LETTRE OUVERTE AUX DIRIGEANTS DES PARTIS PARTENAIRES DU FPR DANS LA GESTION DU POUVOIR AU RWANDA
 
 
-          Madame Mukabaramba Alvera, Présidente du PPC[i]
-          Monsieur Biruta Vincent, Président du PSD
-          Monsieur Higiro Prosper, Président du PL
-          Monsieur Mukezamfura Alfred, Président du PDC
-          Monsieur Rangira Adrien, Président de l’UDPR
-          Monsieur Rucibigango Jean Baptiste, Président du PSR
-          Monsieur Hamidou Omar, Président du PDI
 
 
Objet : Responsabilité de vos partis dans les politiques catastrophiques menées au Rwanda
 
 
Madame, Messieurs les Dirigeants,
 
 
Comme vous le savez, dans la foulée de sa victoire militaire de juillet 1994, le FPR-Inkotanyi a mis en place un Gouvernement dit d’union nationale. Ce Gouvernement qu’intégrèrent vos partis au titre des accords d’Arusha se heurta à divers obstacles qui en affectèrent considérablement le fonctionnement depuis le Gouvernement de Monsieur Twagiramungu Faustin jusqu’à l’actuel dirigé par Monsieur Makuza Bernard en passant par celui de Monsieur Rwigema Pierre Célestin.
 
Nous ne citerons pas tous les problèmes qui se sont manifestés tout au long de ces dernières années jusqu’à provoquer la dissolution du MDR, l’un des partis membres du ‘’Gouvernement d’union nationale’’. Le FPR lui-même ne fut pas épargné puisque le Chef de l’Etat, Monsieur Bizimungu Pasteur sera contraint de démissionner pour être remplacé par le Général Kagame Paul qui n’hésitera pas à l’arrêter et à le jeter en prison avec ses amis lorsqu’ils tentèrent, en 2002, de créer un parti d’opposition.
 
Au début de l’an 2000, quelques mois après la démission du Président Bizimungu, Monsieur Mbanda Jean, ex-Député du PSD, a adressé une lettre à tous les partis agréés au Rwanda où il analysait sans complaisance les conséquences de la démission présidentielle tout en proposant des voies et moyens de trouver des solutions appropriées et durables.
 
Vous vous souviendrez comment ce compatriote fut immédiatement arrêté et incarcéré pour avoir eu le courage d’exprimer ses opinions. Aucun de vos partis, y compris le sien, n’a osé dénoncer cette injustice et plaider en faveur de Mbanda. Au même moment, comme vous devez vous en souvenir, plusieurs personnalités dont des politiciens, des journalistes, des activistes des droits de l’homme  et des membres de l’armée, étaient, ou éliminés, ou portés disparus quand les plus chanceux d’entre eux parvenaient à prendre le chemin de l’exil.
 
Le fait de ne pas prendre la défense des citoyens en général et des militants de vos partis en particulier semble, en effet, être inscrit dans la culture de vos organisations.
 
Le fait que jusqu’à ce jour, vous n’ayez élevé la moindre protestation au sujet des crimes ayant frappé des citoyens de diverses catégories sociales et notamment l’assassinat de Monsieur Kabera Assiel, ex-Conseiller du Président de la République, l’arrestation et l’emprisonnement arbitraires du Président Bizimungu Pasteur, du Ministre Ntakirutinka Charles, du Col Biseruka Stanislas ainsi que leurs compagnons qui, tous,  moisissent aujourd’hui en prison où ils risquent leurs vies, la disparition forcée du Col Cyiza Augustin, du Député Hitimana Léonard et de plusieurs compatriotes dont les familles ont perdu toute trace, sont autant de signes qui prouvent largement que vous servez de caution morale au pouvoir du FPR au lieu de servir les intérêts du peuple, conformément aux engagements pris par vos formations politiques.
 
Votre lourd silence face aux politiques de paupérisation des masses populaires spoliées de leurs biens et en proie aux idéologies de haine pernicieusement distillées par le pouvoir en place ainsi que votre attitude irresponsable face à des réformes intempestives qui désorientent singulièrement la population, vous désignent comme une simple couverture offerte à la politique du FPR qui s’apparente à une énorme opération de prise d’otages dont le peuple rwandais est la plus grande victime.  
 
Votre manque de courage devant les nombreuses défaillances d’une justice aux ordres du FPR tant au niveau des tribunaux classiques qu’à celui des juridictions ‘’gacaca’’, vous pointe comme des traîtres dans les malheurs qui s’acharnent sur le Rwanda et son peuple. 
 
Votre cécité réelle ou supposée face à l’impact négatif des juridictions ‘’gacaca’’ dans leur formule actuelle sur toute tentative de réconciliation nationale authentique;
 
Etant donné que ces ‘’gacaca’’ désignent certains citoyens comme des criminels souvent sur base de faux témoignages parfois commandités pour les besoins du moment, approfondissant ainsi dangereusement le fossé qui sépare les composantes nationales depuis surtout la tragédie de ces dernières années,
 
Cette attitude de démission vous décrédibilise aux yeux de la population en vous faisant passer pour des irresponsables. 
 
Le fait qu’aujourd’hui les Rwandais soient devenus pratiquement indésirables dans toute la région des Grands Lacs est principalement lié à la politique militariste menée par le FPR avec lequel vous gouvernez le pays. En effet, nombre de vos représentants siègent à la Chambre des Députés et au Sénat quand d’autres occupent des postes au sein du Gouvernement et que d’autres sont, à divers niveaux, placés dans l’administration actuelle.
 
