Kagame est né le 23 octobre 1957 sur la colline de Nyarutovu dans la commune Tambwe, Préfecture de Gitarama, près du centre de Ruhango. Il est fils de Rutagambwa, du clan des Bega. Sa mère est la sœur de Rosalie Gicanda, épouse du Roi Mutara Rudahigwa mort en 1959. De part cette double appartenance, Kagame est très proche de la lignée royale portée au pouvoir par le coup d’Etat sanglant de Rucunshu et au cours duquel les Abanyiginya, dont le roi Rutalindwa et sa famille, furent exterminés par les Abega.
L’opposition entre les Abega et les Banyiginya, depuis ces temps reculés, revient au grand jour avec le réveil de l’ex-roi Kigeri du clan Abanyiginya qui, de son exil aux Etats-Unis d’Amérique, revendique sa légitimité à la place Kagame du clan des Abega.
Kagame partit avec ses parents en exil en 1961 en Uganda, à Gahunge, dans le district de Toro. Son père y est mort quelques années après. Sa maman a fait appel à l’aide des amis et des parentés pour pouvoir élever ses enfants. Parmi ses bienfaiteurs, la plus importante fut Rosalie Gicanda, ex-Reine du Rwanda, morte dans le génocide rwandais de 1994 à Butare. Le nommé Benzinge Boniface, actuel secrétaire de Kigeli en Amérique, prit Kagame chez lui pour diminuer la charge familiale. De Chez Benzinge, Kagame allait passer quelques jours chez Kigeri, le dernier roi du Rwanda, dans sa résidence de Kampala.
En Uganda, Kagame fit des études secondaires infructueuses successivement à la Ntare School de Mbarara au sud de l’Uganda et à la Old Kampala School de Kampala de 1972 à 1976. A Kigali, en privé, on le surnomme siniya fo (senior four) pour dire qu’il a fait quatre ans post-primaires.
A l’école secondaire, Kagame était connu pour son cynisme et son esprit revanchard qu’il avait le surnom de Kagome (le méchant). Renvoyé de l’école, Kagame est devenu un enfant de la rue (street child) comme on en rencontre dans bon nombre de villes africaines. Il se débrouillait en vendant des arachides grillées aux passants ou des œufs à la coque connus sous le nom d’ebimeneka (qui peut se casser). Il s’est livré par après à des opérations de change, en écoulant de faux shillings ugandais. Pour ce faire, il effectuait beaucoup de navettes entre Kampala et Naïrobi au Kenya.
Quand Museveni prit le maquis en 1981 après avoir été battu dans des élections, il partit avec quelques jeunes rwandais dont Rwigema Fred. Le recrutement continua et Rwigema dut se souvenir de son ami d’enfance. C’est ainsi qu’il alla chercher Kagame. Dans le maquis, Kagame fut très maladif. Il avait notamment un ulcère d’estomac et une grande déficience visuelle. Rwigema plaida en sa faveur et Kagame fut affecté à la récolte des informations, pour lui éviter les dures campagnes militaires.
A la victoire de Museveni en janvier 1986, Kagame est nommé chef des Services de Renseignements militaires de l’Armée ugandaise, la DMI (Directorate Military Intelligence), la même qu’on retrouve aujourd’hui au Rwanda, avec pour chef Jacques Nkurunziza, alias Jackson Nziza, ugandais de souche et ex-adjoint de Kagame à la DMI ugandaise. Nziza est de la province du Bufumbira, non loin de la frontière, du côté de la préfecture Ruhengeri. Son frère fut longtemps Directeur de l’Office des Cafés en Uganda
A la tête des renseignements militaires, Kagame a été caractérisé par une méchanceté indescriptible qui lui a valu le nom de PILATO, comparaison à Ponce Pilate qui a ordonné la mort de Jésus Christ. Ceux qui le connaissent rapportent qu’il enfermait ses prisonniers dans des containers et jetait les clés. Il employait des militaires sous ses ordres pour piller et lui rapporter le butin. On rapporte qu’un jour, un de ses militaires est allé voler avec son arme dans Mulago Village à Kampala. Il fut attrapé et révéla qu’il était envoyé par Kagame. Celui-ci le convoqua et le mit à mort.
