étaient dans les camps sont des femmes et des enfants de plusieurs familles, présumés génocidaires, ont été exécutés par l’APR. Le témoin qui parle a réussi à prendre la fuite vers la RDC. « J’avais participé à cette réunion dirigée par vous… Vous n’avez pas pu défendre ces familles devant les militaires. Aujourd’hui, vous êtes venus pour nous sensibiliser. Pouvez-vous me donner la garantie de ma sécurité alors que vous n’avez pas pu protéger ces familles revenues, et massacrées en votre présence ? »
Le Chef de la Délégation n’a pas répondu à cette question.
D’après le recensement effectué par le Gouvernement Rwandais en collaboration avec le PNUD, en 1991, le nombre des Hutu était de 6.546.285. Le nombre des Tutsi était de 590.000. Le nombre des Twa était de 29.165. Si nous considérons 3% d’augmentation de la population de chaque année, en 1994, les Tutsi devrait être 625.354. D’où cette question d’une réfugiée : « L’année passée vous avez dit que le nombre des personnes tuées en 94 est 1.074.000 dont 97ù soit 1.041.780 sont des Tutsi, et où soit 32.220 sont des Hutu. Jusqu’en 1994, le nombre de Tutsi n’a jamais atteint le chiffre que vous avez communiqué en 2002. Le supplément ne serait-il pas celui des autres Ethnies ?
Ma 2ème question : sur le mémorial de toutes les victimes
Une question a été posée à propos du mémorial de toutes les victimes des guerres civiles. « Les personnes tuées par le FPR dans les provinces de Ruhengeri, Byumba en 1990 et en 1995 dans le camp de Kibeho , de Gisanze, dans la commune de Nshili, pourquoi ne seraient-elles pas associées au souvenir des morts enterrés avec les honneurs dus à tous ceux qui sont morts dans les génocides ? »
Une 3ème question ; sur un dialogue entre les ethnies
Et cette dernière question sur les différences entre Tutsi, Twa et Hutu alors que « personne n’a demandé à être Hutu, Tutsi ou Twa » ou bien à être blanc ou noir ».
« L’Organisation d’une table ronde ou d’une conférence nationale sur le Rwanda, où chacun pourrait s’exprimer, pourrait être un élément d’une paix durable dans notre pays. Qu’en pensez-vous ?
Pour le Chef de la Délégation, actuellement au Rwanda, il n’y a pas de Hutu ou Tutsi. « Nous sommes mélangés ». Il a affirmé que ces chiffres n’ont jamais été officialisés. « Les Tutsi et les Hutu sont morts en 94. Personne ne peut nier ce fait. Cette conférence nationale sera organisée quand vous rentrerez au Rwanda. Mais cela ne se tiendra pas en dehors du Rwanda.
Le Représentant du camp a demandé des explications au sujet de la coupure de l’assistance par le HCR aux réfugiés de Kintele. Cette question avait été posée lors de la première rencontre au Ministère de l’Intérieur à Brazzaville.
« Lorsque vous êtes venus la 1ère fois nous rencontrer, je vous ai dit que HCR a refusé de nous assister, sous prétexte que vous leur aviez dit que nous sommes des génocidaires. Vous aviez répondu que vous alliez le rencontrer. Est-ce que vous pouvez nous donner maintenant la réponse ?
Le Chef de la Délégation n’a donné aucune réponse à cette question.
CONCLUSION :
Le débat a été clos sur cette dernière question, alors que des mains se levaient encore, le Chef de la Délégation a conclu en demandant à toute la population de mettre en pratique tout ce qui a été dit, de continuer à écouter les radios, de lire les journaux et de penser à leur pays natal. « Je vous demande aussi de m’applaudir car lorsque certains d’entre vous posaient les questions, vous les applaudissiez ». Et toute la population a applaudi le Chef de la délégation.
Le Représentant du camp a remercié le Chef de la Délégation pour les conseils qu’il est venu donner et il lui a demandé de revenir encore pour répondre aux nombreuses questions qui sont restées sans réponses, cars des mains, celles des veuves, des orphelins, se sont levées, mais en vain.
Le Chef de la Délégation du Gouvernement Congolais, le Colonel Mongo, a remercié tous les participants pour l’accueil chaleureux manifesté à leur égard. « Bien que nous ne comprenions pas votre langue maternelle, mais avec toutes ces mains qui se levaient, j’espère que le débat a été fructueux et qu’un jour vous arriverez à de bonnes choses ». La séance a été levée à 12 h 45.
Le Représentant du camp
Bayingana Aloys
Nb1 : Chaque année, le Rwanda célèbre une semaine de deuil en mémoire des morts du génocide de 1994, déclenché après l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, le 6 avril 1994, et célèbre à partir du 7 avril de chaque année. C’est à cette occasion qu’un hommage est rendu à toutes les victimes.
Camp des réfugiés Rwandais et Burundais Kintélé, le 6 juin 2003.
Kintélé, Brazzaville
République du Congo
Mot d’accueil adressé aux délégations Rwandaises, congolaises et du Bureau HCR Brazzaville.
Messieurs les membres de la Délégation de l’Etat Congolais
Messieurs les membres de la Délégation de l’Etat Rwandais
Messieurs les membres de la Délégation du HCR de Brazzaville
Au nom de la Communauté Rwandaise et Burundaise, réfugiée au camp de Kintélé et en mon nom propre, nous vous saluons et nous vous souhaitons la bienvenue.
Le camp que vous êtes venus visiter a été installé en 1997. Les réfugiés rwandais qui habitent le camp, sont des rescapés des événements qui ont endeuillé le Rwanda depuis 1990, jusqu’à 1994. Ils sont les rescapés des camps de réfugiés du nord et sud kivu en RDC : de Goma, Bukavu et Uvira, ensuite de Tingi-Tingi, du camp dit de « la paix », de Boende, d’Ikela, de Ngende, et de Mbandaka.
D’après le recensement effectué par le HCR et le Gouvernement congolais en 1998, le camp comptait 4413 réfugiés. Cette population est composée de Hutu, de Tutsi, de Twa et de Burundais qui sont des catholiques, des protestants et des musulmans. Toutes les ethnies, toutes les confessions religieuses cohabitent comme des frères et des sœurs. On partage le bien et la douleur.
Ces réfugiés que vous voyez devant vous et d’autres qui ne sont point ici, sont abandonnés à eux-mêmes par l’Organisation Humanitaire Internationale : le HCR. La coupure de toute assistance humanitaire a commencé en décembre 1999 et dure jusqu’aujourd’hui. Depuis ce temps-là, les réfugiés ont progressivement quitté le camp à la recherche de la survie vers les différentes régions du Congo.
Actuellement, le camp compte entre 700 et 800 réfugiés dont le plus grand nombre est vulnérable. Il y a lieu de se demander pourquoi les réfugiés ne rentrent pas dans leur pays. A ma connaissance, certains rentrent volontairement. Ceux qui ne veulent pas le faire, ils ont leurs raisons personnelles.
Je termine ce petit mot en remerciant l’Etat Congolais, le Chef de l’Etat et son Gouvernement et le peuple congolais pour son hospitalité. Que Dieu Tout Puissant les bénisse. Vive la paix au Congo, au Rwanda et en Afrique Centrale.
Je Vous remercie.
Le Représentant du camp
Bayingana Aloys