Tout cela vous fait passer, aux yeux de l’opinion, pour des mercenaires préoccupés uniquement de leurs intérêts égoïstes au lieu d’être l’oeil du peuple.
 
Que le FPR pille les biens de l’Etat sans que vous ne protestiez mais qu’au contraire vous lui donniez un chèque en blanc, qu’il spolie la population de ses maigres biens sans la moindre réaction de votre part jusqu’à les clochardiser et à les terroriser sans susciter votre désapprobation, le peuple ne peut que vous retirer sa confiance.
 
Madame et Messieurs les Dirigeants,
 
Vous connaissez parfaitement les diverses tentatives de l’opposition en exil pour l’ouverture d’un dialogue inter-rwandais qui regrouperait le Gouvernement, l’opposition et la société civile en vue de baliser ensemble le chemin d’une réconciliation effective et d’une reconstruction durable.
 
Ces efforts déployés bien avant le simulacre d’élections de 2003 dans lequel vous avez joué un role et qui ont consacré la domination de Kagame et son FPR sur tous les leviers du pouvoir, se poursuivent en ce moment même pour hâter la tenue d’un dialogue politique inclusif, seul cadre susceptible de permettre un débat ouvert et contradictoire sur les graves préoccupations d’intérêt national.
 
Force est cependant de constater que jusqu’à ce jour, vous n’avez pas voulu exprimer la position de vos partis sur nos revendications. Ce qui, de plus en plus, nous oblige à nous interroger sur les responsabilités que vous partagez avec le FPR en tant que ses partenaires, dans les conséquences néfastes de ses politiques.
 
Depuis plus de deux ans, le FPR et son Président se targuent d’avoir été élus par la population à presque cent pour cent, feignant ainsi d’oublier qu’il en a toujours été ainsi au bon vieux temps du MRND et de son Président Juvénal Habyarimana. Votre complaisance à cet égard est d’autant plus déconcertante que vous n’osez même pas conseiller votre supposé partenaire afin qu’il évolue en acceptant d’entamer un dialogue loyal avec ses opposants dans le but de rechercher des solutions durables aux graves problèmes dans lesquels se débattent le Rwanda et son peuple.
 
Alors que certaines organisations politiques en exil ont exprimé publiquement leur volonté de rentrer au Rwanda afin d’y poursuivre leurs activités, vos partis n’ont émis la moindre réaction à ce propos. Ce qui tend à établir votre complicité dans les politiques d’exclusion pratiquées par le FPR à l’encontre de certaines catégories du peuple rwandais dont le droit inaliénable de participer à la gestion du pays est ainsi bafoué.
 
Vous avez accepté la mise en place du Forum des partis au sein duquel vous siégez sans jamais rendre compte à la population des activités qui s’y déroulent, au point qu’on ne saurait exclure qu’il puisse s’agir d’une forme de ‘’prison’’ volontaire conçue comme un ultime prétexte pour expliquer votre incapacité de défendre les intérêts de la nation ainsi que ceux de sa population.
 
Nos formations estiment que, quand bien même le temps passé ne reviendrait jamais, et malgré les souffrances énormes endurées par nos compatriotes du fait de votre attitude honteuse et condamnable, vous devriez vous ressaisir avant qu’il ne soit trop tard, en nous rejoignant rapidement dans le combat, pour contraindre le FPR à ouvrir l’espace politique dans l’immédiat et sans conditions particulières.  
 
Madame et Messieurs les Dirigeants,
 
Nous avons été consternés par les insinuations scandaleuses du Président Kagame telles que récemment rapportées dans la presse au sujet du rapatriement en cours de nos compatriotes qui vivaient en République Démocratique du Congo. Le retour de ceux-ci au Rwanda alimenterait, selon Monsieur Kagame, un climat d’insécurité dans le pays. Ce qui, connaissant bien les manoeuvres manipulatoires auxquelles le FPR se livre souvent pour arrêter voire éliminer ses opposants réels ou supposés, sous des accusations fallacieuses relatives à la sécurité de l’Etat, pourrait être le prélude à des rafles sauvages dans les rangs des rapatriés.
 
Nous saisissons la présente opportunité pour lancer une mise en garde solennelle au sujet de la sécurité de ces concitoyens dont le retour n’a pour unique objet que de contribuer à la reconstruction de leur mère patrie comme nous l’avons constamment expliqué. 
 
Au cas où vous préféreriez ignorer cet appel qui vous est adressé et qui, nous en sommes certains, est partagé par l’immense majorité du peuple rwandais, vous devrez alors vous attendre à un sévère jugement de l’Histoire et vous devriez être prêts à assumer, aux cotés du FPR, les conséquences logiques de tous les crimes qui lui sont reprochés.
 
Les Rwandais sont, certes, soumis à une souffrance indescriptible, mais ils gardent, constamment, leur regard braqué sur nous.
 
Fait à Bruxelles, le 03 février 2006
 
Pour la CNA-Ubumwe
Gen. Habyarimana Emmanuel
Président
 
Pour les FDLR-CMC
Hakizimana Emmanuel
1er Vice-Président
 
Pour le PDN
Mushayidi Déogratias
Secrétaire Général et Porte-parole