Au sujet de cette méchanceté extrême, il est connu que ses interrogatoires étaient toujours musclés. E. Ndahayo (2000, p. 89), un des ses connaisseurs (il a été Directeur de cabinet du Ministre de l’information dans le Gouvernement du FPR, entre juillet 1994 et août 1995) souligne :
les
prouesses de délinquant du jeune Kagame et de ses pairs dans les milieux du
vol et crime organisé de Kampala et de Naïrobi, et de son parcours de
tortionnaire au sein des services de securité ougandais.
Mr N., un ex-militant du PSD (Parti Social Démocrate), m’a décrit Kagame presque dans les mêmes termes. Leur rencontre à Kampala en 1991 lui a donné l’impression de quelqu’un qui a reçu une éducation de la rue. Il m’a dit : « Kagame s’embarrasse pas mal du savoir-vivre. Ntabwo yarezwe « il n’a pas reçu une bonne éducation ». (Entretien avec N. à Bruxelles en novembre 2001).
Un autre témoignage sur Kagame soulignant son caractère « méchant » nous vient de Uganda Democratic Coalition (janvier 1993), un mouvement d’opposition au pouvoir de Yoweri Museveni ayant son siège aux Etats-Unis d’Amérique. Pour ce Mouvement, Kagame a été caractérisé, dans ses fonctions de Chef de Renseignements militaires ugandais, par des tortures atroces qu’il infligeait à ces victimes, comme par exemple : asphyxier la victime en couvrant sa tête d’un papier en plastique, serré autour du cou par une corde jusqu’à ce que mort s’en suive ; mettre des décharges électriques sur les organes génitaux de ses victimes ; attacher une grosse pierre sur des organes génitaux jusqu’à ce que la victime s’évanouisse, ce qui provoquait la mort ou de graves séquelles psychologiques ou physiologiques ; lier les bras et les jambes derrière le dos : la victime, devenue comme une boule, mourrait par éclatement. La torture est connue sous le terme ougandais de akandooya.
Kagame s’est marié en 1989 à Kampala à Jeannette Murefu, fille de Murefu, ex-tenancier du café Eden Garden à Kigali au Rwanda et appartenant à l’ex-Président du MRND, Matthieu Ngirumpatse. Murefu venait de rentrer de son exil du Burundi. Parti pour les cérémonies de mariage de sa fille à Kampala, il ne reviendra plus au Rwanda et s’installera à Jinja avec sa famille, prévenu probablement de l’attaque imminente du Rwanda.
Avant son mariage, Madame Jeannette Kagame a vécu avec ses parents à Bujumbura puis elle est allée à Naïrobi au Kenya où ses études étaient financées par l’homme d’affaires H. M., grand frère de Robert Kajuga, Président de la milice Interahamwe. Jeannette Kagame a travaillé, pendant un petit temps, dans la société Spie Batignolles à Naïrobi pour rejoindre finalement Kampala où elle a travaillé avant de se marier.
Après son mariage, Kagame fut envoyé, en juin 1990, aux Etats-Unis d’Amérique pour un stage de commandement militaire (Command Staff) à Fort Leaven Worth au Kansas. Après quelques 3 mois, Kagame interrompit son stage et arriva au front le 14/10/1990 pour remplacer Fred Gisa Rwigema à la tête du FPR-Inkotanyi.
De retour donc des USA, Kagame réorganisa son armée qui avait été refoulée hors du territoire rwandais le 30/10/1990. Celle-ci gagna la guerre en juillet 1994 après avoir défait les Forces Armées Rwandaises (FAR). Le FPR s’empara du pouvoir et forma son Gouvernement le 19/07/1994 dans lequel Kagame fut Vice-Président et Ministre de la Défense Nationale. Il fut également élu chef du Parti FPR. A la démission du Président Pasteur Bizimungu, Kagame fut investi comme Président et Commandant Suprême (High Commander) de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR).
Kagame est un homme qui ne supporte pas la contradiction. Le capitaine Kayitare, à en croire des sources du FPR, serait mort pour cette raison. Commando hors du commun qui a dirigé avec succès des opérations sur les villes de Ruhengeri le 23/01/1991 et de Byumba le 5/06/1992, il était parvenu à se faire une renommée parmi les membres du FPR. Lors d’une des exhibitions qui avaient lieu à Mulindi pour un fund raising, la chanteuse Kamaliza venue de Bujumbura lui dédia une chanson, séance tenante. Il le magnifiait en le comparant au lion (la chanson est elle-même intitulée Intare c’est-à-dire le lion) qui, par son courage, fait peur à ses ennemis (intare yaciye ibintu), au bouclier qui remporte la victoire après avoir terrassé les ennemis (ngabo itsinze, ihashya ababisha). Kagame ne digéra pas ce militaire qui lui faisait ombrage. Car non seulement le lion est courageux mais aussi il est le roi de la forêt. Le message était clair. Kayitare pouvait même supplanter Kagame à la tête du FPR.
Un jour qu’il était au sommet de la colline de Murore en commune Cyumba où il supervisait une opération militaire fin 1992, Kayitare fut appelé par radio pour une urgence dans leur état-major à Mulindi. Il devait descendre la montagne de Murore, traverser la théiculture de la vallée de Ngondore et monter vers Mulindi. C’est dans la théiculture qu’il a été arrosé de balles et rendit l’âme. Sa mort provoqua la consternation dans les rangs du FPR mais également les Far n’en revenaient pas de façon que lors de son inhumation, le Commandant des FAR à Byumba, le Colonel Bahufite, se rendit à la cérémonie car il croyait en la paix avec les négociations d’Arusha.
Kagame ne cache jamais ses plans criminels car il sait que personne ne peut y croire tellement leur réalisation est inimaginable pour un homme normal. A Kibuye, en 1995, il a traité les réfugiés hutu de l’ex-Zaïre de « chiens » et a juré de les poursuivre là où ils sont. Il a mis cette idée en exécution en bombardant leurs camps en octobre 1996, en tuant au moins 200.000 d’entre eux et en achevant les rescapés arrivés à Tingi-Tingi et à Mbandaka. Le Rapport Garreton, dans ses différentes versions, est éloquente à ce sujet.
Après qu’il ait dit, en août 1996, dans un meeting à Nyamirambo, qu’avec une petite capsule ou une petite cuillère, on peut vider un tonneau, Kagame est passé aux actes. Pour lui, le fait que les Hutu soient nombreux ne constitue pas un problème. Cette métaphore donne une idée de l’ampleur de sa méchanceté et de son ethnisme. Il suffit de tuer les Hutu, petit à petit, jusqu’à les exterminer. A la manière d’une goutte d’eau qui tombe du tonneau sans discontinuer. Le tonneau finira par se vider si le petit trou n’est pas colmaté. Les événements passés et récents confirment cette politique d’annihilation de l’ethnie hutu. En effet des tueries massives des Hutu ont eu lieu surtout depuis 1994 : les massacres de Kibeho, le nettoyage du Nord du pays, les camps de concentration et de crémation notamment dans le Parc National de l’Akagera.
En calculateur avisé qu’il est, Kagame aurait toujours le passeport diplomatique ugandais qu’il avait obtenu lorsqu’il était à la tête des services secrets de l’armée ugandaise. En effet, sous le titre : Rwandese leaders still hold ugandan passports (les dirigeants rwandais détiennent toujours des passeports ugandais), le journal Sunday Vision du 8 janvier 1995 l’a confirmé et a même ajouté que le président Museveni lui-même a déclaré que « son gouvernement ne s’est pas dérangé jusqu’ici pour demander à ces dirigeants de les restituer » (government has up now not bothered to ask the rwandese leaders to surrender the passports). Bien qu’il se soit investi Président rwandais, la détention de ce passeport laisse croire qu’il n’a pas abandonné son numéro de matricule dans l’armée ugandaise. Le journal ugandais The Monitor du 26 au 28 octobre 1994, parle lui aussi de 24,49 millions de shillings ugandais que Kagame devait à l’Uganda Commercial Bank LTD (UCB). C’est un crédit douteux que tous les officiers proches de Museveni ont pris après la victoire de la NRA en 1986. Fred Rwigema est mort sans rembourser 20,28 millions de shillings ugandais à cette banque.
Un ancien ministre ugandais de la justice, John Mulenga, auquel l’ambassadeur rwandais accrédité à Kampala faisait remarquer, après l’attaque du FPR en octobre 1990, la nationalité ugandaise des attaquants notamment par la détention de certains d’entre eux de passeports diplomatiques ugandais, faveur qui ne peut être accordée à un réfugié, a répondu que la loi ugandaise était si libérale qu'elle était muette sur la nationalité des personnes devant être incorporées dans l'armée ugandaise. Même le Président Museveni déclara un jour que l'un des membres de son cabinet, le Général Moses Ali était un soudanais qui n'a régularisé sa nationalité ugandaise que sous son régime alors qu'il était dans l'armée depuis les années 1960 (Bukeye, 1994).